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24/06/2022 | FRANCE | N°20VE02176

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 24 juin 2022, 20VE02176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de Saint-Ouen a retiré la décision tacite de non-opposition à la déclaration de travaux qu'il avait souscrite en vue de reconstruire à l'identique une chambre et une remise sur un terrain situé 11 rue Garibaldi et d'annuler le rejet tacite de son recours gracieux exercé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1900586 du 26 février 2020, le tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de Saint-Ouen a retiré la décision tacite de non-opposition à la déclaration de travaux qu'il avait souscrite en vue de reconstruire à l'identique une chambre et une remise sur un terrain situé 11 rue Garibaldi et d'annuler le rejet tacite de son recours gracieux exercé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1900586 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 août 2020 et le 17 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Kohen, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Ouen le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le retrait de la non-opposition acquise tacitement devait être précédé d'une procédure contradictoire, or le maire n'a laissé qu'un délai de 8 jours pour la présentation d'observations, ce qui est manifestement insuffisant alors que la jurisprudence du Conseil d'Etat fixe le délai raisonnable en la matière à 15 jours ;

- le délai de dix ans dans lequel l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme autorise la reconstruction à l'identique d'un bien détruit n'a commencé de courir qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009 ;

- toute construction antérieure à 1943 doit être regardée comme ayant été régulièrement édifiée et les biens en litige apparaissent sur le plan d'arpentage daté de 1940 ;

- la destruction de ces biens par des tiers est assimilée à une destruction par sinistre ;

- le projet en cause constitue bien une reconstruction à l'identique de constructions dont il est établi qu'elles existaient en 2008.

Par deux mémoires, enregistrés le 22 janvier 2021 et le 23 février 2022, la commune de Saint-Ouen, représentée par Me Billard, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- et les observations de

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Saint-Ouen a, par un arrêté du 19 juillet 2018, procédé au retrait de la non-opposition aux travaux ayant fait l'objet d'une déclaration préalable souscrite par M. A... en vue de reconstruire une chambre et une remise au 11 rue Garibaldi. M. A... fait appel du jugement du 26 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que la décision implicite par laquelle le maire de Saint-Ouen a rejeté son recours gracieux.

2. En premier lieu, une autorisation d'urbanisme constituant une décision créatrice de droits, le retrait d'une telle décision figure au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations du public avec l'administration. Par suite, une telle mesure de retrait entre également dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".

3. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les précitées constitue une garantie pour le titulaire d'une autorisation que l'autorité administrative entend rapporter. Lorsque le titulaire du permis est informé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de ce que le retrait du permis est envisagé et qu'il retire le pli dans le délai de quinze jours, prévu par l'article R.1.1.6 du code des postes et des communications électroniques, le juge doit apprécier si le délai d'observation dont bénéficie le titulaire est suffisant en faisant partir ce délai de la date de retrait du pli et non de sa date de présentation.

4. Le maire de Saint-Ouen a, par un courrier du 6 juillet 2018 réceptionné par l'intéressé le 9 juillet 2018, informé M. A... de son intention de retirer la décision intervenue tacitement le 30 mai 2018 de non-opposition aux travaux ayant fait l'objet de la déclaration préalable déposée le 30 avril 2018. Cette lettre indiquait à M. A... qu'il disposait d'un délai de 8 jours à compter de sa réception pour faire connaître ses observations. Eu égard à l'importance du projet, le délai laissé à M. A..., qui n'établit pas avoir contacté les services de la mairie pour demander un délai supplémentaire, ni fait part de ses observations même incomplètes, et qui n'indique pas de quelles observations il n'aurait pu faire état dans le délai qui lui était imparti, doit être regardé comme suffisant pour assurer le caractère contradictoire de la procédure mise en œuvre par le maire de Saint-Ouen.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. ". Aux termes de l'article L. 111-3 du même code, dans ses dispositions issues de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ".

6. D'une part, lorsqu'une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'un droit précédemment ouvert sans condition de délai, ce délai est immédiatement applicable mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Si, en adoptant les dispositions de la loi du 13 décembre 2000 insérées à l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, devenu l'article L. 111-15, le législateur n'a pas entendu permettre aux propriétaires d'un bâtiment détruit de le reconstruire au-delà d'un délai raisonnable afin d'échapper à l'application des règles d'urbanisme devenues contraignantes, les modifications apportées à cet article par la loi du 12 mai 2009 ont notamment eu pour objet de créer expressément un délai ayant pour effet d'instituer une prescription extinctive du droit, initialement conféré par la loi du 13 décembre 2000 aux propriétaires d'un bâtiment détruit par un sinistre, de le reconstruire à l'identique. Il en résulte que le délai qu'elle instaure n'a commencé à courir, dans le cas de destruction d'un bâtiment par un sinistre, qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009 ou, si elle est postérieure, de celle de la destruction du bâtiment. D'autre part, lorsque la destruction d'un bâtiment ne résulte pas d'un sinistre, le délai de dix ans au cours duquel la reconstruction à l'identique est autorisée, nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, doit être décompté à partir de la date de la destruction de ce bâtiment.

7. Si M. A... soutient que les locaux qu'il entend reconstruire à l'identique ont été détruits par des tiers exaspérés par la présence de squatters, ce qui en tout état de cause ne s'apparente pas à un sinistre au sens des dispositions précitées, il n'apporte pas la preuve de ces dires, ni la preuve de la date à laquelle ces locaux auraient été détruits. Ainsi, M. A... ne démontre pas qu'en se fondant sur la circonstance que le dossier n'établit pas avec certitude la date de démolition du bien, le maire aurait commis une erreur de fait ou de droit.

8. En troisième lieu, M. A... conteste le motif de l'arrêté litigieux fondé sur l'absence de preuve du caractère régulier de la construction démolie. Toutefois, le rapport produit rédigé par un expert immobilier ne comporte aucune mention susceptible d'établir la date de construction de l'immeuble au sein duquel sont situés les biens détruits. Le document d'arpentage daté de 1940 produit par M. A... est, en outre, trop imprécis pour apprécier la consistance exacte de l'édifice apparaissant sur ce plan et permettre d'affirmer que les deux locaux dont M. A... souhaite entreprendre la reconstruction auraient été édifiés avant 1943 et bénéficierait, par suite, d'une présomption de régularité.

9. Enfin, aucun document ne permet d'établir la consistance exacte des locaux détruits et, par conséquent, de démontrer que le projet poursuivi par M. A... consiste effectivement en une reconstruction à l'identique. Par suite, le maire n'a pas considéré à tort que le dossier de déclaration préalable n'apportait pas la preuve que le projet portait sur la reconstruction à l'identique des biens détruits.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais de justice en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Saint-Ouen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Saint-Ouen.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Colrat, première conseillère,

M. Frémont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.

La rapporteure,

S. B...Le président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE02176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02176
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable. - Déclaration de travaux exemptés de permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : KOHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-24;20ve02176 ?
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