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17/06/2022 | FRANCE | N°21VE01070

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 juin 2022, 21VE01070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100063 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentai

res enregistrés les 16 avril, 25 juillet et 5 octobre 2021, Mme E... B..., représentée par Me M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100063 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 16 avril, 25 juillet et 5 octobre 2021, Mme E... B..., représentée par Me Machicote, avocat, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2021 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 21 décembre 2020 ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de sept jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence résultant de l'illisibilité de la qualité du signataire ;

- la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile ne lui a pas été notifiée ;

- le principe général du respect des droits de la défense a été méconnu ;

- l'arrêté est entaché de défaut de motivation et d'examen particulier ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le retrait de l'attestation de demandeur d'asile est illégal ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur ses conséquences et méconnaît le droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2021, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me Machicote pour Mme E... B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E... B..., de nationalité congolaise (République Démocratique du Congo), est entrée sur le territoire français le 1er juin 2018 selon ses déclarations et a sollicité, le 19 juin 2018, son admission au séjour au titre de l'asile et, subsidiairement, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par une décision du 15 avril 2019, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Cette décision a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 31 octobre 2019. Mme E... B... a présenté une demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA du 14 février 2020, confirmée par une décision de la CNDA du 9 octobre 2020. Par un arrêté du 21 décembre 2020, le préfet de l'Essonne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du préfet de l'Essonne.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme E... B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions en annulation :

3. En premier lieu, M. A... F..., adjoint au chef du bureau de l'asile dont le nom et la qualité sont parfaitement lisibles sur l'arrêté contesté, a reçu délégation du préfet de l'Essonne par arrêté du 27 novembre 2020 pour signer l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de l'Essonne s'est fondé, et mentionne notamment la demande déposée par l'intéressée au titre de l'asile, le rejet de cette demande par l'Office de protection des réfugiés et des apatrides, la confirmation de ce rejet par la Cour nationale du droit d'asile le 31 octobre 2019, la demande de réexamen présentée par la requérante, son rejet par l'OFPRA, confirmé par la CNDA le 9 octobre 2020, indique que la demande d'asile du conjoint de la requérante a également été rejetée, ainsi que sa demande de réexamen. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Essonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.

5. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, le moyen tiré de l'absence de notification de la décision de la CNDA. La circonstance que Mme E... B... a introduit un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêté est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

6. En quatrième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant au soutien des conclusions présentées par Mme E... B..., il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

7. Or, dans le cas où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, ce dernier ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient ainsi, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

8. En l'espèce, si Mme E... B... soutient qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, cette mesure fait suite au rejet par la Cour nationale du droit d'asile de sa demande d'asile. Or, ainsi qu'il vient d'être dit, dans un tel cas, aucune obligation d'information préalable ne pèse sur le préfet. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier et des écritures de la requérante qu'un changement particulier de circonstances aurait affecté sa situation personnelle et familiale depuis l'enregistrement de sa demande d'asile. Il n'est pas non plus allégué que Mme E... B... aurait postérieurement sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle aurait été empêchée de présenter ses observations, si elle l'avait souhaité, avant que ne soit prise la décision litigieuse. Par suite, Mme E... B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union.

9. En sixième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celui tiré du fait que cet arrêté serait entaché d'illégalité en tant qu'il procède au retrait de l'attestation de demande d'asile du fait de l'absence de décision définitive sur le bienfondé de sa demande d'asile.

10. En septième lieu, aux termes aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... B..., entrée en France le 1er juin 2018, justifiait, à la date d'intervention de l'arrêté attaqué, d'une ancienneté de séjour de deux ans et demi. Son conjoint, dont la demande d'asile a également été rejetée par la décision de la CNDA du 9 octobre 2020 fait également l'objet d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Les demandes d'asile des quatre enfants du couple ont également été rejetées. Dans ces conditions, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine de la requérante, ou dans un autre où elle serait légalement admissible, ni à ce que les quatre enfants, nés en Afrique du sud pour le premier, en République démocratique du Congo pour le deuxième et en Pologne pour les deux derniers, poursuivent leur scolarité dans le pays d'origine de la requérante ou un autre où elle serait légalement admissible. La mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de Mme E... B... n'est pas, dans ces conditions, de nature à porter atteinte à l'intérêt supérieur des enfants. Il en résulte que Mme E... B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, qu'il porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. En huitième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

13. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la demande d'asile de Mme E... B... a été définitivement rejetée par une décision de la CNDA du 9 octobre 2020. Ni les éléments produits par la requérante relatifs à la détention du frère de son mari dans des conditions contraires aux droits de l'homme, à la détention des condamnés dans l'affaire de l'assassinat du président Kabila, ni ses allégations relatives aux menaces qu'elle aurait reçues à la suite de décès de son père par empoisonnement en 2015, ne permettent de remettre en cause les appréciations de la CNDA sur les risques auxquels elle allègue être exposée, ou son conjoint, en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Mme E... B... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 :La requête de Mme E... B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2022.

La rapporteure,

A-C. D...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01070
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : MACHICOTE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-17;21ve01070 ?
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