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10/05/2022 | FRANCE | N°20VE00899

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mai 2022, 20VE00899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1908439 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté s

a demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2020,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1908439 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2020, M. C..., représenté par Me Sourty, avocat, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 13 juin 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de travail, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 800 euros.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas pris en compte tous les fondements de sa demande de titre de séjour ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet s'est abstenu de faire usage des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale dès lors que la mesure d'éloignement qui la fonde est également illégale ;

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La procédure a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles en date du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant tunisien né le 14 mai 1986 à Tataouine (Tunisie), est entré en France en 2011. Le 8 février 2018, il a demandé son admission au séjour. Par un arrêté du 13 juin 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " et aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 : " L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".

3. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles. Ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ont, par suite, perdu leur objet. Il n'y a plus lieu, dès lors, d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis :

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 de ce code, " sous réserve des conventions internationales ". L'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titre de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétences, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" ".

5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. En outre, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afférentes à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le cadre d'une admission exceptionnelle au séjour, pour laquelle les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne prévoient pas de dispositions spécifiques, sont applicables aux ressortissants tunisiens.

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de sa demande en date du 8 février 2018, que M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations des articles 3 et 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 de ce même code ainsi que sur le fondement du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet. Il résulte de l'examen de la décision du 13 juin 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis que si ce dernier s'est bien prononcé sur la demande de titre de séjour présentées par M. C... sur le fondement des stipulations des articles 3 et 7 quater de l'accord franco-tunisien, il ne s'est en revanche pas prononcé sur la demande de l'intéressé présentée sur le fondement tant de son pouvoir discrétionnaire de régularisation que des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... est dès lors fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation. Il suit de là que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'illégalité et doit, par suite, être annulée.

7. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prises à l'encontre de M. C... doivent nécessairement être également annulées, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard au moyen d'annulation retenu au point 6, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de prendre à nouveau une décision sur la demande de titre de séjour présentée par M. C..., après une nouvelle instruction, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sourty, avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sourty de la somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 1908439 du tribunal administratif de Montreuil du 11 février 2020 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 juin 2019 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Sourty une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sourty renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Saint-Denis et à Me Eliot Sourty.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

Le rapporteur,

B. B...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE00899 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00899
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SOURTY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;20ve00899 ?
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