Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1805659 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 février 2021, le 1er avril 2021 et le 12 novembre 2021, M. D..., représenté par Me Hémery, Me Thomas-Raquin et Me Le Guerer, avocats, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les frais de déplacement, de réception et de cadeaux dont la déductibilité en charges a été rejetée ont été engagés dans l'intérêt de la société Ligase ;
- la somme de 51 151,72 euros inscrite au crédit de son compte courant d'associé a une contrepartie pour la société Ligase, dès lors qu'il s'est substitué à cette société pour le paiement de dettes de plusieurs fournisseurs à hauteur de cette somme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de la comptabilité de la société Ligase, qui exerce une activité de gestion immobilière et de location de matériel, et dont M. A... D... était l'associé à hauteur de 50 %, l'administration a constaté que la société avait remboursé à celui-ci des sommes déclarées en tant que remboursements de frais kilométriques et de frais de réception. Elle a réintégré dans les résultats imposables de la société une partie de ces dépenses au motif qu'elles ne pouvaient être regardées comme ayant été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise et a corrélativement imposé ces sommes comme revenus distribués à M. D... au titre de des années 2012, 2013 et 2014 sur le fondement de l'article 109-1 1° du code général des impôts. Par ailleurs, elle a imposé entre ses mains, sur le fondement de l'article 109-1 2° du même code, une somme portée, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, sur son compte courant d'associé ouvert dans les écritures de la société Ligase. M. D... fait appel du jugement n° 1805659 du 4 décembre 2020 rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales ainsi mises à sa charge au titre de des années 2012, 2013 et 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le dossier de première instance comprend la minute signée du jugement attaqué. Par suite, il y a lieu d'écarter comme manquant en fait le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement en l'absence de signature.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les revenus distribués au titre du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts :
3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...). ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Il appartient en principe à l'administration, lorsque le contribuable a régulièrement contesté les rectifications, d'apporter la preuve de l'existence et du montant de ces distributions ainsi que de leur appréhension.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 15 décembre 2015, que l'administration a réintégré dans les résultats de la société Ligase des frais de réception, des frais de cadeaux à la clientèle, ainsi que des dépenses de déplacements en dehors de l'Ile-de-France qui avaient été remboursées à M. D..., sous forme d'indemnités kilométriques notamment. Ces sommes ont été regardées comme non déductibles du résultat imposable de la société en application de l'article 39-1 du code général des impôts et ont, consécutivement, été imposées entre les mains de M. D... dans la catégorie des revenus distribués, sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts.
5. M. D... ne peut utilement se prévaloir de la proposition de transaction de l'administration, ni de l'avis de la commission départementale des impôts du 17 octobre 2016, qui a proposé d'admettre la déductibilité de certaines dépenses à hauteur d'un certain pourcentage.
6. En ce qui concerne les frais de déplacement, la société Ligase a comme seuls clients des sociétés basées entre Evry et Grigny, et les frais correspondant à ces destinations ont été admis. En revanche, il a été demandé à la société Ligase des justificatifs concernant les autres destinations, notamment en province. Les seuls justificatifs fournis, qui sont des documents faisant état de la construction d'une villa à Mandelieu La Napoule, concernaient une société tierce et ne la mentionnaient aucunement. Aucun autre document, tel qu'un mail commercial ou une étude de marché, n'a été fourni, alors que la société Ligase soutenait que certains déplacements avaient été effectués afin de démarcher des clients ou de rechercher une implantation nouvelle pour sa société. Enfin, si la société Ligase a soutenu que d'autres dépenses étaient liées à la recherche de clients pour la société TRDS, aucun contrat de prospection commerciale n'a été passé avec cette entreprise, qui a les mêmes associés que la société Ligase. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration n'a pas fait peser sur la société Ligase une exigence hors des usages professionnels en vigueur en lui demandant d'indiquer, pour chaque charge examinée, son objet et sa destination, ainsi que de produire, elle seule pouvant le faire, les justificatifs afférents, tout en lui laissant le choix quant à la nature des documents à présenter.
