Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2019, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.
Par une ordonnance n° 1912710 du 27 novembre 2019, le vice-président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article R. 312-8 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 18 novembre 2019, présentée par M. B....
Par un jugement n° 1915056 du 6 avril 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2020, et des pièces complémentaires, enregistrées les 13, 14 et 15 mai 2022, M. B..., représenté par Me Lendrevie, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 8 mai 1993 est entré en France en 2011 selon ses déclarations. A la suite de son mariage avec une ressortissante française, le 24 novembre 2018, M. B... a sollicité le 31 janvier 2019 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 21 octobre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 6 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation, il ressort de celui-ci que les premiers juges ont répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant eux par le requérant. En outre, l'intéressé ne saurait utilement invoquer le fait que les premiers juges n'auraient pas pris en compte tous les éléments avancés devant eux, notamment au regard de sa vie familiale, pour contester la régularité du jugement, laquelle ne dépend pas du caractère fondé ou non des motifs pour lesquels ont été écartés ses moyens.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté litigieux, qui n'avait pas à comporter une description exhaustive de la situation personnelle et familiale de M. B..., vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment le 4° de son article L. 313-11, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et contient ainsi l'ensemble des considérations de fait et de droit qui le fondent et est suffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que l'arrêté ne mentionne pas l'existence d'une insertion par le travail alors qu'il aurait déposé une précédente demande de titre de séjour sur ce fondement est à cet égard sans incidence.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".
5. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'une ressortissante française est subordonnée, notamment, à l'obtention d'un visa pour un séjour supérieur à trois mois. A défaut, la demande de visa peut être formulée à l'occasion de la demande de titre de séjour, sous réserve de remplir les conditions prévues à l'article L. 211-2-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, parmi lesquelles figure la condition de l'entrée régulière sur le territoire français.
6. En l'espèce, M. B... ne justifie pas d'un visa de long séjour et ne remplissait dès lors pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, M. B... n'établit, ni même n'allègue, qu'il serait entré régulièrement sur le territoire français et, par suite, il ne pouvait pas davantage bénéficier d'un visa de long séjour au titre de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précité. Dans ces conditions, et en l'absence de visa de long séjour, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a pu, sans erreur de droit, rejeter la demande de titre de séjour qui lui était présentée au titre du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à supposer ce moyen soulevé.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée,et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
8. Si M. B... fait valoir qu'il s'est marié avec une ressortissante française le 24 novembre 2018, cette union n'est antérieure que de onze mois à l'arrêté attaqué. En outre, il n'établit l'existence d'une communauté de vie, par l'attestation de loyer qu'il produit, qu'à compter du 1er novembre 2018 sans toutefois apporter plus de précision sur le commencement de cette relation, qui est encore récente. S'il se prévaut de la naissance de sa fille, née de cette union, le 2 novembre 2019, celle-ci est, contrairement à ce qu'il soutient, postérieure à l'arrêté en litige. En se bornant, par ailleurs, à faire état du statut d'handicapée de son épouse, le requérant ne démontre pas davantage que sa présence lui serait indispensable, alors au demeurant qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, la Tunisie, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans au moins. S'il entend, en outre, se prévaloir de la durée de son séjour en France depuis 2011, les pièces produites sont insuffisamment nombreuses et probantes pour l'établir avant 2013, alors au demeurant que celle-ci n'a été rendue possible que par son maintien irrégulier sur le territoire français. Enfin, il ne justifie pas davantage, par les pièces produites, d'une insertion professionnelle suffisante, notamment dans la durée, les fiches de paye produites au titre de 2018 étant à temps incomplet et le contrat à durée indéterminé n'ayant été établi qu'à compter du 25 septembre 2019, moins d'un mois avant l'édiction de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, et compte tenu des conditions d'entrée et de séjour en France de M. B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L.131-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, l'arrêté litigieux n'est pas non plus entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la vie personnelle et familiale de l'intéressé.
9. En dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Si M. B... fait valoir que l'arrêté attaqué a pour effet de le séparer de sa fille, il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce qu'il est soutenu, que cette naissance est en tout état de cause postérieure à l'intervention de l'arrêté attaqué, ainsi qu'il a été dit au point 8. Dès lors, la légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, il n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces stipulations.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bresse, président de chambre,
Mme Danielian, présidente assesseure,
Mme Deroc, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.
La rapporteure,
I. C...Le président,
P. BresseLa greffière,
C. Fourteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 20VE01247