Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 pour un montant de 93 781 euros.
Par un jugement n° 1812122 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Couhault et Me Dupoux, avocats, demandent à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge de ces impositions ;
3° à titre subsidiaire, de faire application des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts pour l'imposition des revenus en litige ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- les dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts qui fondent l'imposition en litige ne sont pas applicables dès lors que M. A... n'avait pas la libre disposition des produits stupéfiants découverts à son domicile ;
- l'imposition en litige a été établie en contradiction avec la doctrine administrative BOI-IR-BASE-10-10-10-40 du 12 septembre 2012 qui est opposable à l'administration ;
- la valeur vénale des produits stupéfiants, qui constitue le revenu imposable en litige, n'a pas été déterminée de manière contradictoire ni par référence à une valeur de cession mais selon un barème qui n'a pas valeur légale ;
- subsidiairement, le revenu imposable en litige constitue un revenu exceptionnel au sens de l'article 163-0 A du code général des impôts, par suite les impositions en litige doivent être établies par application du système du quotient prévu à cet article.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 octobre 2021, l'instruction a été fixée au 22 octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre des procédures prévues par les articles L. 135 L et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a été informée de ce que le 10 mars 2012, la brigade des stupéfiants de Paris avait découvert, au domicile de M. A..., deux sacs contenant chacun 31,6 kilogrammes de résine de cannabis stockés dans le garage. Par une proposition de rectification du 18 novembre 2013, l'administration a notifié aux époux A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies au titre de l'année 2012 sur le fondement de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts. Par une décision du 1er octobre 2018, le service a rejeté la réclamation contentieuse formée par les époux A... le 19 octobre 2016. M. et Mme A... relèvent régulièrement appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande de décharge de ces impositions.
Sur le principe de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'un bien objet d'une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des biens mentionnés au premier alinéa, de la déclaration des revenus ayant permis leur acquisition ou de l'acquisition desdits biens à crédit. / (...) 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : / a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ". L'article 222-37 du code pénal dispose : " Le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants sont punis de dix ans d'emprisonnement et de 7 500 000 euros d'amende. "
3. Le régime d'imposition prévu par les dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts ne vise pas à imposer les profits issus de la revente de produits illicites mais à taxer le revenu imposable qui, correspondant à la valeur vénale des biens visés par ces dispositions, est présumé avoir été perçu par les personnes qui les détiennent. Il incombe alors au contribuable de combattre la présomption de revenus instaurée par ce dispositif en établissant notamment qu'il n'avait pas la libre disposition des biens ou sommes d'argent en cause.
4. Il résulte de l'instruction, que, par un jugement du tribunal correctionnel de Bobigny du 31 janvier 2017, M. A... a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans, dont un an assorti du sursis, ainsi qu'au paiement d'une amende de 5 000 euros, pour des faits, commis courant mars 2012, de détention non autorisée de stupéfiants et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement. Il n'est pas contesté qu'aux termes du procès-verbal de police, deux sacs renfermant chacun 31,6 kilogrammes de résine de cannabis ont été découverts le 10 mars 2012 dans le garage du domicile de M. A..., qui a reconnu lors des auditions être impliqué dans un trafic de stupéfiants et garder ceux-ci de façon volontaire et contre rétribution, pour le compte d'un tiers dont il s'est refusé à communiquer l'identité. En se bornant à affirmer d'une part qu'il n'avait que la garde temporaire des produits illicites sans en être propriétaire et d'autre part, que cette circonstance résultait d'une contrainte alors qu'il a reconnu être impliqué dans un trafic de stupéfiant de façon volontaire et rémunérée, M. A... n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'il n'avait pas la libre disposition des biens illicites en sa possession. Le moyen doit par suite être écarté.
En ce qui concerne l'application de la doctrine :
5. Le requérant se prévaut de la doctrine administrative BOI-IR-BASE-10-10-10-40-20120912 n 30, qui prévoit qu'" un revenu saisi en vertu d'une décision de justice et placé sous séquestre n'est imposable que lorsqu'il a été remis à la disposition du contribuable", et n° 80 qui précise la distinction entre revenu disponible et revenu acquis. En l'espèce, M. A... a été assujetti à des impositions supplémentaires à raison du revenu imposable qu'il est présumé avoir perçu et qui est équivalent à la valeur vénale des biens illicites trouvés en sa possession et non d'un revenu saisi en vertu d'une décision de justice et placé sous séquestre. Dès lors qu'il n'entre pas dans les prévisions de la doctrine qu'il invoque, le requérant n'est pas fondé à s'en prévaloir. L'instruction administrative invoquée ne fait pas davantage obstacle à la présomption instituée par les dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts. Le moyen tiré de ce que les impositions en litige seraient contraires à une interprétation d'un texte fiscal formellement admise par l'administration doit dès lors être écarté.
Sur le montant de l'imposition :
6. Ni l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts ni aucune autre disposition ne prévoient une procédure particulière pour la détermination de la valeur vénale des biens objets de l'infraction. L'administration fait valoir que cette valeur a été établie selon un protocole de coopération entre la direction générale des douanes et des droits indirects et la direction générale des finances publiques basé sur les prix fournis par Europol, par l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants et par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières. Eu égard à l'illicéité des biens en cause, la référence à des prix issus de données fournis par des organismes officiels, européens ou nationaux, en charge de la lutte contre le trafic de stupéfiants doit être regardée comme pertinente. En outre, le requérant, qui était à même de présenter des observations sur cette valeur vénale avant la mise en recouvrement des impositions en litige, ne propose pas de méthode d'évaluation alternative. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant la valeur vénale de la résine de cannabis saisie au domicile de l'intéressé.
Sur l'application des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts :
7. Aux termes du I de l'article 163-0 A du code général des impôts : " Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. (...) ".
8. En l'espèce, le revenu litigieux est tiré de la détention par M. A... de produits stupéfiants. Cette opération n'est pas, par nature, insusceptible de se reproduire annuellement. Dès lors, le revenu en litige doit être regardé comme dépourvu de caractère exceptionnel. Par suite, il ne peut bénéficier des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Il s'ensuit que leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2022 à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Pham, première conseillère,
M. Bouzar, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
L'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
C. PHAMLe président-rapporteur,
P. D... La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N°20VE02415 2