Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Richelieu et/ou le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du Richelais à leur verser la somme de 28 013,72 euros, augmentée des intérêts à taux légal à compter du 15 janvier 2019 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis du fait des infiltrations dans la cave de leur maison d'habitation.
Par un jugement n° 1901697 du 22 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande et a mis définitivement à leur charge, outre les sommes de 600 euros à verser à la commune de Richelieu et au syndicat mixte d'alimentation en eau potable du Richelais sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 548,18 euros correspondant aux frais et honoraires d'expertise liquidés et taxés par ordonnance de la présidente de ce tribunal du 30 avril 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 5 août 2021 et le 19 mai 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Martin-Sol, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Richelieu et/ou le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du Richelais à leur payer la somme de 28 013,72 euros en réparation de leurs préjudices, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2019, avec capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Richelieu et/ou du syndicat mixte d'alimentation en eau potable du Richelais la somme de 7 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- à titre principal, le comportement de la commune et du syndicat constitue une résistance abusive caractérisant une faute de nature à engager leur responsabilité ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité de la commune et du syndicat peut être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute ; l'expert a retenu que l'humidité du mur de leur cave provient du fonctionnement défectueux du système d'évacuation des eaux de pluie dont la commune est responsable ;
- ils justifient à ce titre d'un préjudice financier de 23 013,72 euros eu égard aux frais engagés pour faire valoir leurs droits et d'un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à hauteur de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2022, le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du Richelais, représenté par Me Meunier, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens des requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2022, la commune de Richelieu, représentée par Me Tissier-Lotz, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, à titre principal, que les moyens des requérants ne sont pas fondés et, à titre subsidiaire, que la charge indemnitaire doit être partagée équitablement entre elle et le syndicat mixte d'alimentation en eau potable, le désordre n'étant apparu qu'en raison de la modification de la nature du sous-sol à l'occasion des travaux de déplacement du compteur d'eau.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, en particulier son article 63 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,
- les observations de Mme Larre, auditrice de justice, substituant Me Martin-Sol, sous le contrôle de cette dernière, pour M. et Mme C..., celles de Me Hallé pour la commune de Richelieu et celles de Me Catry, pour le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du Richelais.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., propriétaires d'une maison au 32 rue Henri Proust à Richelieu (Indre-et-Loire), relèvent appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Richelieu et/ou du syndicat mixte d'alimentation en eau potable (SMAEP) du Richelais à leur verser la somme de 28 013,72 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'ils estiment avoir subis en raison d'infiltrations dans leur cave constatées à partir de la fin de l'année 2013 et de l'inertie fautive de ces deux collectivités. Ils sollicitent, à titre principal, l'engagement de leur responsabilité pour faute et, à titre subsidiaire, l'engagement de leur responsabilité sans faute.
Sur la responsabilité pour faute :
2. Il résulte de l'instruction que le 27 mai 2014, M. et Mme C... ont informé le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable du Richelais, devenu le SMAEP du Richelais, et la commune de Richelieu de l'existence d'infiltrations dans la cave de leur maison, qu'ils pensaient liées aux travaux de déplacement de leur compteur d'eau réalisés par le syndicat en 2013. Le syndicat a effectué une visite sur place le 4 juin 2014. Il a informé M. et Mme C..., par un courrier du 11 juin 2014, que les infiltrations étaient liées à une défectuosité du trottoir situé au droit de leur maison. La commune de Richelieu en a été informée. M. et Mme C... ayant déclaré ce désordre auprès de leur assureur, une première expertise contradictoire a eu lieu le 24 juillet 2014 en présence de la commune. Un rapport a été établi et a constaté un " défaut d'étanchéité entre le bitume du trottoir et le regard EP se trouvant près de la trappe de visite d'arrivée d'eau ". Une nouvelle réunion d'expertise amiable a été organisée le 24 juin 2015 en présence notamment de la commune, du syndicat et de l'entreprise Humbert ayant réalisé les travaux de déplacement du compteur pour le compte du syndicat. Il n'est pas contesté que la commune a, à la suite de cette réunion, fait procéder à des travaux tendant à assurer l'étanchéité du regard des eaux pluviales. Les infiltrations ayant malgré tout perduré, une nouvelle réunion a été organisée le 22 mars 2016 afin d'établir un protocole d'accord. Aucun élément ne permet d'établir que la commune et le syndicat ont tenté de faire échec aux démarches amiables engagées dans ce litige. Enfin, il n'est pas contesté que l'entreprise Humbert est intervenue en avril 2016 pour remplacer le joint du tampon du regard des eaux pluviales et installer un joint en silicone entre le regard et le béton du trottoir.
