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09/06/2022 | FRANCE | N°20VE00983

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 juin 2022, 20VE00983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Centrale de la Gare a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un juge

ment n° 1407440 du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Centrale de la Gare a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1407440 du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02592 du 26 avril 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SELARL Pharmacie Centrale de la Gare contre ce jugement.

Par une décision n° 421725 du 13 mars 2020, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire à cette cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet 2015, 6 avril 2017 et 22 mars 2018, et après cassation, le 23 novembre 2020, la SELARL Pharmacie Centrale de la Gare, représentée par Me Obadia, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2015 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 28 février 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration ne pouvait pas mettre en œuvre la procédure d'opposition à contrôle fiscal prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle n'a pas informé la société de la possibilité de renoncer à l'option choisie pour l'application des dispositions de l'article L. 47 A du même livre ;

- les traitements informatiques qu'elle n'a pas réalisé n'étaient pas nécessaires au contrôle de sa comptabilité ;

- la réalisation des traitements informatiques prescrits était impossible ;

- son comportement lors du contrôle ne peut être qualifié d'opposition à contrôle fiscal ;

- l'application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales porte atteinte aux droits de la défense et au principe d'égalité des armes au sens de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'administration a détourné la procédure du contrôle inopiné de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et elle a outrepassé son cadre en procédant à des traitements informatiques ;

- la procédure d'imposition est irrégulière du fait de la méconnaissance de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a mis en œuvre une vérification de comptabilité irrégulière au regard des dispositions des articles L. 13 et R. 13-1 du livre des procédures fiscales ;

- la méthode de reconstitution des recettes repose, pour 2010 et 2011, sur une extrapolation des factures sur quatre jours qui ne peut être appliquée à l'ensemble de l'année ;

- les bases reconstituées l'ont été à partir du logiciel Alliance Plus, qui n'est pas fiable ;

- les factures manquantes ne correspondent pas nécessairement à des recettes supprimées mais également à des factures en attente ;

- le prix moyen par achats en espèce obtenu par cette méthode est erroné et aboutit à une marge de 35 % qui ne correspond pas à la réalité économique et au taux de marge relevé dans les monographies professionnelles.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 février 2016, et après cassation, les 5 juin et 1er décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SELARL Pharmacie Centrale de la Gare ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Obadia, pour la SELARL Pharmacie Centrale de la Gare.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL Pharmacie Centrale de la Gare, qui exploite une officine de pharmacie à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), a fait l'objet d'un contrôle inopiné le 15 mars 2011 suivi de deux vérifications de comptabilité portant sur les exercices clos de 2008 à 2010 en matière d'impôt sur les sociétés et sur la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ces contrôles, l'administration lui a notifié, par deux propositions de rectification en date du 24 octobre 2011 et du 28 juin 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2011 en appliquant la procédure d'opposition à contrôle fiscal prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Par un jugement du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par un arrêt du 26 avril 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement. Par une décision du 13 mars 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

2. D'une part, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) ". Il résulte de ces dispositions que le contribuable qui décide d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification garde la possibilité de changer d'option jusqu'à l'expiration du délai qui lui a été fixé par l'administration pour réaliser ces traitements.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 74 du même livre dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en œuvre du contrôle dans les conditions prévues au II de l'article L. 47 A ". Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que la société a fait l'objet d'un contrôle inopiné le 15 mars 2011 dans les locaux de la pharmacie à l'occasion duquel les vérificateurs ont constaté la présence de postes informatiques dotés du logiciel Alliance Plus, logiciel de gestion commerciale des officines pharmaceutiques dont une fonction permettait de supprimer de la comptabilité une partie des recettes réglées en espèces. Il ressort du procès-verbal dressé le même jour que le gérant de la société a, sur demande des vérificateurs, effectué une copie des fichiers lesquels ont été gravés sur un CD-ROM placé dans une enveloppe fermée, cachetée et remise au gérant de la société en vue de son exploitation sur place pendant la vérification de comptabilité. Par un courrier du 1er avril 2011, la société a été informée par l'administration fiscale de son intention de réaliser des traitements informatiques sur la comptabilité informatisée présentée et lui a présenté les trois options prévues par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. La société a choisi d'effectuer elle-même ces traitements informatiques conformément aux dispositions du b du II. de l'article L. 47 A précité. Par courriers du 8 avril 2011 s'agissant des exercices clos en 2008 et 2009 et du 29 septembre 2011 s'agissant de l'exercice clos en 2010, l'administration lui a transmis les cahiers des charges détaillant les traitements informatiques à réaliser avant respectivement le 29 avril 2011 et le 20 octobre 2011. La société a transmis le 30 mai 2011 s'agissant de la première période vérifiée, et le 13 février 2012 s'agissant de la seconde période vérifiée, une partie des traitements informatiques demandés et indiqué rencontrer des difficultés techniques importantes pour réaliser les autres traitements. Après avoir accordé à la société des délais supplémentaires, l'administration lui a notifié, par courriers du 7 octobre 2011 s'agissant de la première période vérifiée et du 1er juin 2012 s'agissant de la seconde, deux procès-verbaux constatant le défaut de réalisation d'une partie des traitements demandés et précisant que cette carence était susceptible de conduire à la mise en œuvre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, qu'elle a effectivement appliquées en l'absence de réalisation des traitements manquants.

5. Pour contester la qualification d'opposition à contrôle fiscal justifiant la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, la société soutient qu'elle n'a jamais été informée, lors du contrôle, de la possibilité de renoncer à l'option qu'elle avait choisie conformément aux dispositions du b) du II. de l'article L. 47 A du même livre. Il résulte, en effet, de l'instruction et il n'est pas contesté, que l'administration n'a à aucun moment de la procédure informé la société de cette faculté de renoncer à l'option prévue au b) du II de l'article L. 47 A, alors même que celle-ci lui avait fait part à plusieurs reprises des difficultés techniques rencontrées dans la réalisation des traitements informatiques demandés. Dans ces conditions, en procédant à l'évaluation d'office des résultats de la SELARL Pharmacie Centrale de la Gare en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, l'administration a entaché d'irrégularité la procédure d'imposition privant ainsi, à tort, la société des garanties attachées à la procédure contradictoire.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie Centrale de la Gare est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1407440 du 29 juin 2015 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La SELARL Pharmacie Centrale de la Gare est déchargée, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2011.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie Centrale de la Gare et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La rapporteure,

I. A...Le président,

P. BresseLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme

La greffière,

2

N° 20VE00983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00983
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET OBADIA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-09;20ve00983 ?
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