Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge de son obligation solidaire au paiement de la somme de 765 959 euros correspondant à des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à la charge du foyer fiscal auquel elle appartenait au cours des années 2005 et 2006.
Par un jugement n° 1907002 du 13 mars 2020, rendu après renvoi de l'affaire par un arrêt n° 17VE03169 du 9 mai 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles annulant l'ordonnance n° 1606642 par laquelle, le 9 octobre 2017, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Versailles avait rejeté la requête de Mme E..., le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, Mme E..., représentée par Me Cleach, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) de la décharger de l'obligation solidaire de paiement mise à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.
Elle soutient que :
- la solidarité ne s'applique pas aux prélèvements sociaux ;
- les justificatifs nouveaux sont recevables pour les demandes en décharge présentées avant le 21 avril 2012 ;
- elle justifie d'une séparation effective d'avec son époux, d'un prononcé de divorce en 2009, du respect de ses obligations déclaratives, de l'absence de manœuvre frauduleuse des époux en vue d'éluder l'impôt et de l'existence d'une disproportion entre le montant de la dette fiscale mise à sa charge et sa situation financière ; ces faits ne sont pas contestés ;
- en application du a de l'article 6-4 du code général des impôts, les époux mariés sous le régime de la séparation de biens font l'objet d'une imposition distincte dès l'année où ils cessent de vivre ensemble.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la solidarité entre époux n'est pas étendue aux contributions sociales ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, il conviendrait d'ordonner un supplément d'instruction quant au montant de la décharge pouvant, le cas échéant, être accordée.
Un mémoire, présenté pour Mme E..., par Me Parrat, avocat, a été enregistré le 5 mai 2022, postérieurement à la clôture d'instruction fixée au 22 novembre 2021 à 12 heures par une ordonnance du 21 octobre 2021 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a demandé à l'administration fiscale, le 17 février 2015, à être déchargée, sur le fondement des dispositions du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, de son obligation solidaire au paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle avait été assujettie, pour un montant total de 765 959 euros au titre des années 2005 et 2006, à raison du foyer fiscal qu'elle formait alors avec M. A... B... avec qui elle était mariée. Cette demande a été rejetée par un courrier du directeur départemental des finances publiques des Yvelines du 8 septembre 2016. Mme E... fait appel du jugement du 13 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, sur renvoi de l'affaire par un arrêt du 9 mai 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles annulant l'ordonnance du 9 octobre 2017 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Versailles ayant rejeté sa requête par application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
2. D'une part, aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts : " I. - Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ; (...) / II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsque, à la date de la demande : / a) Le jugement de divorce ou de séparation de corps a été prononcé ; / (...) c) Les intéressés ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; / d) L'un ou l'autre des époux ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité a abandonné le domicile conjugal ou la résidence commune. / 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes : / a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint (...). / 3. Le bénéfice de la décharge de l'obligation de paiement est subordonné au respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170 et 885 W à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune. / La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le demandeur et son conjoint (...) se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manœuvres, au paiement de l'impôt. (...) ".
3. D'autre part, le dernier alinéa de l'article 382 quater de l'annexe II au code général des impôts dispose : " Le demandeur ne peut soumettre au juge des pièces justificatives autres que celles qu'il a déjà produites à l'appui de la demande de décharge de responsabilité qu'il a présentée au directeur départemental des finances publiques ou au directeur en charge du service à compétence nationale, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans cette demande. ".
Sur les conclusions relatives à la solidarité de paiement des contributions sociales :
4. Il résulte des dispositions du I de l'article 1691 bis du code général des impôts que les époux ne sont pas tenus solidairement pour le paiement des contributions sociales. Par suite, les conclusions de Mme E... tendant à la décharge de son obligation de solidarité en tant que celle-ci concerne les suppléments de contributions sociales auquel son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 sont sans objet et, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions relatives à la solidarité en paiement des suppléments d'impôt sur le revenu :
5. En premier lieu, Mme E... démontre, sans d'ailleurs être contestée sur ce point par l'administration fiscale, qu'elle remplit l'ensemble des conditions posées par le 1° du II de l'article 1691 bis du code général des impôts pour être déchargée de l'obligation solidaire de paiement prévue par le I du même article, et justifie notamment devant le juge être divorcée de M. B... depuis l'année 2009. Toutefois, d'une part, alors que ce motif lui a été expressément opposé au point 5. de leur jugement par les premiers juges, elle ne conteste pas dans ses écritures ne pas avoir produit des éléments suffisamment concordants et probants permettant de justifier de la réalité de son divorce à l'occasion de la demande qu'elle a présentée le 12 février 2015 et complétée le 22 mai 2016. D'autre part, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, au point 6. de son jugement, conformément aux dispositions de l'article 382 quater de l'annexe II au code général des impôts dans sa version issue du décret du 18 avril 2012 publié le 20 avril 2012, Mme E..., qui n'a présenté sa réclamation que le 12 février 2015, postérieurement à l'entrée en vigueur de ce texte, n'était pas en droit de produire de nouveaux documents devant le juge pour contester la décision de rejet prise par le service et prouver son divorce. Par voie de conséquence, et dès lors que le juge doit, en application de cette disposition, statuer en l'état du dossier soumis à l'administration, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a confirmé la décision de rejet prise le 8 septembre 2016 par le directeur départemental des finances publiques des Yvelines et a rejeté la demande de Mme E... en raison de l'absence de production devant l'administration de documents prouvant la séparation effective de l'intéressée d'avec M. B....
6. En second lieu, dès lors que l'appelante ne soutient pas avoir été séparée de son époux au titre des années 2005 et 2006, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 6-4 du code général des impôts pour revendiquer un droit à une imposition distincte de son époux au titre des années en litige.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bresse, président de chambre,
Mme Bonfils, première conseillère,
Mme Deroc, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2022.
La rapporteure,
M.-G. C...Le président,
P. BresseLa présidente,
I. I. DanielianLa greffière,
C. Fourteau
La greffière,
A. Audrain FoulonLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 20VE02064