3. Dans ces conditions, la commune de Richelieu et le SMAEP, qui ont participé à la recherche de la cause des désordres et ont tenté d'y remédier, ne peuvent être regardés comme ayant fait preuve de résistance abusive et comme ayant ainsi commis une faute de nature à engager leur responsabilité.
Sur la responsabilité sans faute :
4. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
5. Il résulte du rapport de l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans du 6 juin 2017 que les désordres constatés dans la cave de M. et Mme C..., consistant en une humidité permanente évoluant selon les conditions météorologiques et pouvant entraîner à moyen ou long terme une dégradation des joints et pierres calcaires ainsi qu'une apparition de salpêtre pouvant engendrer des tassements, voire une fissuration de la maçonnerie, sont dus à un défaut d'étanchéité d'une canalisation d'eaux pluviales. Dès lors qu'il est constant que l'entretien du réseau d'eaux pluviales relève des attributions de la commune de Richelieu, les requérants ne sauraient rechercher la responsabilité sans faute du SMAEP du Richelais en se prévalant du défaut d'étanchéité de la canalisation en cause. En revanche, ils sont fondés à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Richelieu, sans avoir à démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils ont subi dès lors que le dommage présente un caractère accidentel.
Sur le partage de responsabilité :
6. Si la commune de Richelieu sollicite à titre subsidiaire un partage de responsabilité avec le SMAEP du Richelais, aucun élément ne permet d'établir que la responsabilité sans faute de ce syndicat serait engagée à l'égard de commune. En outre, cette dernière n'établit l'existence d'aucune faute commise par ce syndicat de nature à engager sa responsabilité à son égard. Ainsi, la seule circonstance que les désordres seraient apparus à la suite des travaux de déplacement du compteur d'eau ne permet pas de retenir le partage de responsabilité sollicité par la commune.
Sur les préjudices :
7. En premier lieu, M. et Mme C... justifient avoir engagé des frais d'analyse technique, s'élevant respectivement à la somme de 550 euros TTC et de 4 160 euros TTC (soit 2 160 euros et 2 000 euros), des frais d'huissier d'un montant de 300 euros TTC et des frais d'avocat, d'un montant total de 14 455,54 euros TTC (soit 1 068 euros, 2 160 euros, 5 094 euros et 6 133,54 euros), en lien avec les désordres subi dans la cave de leur maison. Les factures et notes d'honoraires afférentes à ces dépenses exposées par M. et Mme C... entre 2014 et 2018, qui figurent en annexe au rapport d'expertise à l'exception de l'une d'elles et dont l'objet est dépourvu de toute ambiguïté, présentent un lien direct avec les désordres subis par les requérants. Ces dépenses d'analyse technique, frais d'huissier et frais d'avocat doivent être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été utiles au règlement du litige. Par ailleurs, la commune de Richelieu n'apporte aucun élément de nature à établir que les frais d'avocat, qui ne correspondent qu'à des diligences effectivement accomplies dans le cadre de l'assistance qui a été apportée à M. et Mme C... pour mettre un terme aux dommages qu'ils subissaient, présenteraient un caractère excessif. Ainsi, M. et Mme C... sont fondés à demander la condamnation de la commune de Richelieu à leur verser totale de 19 465,54 euros.
8. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste évaluation du préjudice moral subi par les requérants en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à demander la condamnation de la commune de Richelieu à leur verser la somme totale de 21 465,54 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 15 janvier 2019 et capitalisation à compter du 15 janvier 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les dépens de première instance :
10. Il y a lieu de mettre à la charge définitive de la commune de Richelieu les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 548,18 euros par ordonnance de la présidente du tribunal administratif d'Orléans du 30 avril 2018.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Richelieu la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, M. et Mme C... n'étant pas partie perdante dans la présente instance, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Richelieu. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du syndicat mixte d'alimentation en eau potable du Richelais tendant à l'application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901697 du tribunal administratif d'Orléans du 22 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La commune de Richelieu est condamnée à verser la somme de 21 465,54 euros à M. et Mme C..., avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 15 janvier 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 548,18 euros par ordonnance de la présidente du tribunal administratif d'Orléans du 30 avril 2018 sont mis à la charge de la commune de Richelieu.
Article 4 : La commune de Richelieu versera à M. et Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme D... C..., à la commune de Richelieu et au syndicat mixte d'alimentation en eau potable du Richelais.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
M. Toutain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022.
Le rapporteur,
G. A...La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
C. YARDE
La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE02327