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10/05/2022 | FRANCE | N°20VE02231

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 10 mai 2022, 20VE02231


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Villiers-le-Bâcle a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 704 891 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, à raison du non recouvrement des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties dues par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ainsi que les sociétés ou instituts qui lui sont rattachés et qui sont installés sur son territoire au titr

e des années 2012 à 2015.

Par un jugement n° 1702549 du 10 juillet 2020, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Villiers-le-Bâcle a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 704 891 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, à raison du non recouvrement des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties dues par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ainsi que les sociétés ou instituts qui lui sont rattachés et qui sont installés sur son territoire au titre des années 2012 à 2015.

Par un jugement n° 1702549 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1° d'annuler les articles 1er à 3 du jugement attaqué ;

2° de rejeter la demande de la commune de Villiers-le-Bâcle.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'Etat ne peut être retenue, dès lors que la commune de Villiers-le-Bâcle ne s'est pas manifestée en temps utile pour faire corriger les erreurs constatées avant l'expiration du délai de reprise ;

- en tout état de cause, les articles 1382 (1°) et 1394 (2°) du code général des impôts exonèrent de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties les établissements publics scientifiques affectés à un service public ou d'utilité générale et non productive de revenus, ce qui est le cas du CEA ;

- le CEA n'est pas un établissement public industriel et commercial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, la commune de Villiers-Le-Bâcle, représentée par Me Erard, avocat, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Par lettre du 19 novembre 2021, les parties ont été informées qu'une clôture à effet immédiat était susceptible d'intervenir sur le fondement de l'article R. 611-1-1 du code de justice administrative, à compter du 20 décembre 2021.

La clôture de l'instruction est intervenue le 5 janvier 2022 par une ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Erard, pour la commune de Villiers-Le-Bâcle.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Villiers-le-Bâcle a demandé à l'administration fiscale, par lettre du 12 décembre 2016 reçue le 16 décembre 2016, de lui verser une indemnité d'un montant de 704 891 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison du non assujettissement du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et des sociétés ou instituts rattachés à ce dernier, installés sur son territoire, à la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties au titre des années 2012 à 2015. Cette demande ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette commune a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à obtenir de l'Etat une indemnité correspondant à la perte de recettes fiscales correspondante, assortie des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 1702549 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

2. D'une part, une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration, et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales : " Pour les impôts directs perçus au profit des collectivités locales et les taxes perçues sur les mêmes bases au profit de divers organismes, à l'exception de la cotisation foncière des entreprises, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de leurs taxes additionnelles, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

4. En ce qui concerne les taxes foncières au titre des années 2012 à 2014, le délai de reprise était expiré au 16 décembre 2016, date de réception du courrier par lequel la commune de Villiers-le-Bâcle a présenté sa demande indemnitaire. Par suite, l'administration fiscale, qui ne pouvait plus exercer son droit de reprise, ne peut être considérée comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité en n'ayant pas assujetti le CEA aux taxes foncières malgré la demande de la commune. La circonstance que les services fiscaux n'aient pas spontanément procédé à cet assujettissement avant l'expiration du délai de reprise n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, en l'absence de circonstances particulières qui auraient dû nécessairement conduire l'administration à réexaminer la situation de cet organisme. L'existence de litiges initiés par la communauté d'agglomération de Paris-Saclay et portant sur les cotisations de taxe professionnelle, de contribution économique territoriale et de taxe foncière dues par le CEA et au titre d'années plus anciennes ne constitue pas une telle circonstance particulière.(/ANA)

5. En ce qui concerne la taxe foncière au titre de l'année 2015, l'administration a été saisie par un courrier du 12 décembre 2016, reçu le 16 décembre 2016, qui était un vendredi, alors que le délai de reprise prévu à l'article L. 173 du livre des procédures fiscales expirait le 31 décembre 2016. Ce bref délai de quinze jours ne permettait pas à l'administration fiscale d'étudier la question qui lui était posée, en recueillant éventuellement les observations du CEA, notamment en ce qui concerne les sociétés ou instituts qui lui sont rattachés et qui sont installés sur son territoire, certains d'entre eux ayant déjà acquitté la taxe foncière en leur nom propre, puis d'établir un rôle supplémentaire. Par suite, l'administration fiscale n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en n'effectuant pas une correction des bases de la taxe de l'année 2015 avant l'expiration du délai de reprise.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à la demande indemnitaire de la commune de Villiers-le-Bâcle. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande de la commune de Villiers-le-Bâcle.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement n° 1702732 du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Villiers-le-Bâcle devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la commune de Villiers-le-Bâcle.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Pham, première conseillère,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE02231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02231
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services économiques - Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SCP AYACHESALAMA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;20ve02231 ?
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