7. En ce qui concerne le rejet de la déductibilité de certains frais de réception, le requérant n'apportant pas d'élément nouveau, il y a lieu d'écarter les moyens avancés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
8. En dernier lieu, pour contester le rejet des frais de cadeaux à la clientèle, le vérificateur a relevé que la plupart des destinataires de ces cadeaux n'ont pas été identifiés, que le lien avec d'autres, tels que la société France Telecom, n'est pas établi, et que l'envoi d'une à six caisses de champagne à certains de ses prestataires n'était pas justifié. L'administration fiscale a également relevé que certains cadeaux étaient manifestement injustifiés, tels que l'achat d'un bracelet en or pour l'anniversaire de M. C... D... ou d'un châle pour Mme B.... En se bornant à affirmer que la liste des destinataires des cadeaux a été adressée à l'administration fiscale et que le bracelet en or était destiné à son unique client, alors que M. C... D... a manifestement des liens familiaux avec M. A... D..., ainsi que des intérêts communs dès lors qu'ils sont associés dans d'autres sociétés, et que le cadeau constitué par un bracelet en or revêt, par sa nature, un caractère personnel, le requérant ne conteste pas utilement ces constatations.
9. Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que l'administration a considéré que lesdites dépenses n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de la société Ligase, les a exclues des charges déductibles de l'entreprise au titre des exercices clos les 31 mai et 31 décembre 2013 et les a regardées comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. D..., bénéficiaire du remboursement de ces frais, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
En ce qui concerne les revenus distribués au titre du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts :
10. D'une part, aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Pour l'application du 2° du 1 de l'article 109, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus mobiliers. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.
11. D'autre part, aux termes de l'article 1134 du code civil : " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. / Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. / Elles doivent être exécutées de bonne foi. ". Dans le cas d'une cession de dettes d'une société à son associé, dès lors que, en vertu de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige, les actes par lesquels un nouveau débiteur accepte d'être substitué au débiteur initial est laissé à la libre convention des deux parties, l'associé peut établir, par tout moyen de preuve que les sommes créditées sur son compte courant peuvent être regardées comme la contrepartie du transfert de charge relatif au paiement de la dette.
12. A la suite de la vérification de comptabilité de la société Ligase, l'administration fiscale a constaté que celle-ci avait, à la clôture de l'exercice du 31 décembre 2013, crédité la somme de 51 151,72 euros sur le compte courant de chacun des deux associés, dont celui de M. D..., et a considéré que cette somme constituait des revenus distribués au sens du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. Le requérant soutient que cette inscription correspondait à l'engagement des associés à prendre en charge les dettes fournisseurs inscrites au passif de la société Ligase, en se substituant à ses obligations, et que des dettes, d'un montant total de 102 303,45 euros toutes taxes comprises, soit 86 199,66 euros hors taxe, ont disparu du passif de cette société après la substitution de créanciers opérée. En appel, M. D... produit un courrier du 17 mai 2013 de la SARL Le jardin de Grigny, l'ancienne dénomination de la société Ligase, proposant à la société AD BAT que ses associés se substituent à elle comme débiteurs de la créance détenue par cette dernière société à son encontre, cette proposition étant acceptée.
13. Si l'administration fiscale ne peut utilement remettre en cause la validité de cet acte au motif qu'il ne remplit pas les formalités de l'article 1690 du code civil, dès lors que ces dispositions sont applicables aux seules cessions de créance, mais non aux cessions de dette, cette substitution de créanciers n'a fait l'objet d'aucune décision d'assemblée générale de la société Ligase. En outre, il ressort de la proposition de rectification du 15 décembre 2015 que les dettes annulées ne concernaient la société AD Bat qu'à hauteur de 64 813,63 euros TTC. En l'absence de documents établissant la substitution de créanciers pour les autres dettes annulées, qui concernent quatre autres sociétés tierces, ainsi que de toute décision d'assemblée générale, l'inscription de la somme de 51,151,25 euros au crédit de chaque compte courant d'associé apparait injustifiée.
14. Ainsi, M. D... n'apporte pas la preuve de ce que l'inscription de la somme de 51 151,25 euros au crédit de son compte courant d'associé au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 constaterait seulement la reprise par lui des dettes de la société Ligase à l'égard de certains de ces fournisseurs. Par suite, l'administration était fondée à imposer cette somme entre ses mains, à titre de revenus distribués, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
15. Les pénalités n'ont été appliquées qu'à la rectification relative au produit exceptionnel. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 ci-dessus que la gestion de la société Ligase a bénéficié des conseils de deux experts comptables dont les prestations ont été simultanées et régulières sur la période vérifiée. C'est ainsi de façon délibérée que l'annulation des dettes fournisseurs a servi à diminuer le bénéfice de l'exercice clos le 31 décembre 2013 et à enrichir les associés, d'abord en inscrivant la somme de 51 015 euros au crédit de leur compte courant, puis en augmentant la valeur de leur participation au sein de la société Ligase. Par suite, l'administration fiscale établissant l'intention délibérée de M. D... d'éluder l'impôt, le moyen tiré de ce que les pénalités ne sont pas fondées doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la production industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juin 2022.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
C. FAJARDIE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la production industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 21VE00324