Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007.
Par une ordonnance n° 1502974 du 6 décembre 2017, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen a transmis la requête au tribunal administratif de Versailles.
Par un jugement n° 1708781 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge de la part des cotisations supplémentaires de contributions sociales ayant résulté de l'application de la majoration de 25% de la base imposable au titre de l'année 2007, à laquelle le requérant a été assujetti, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, M. D..., représenté par Me Vibert, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, prévue à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, est insuffisamment motivé ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence d'une minoration du prix de cession des titres de la SARL La Grange du Moulin, sa méthode d'évaluation comportant de nombreux vices ;
- s'agissant de la valeur mathématique, elle aurait dû tenir compte des éléments corporels du fonds de commerce et non seulement des éléments incorporels de celui-ci ;
- elle n'a pas tenu compte de la refacturation du personnel mis à disposition de la société, le chiffre d'affaires moyen pondéré calculé sur les années 2005 à 2007 est ainsi erroné ;
- c'est à tort qu'elle a appliqué un coefficient de majoration de 116% en plus du coefficient de 16,18% alors qu'il ne repose sur aucune fiabilité économique ;
- selon sa propre méthode, il conviendrait d'appliquer un coefficient de majoration de 75%, aboutissant à une valeur mathématique de 292 092 euros ;
- les éléments de comparaison retenus par l'administration ne sont pas pertinents ;
- s'agissant de la valeur de rendement, l'administration aurait dû tenir compte de l'absence de distribution par la SARL La Grange du Moulin, démontrant sa mauvaise santé financière ;
- elle n'a pas pris en compte la rémunération du dirigeant, fixée à 58 800 euros, ce qui aboutirait à un résultat moyen pondéré négatif et à une valeur de rendement de 163 963 euros ;
- selon sa méthode, la valeur unitaire des titres s'élève à 12,16 euros ;
- la majoration de 40% pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 1er octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... est le dirigeant et l'associé à 99%, directement et indirectement, de la SARL du Moulin de Fourges, qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2007 et 2008 à l'issue de laquelle l'administration a, par une proposition de rectification du 29 septembre 2010, estimé que le prix de vente des titres de la SARL La Grange du Moulin cédés par la SARL du Moulin de Fourges à M. D... était très inférieur à leur valeur réelle et a réintégré les sommes correspondantes dans son résultat imposable. Considérant que ces sommes étaient distribuées à M. D..., sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, elle a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2007. M. D... fait appel du jugement du 7 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles, après l'avoir déchargé des droits et pénalités de contributions sociales correspondant à la réduction de sa base d'imposition aux contributions sociales du montant correspondant à l'application de 25%, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".
3. M. D... s'étant abstenu de présenter des observations à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 30 septembre 2011 dans le délai de trente jours qui lui était imparti, il supporte la charge de prouver le caractère exagéré des impositions auxquelles il a été assujetti. Il appartient toutefois à l'administration d'établir le principe même de l'imposition.
En ce qui concerne la détermination de la valeur des titres litigieux :
4. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) / c. les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précédemment citées du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
5. La valeur vénale des titres non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qui aurait résulté du jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance.
6. M. D... a acquis les parts sociales de la SARL La Grange du Moulin pour une valeur unitaire de 13,67 euros. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Le Moulin de Fourges, l'administration a remis en cause cette valeur unitaire et a estimé que la valeur vénale unitaire réelle des titres acquis par M. D... s'élevait à 32,81 euros, correspondant à la moyenne entre la valeur mathématique et la valeur de rendement avec un abattement de 20% appliqué au résultat pour tenir compte des caractéristiques propres de la cession et de la société. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, prévue à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, a constaté l'imperfection des méthodes d'évaluation mises en œuvre par la SARL du Moulin du Fourges et par l'administration puis a proposé de fixer à 23 euros la valeur vénale unitaire des parts cédées par la SARL du Moulin du Fourges, correspondant à la moyenne arithmétique des deux valeurs retenues par la société et par l'administration. L'administration a alors abandonné les rectifications initialement proposées à concurrence de la valeur vénale des titres de la SARL La Grange du Moulin retenue par la commission.
S'agissant de la valeur mathématique :
7. Pour déterminer la valeur mathématique des titres de la SARL La Grange du Moulin, l'administration a effectué des corrections à la valeur comptable de la société en calculant la plus-value latente des éléments incorporels du fonds de commerce acquis par la société en 2004 pour un montant de 300 000 euros, dont 200 000 euros d'éléments incorporels. Dans un premier temps, l'administration a appliqué un coefficient de 16,18% au chiffre d'affaires moyen pondéré des exercices 2005 à 2007 (2 015 897 euros), coefficient correspondant à la valeur du fonds dans le chiffre d'affaires moyen pondéré des exercices 2001 à 2003 (1 235 753 euros), avant l'acquisition du fonds, aboutissant à une valorisation de 326 262 euros. Considérant que cette valeur ne saurait correspondre à la valeur réelle des titres de la SARL La Grange du Moulin du fait d'une importante augmentation de son chiffre d'affaires entre les exercices 2001 et 2003, d'une part, et les exercices 2005 et 2007, d'autre part, elle a, dans un second temps, appliqué un coefficient de majoration de 116%. Ce coefficient correspond à la moyenne arithmétique du pourcentage d'augmentation de son chiffre d'affaires entre les exercices 2001 et 2003 d'une part, et les exercices 2005 et 2007, d'autre part, et de son résultat pondéré au titre des mêmes périodes, soit respectivement 63% et 169%. L'administration avait, par suite, initialement retenu une valeur mathématique de 763 220 euros.
8. En premier lieu, M. D... soutient que c'est à tort que l'administration a seulement pris en compte les éléments incorporels du fonds de commerce et qu'elle aurait dû intégrer ses éléments corporels. Toutefois, l'administration a considéré que les éléments corporels du fonds de commerce, acquis pour un montant de 100 000 euros en 2004, n'avaient pas vu leur valeur évoluer depuis, dès lors que la valeur figurant au bilan de la SARL La Grange du Moulin correspondait à leur valeur réelle. Le requérant n'apporte aucun élément permettant de démontrer que la valeur réelle des éléments corporels du fonds de commerce différerait de leur valeur comptable.
9. En deuxième lieu, le requérant soutient que l'administration n'a pas tenu compte de la refacturation du personnel mis à disposition de la société et du fait que, par conséquent, le chiffre d'affaires moyen pondéré sur les années 2005 à 2007 est de 1 946 722 euros au lieu de 2 015 897 euros. Cette erreur commise par l'administration conduit, d'une part, à retenir une valorisation de 314 979 euros après application du coefficient de 16,18%, d'autre part, à appliquer un coefficient de majoration de 113,5%, le chiffre d'affaires moyen pondéré ayant évolué de 58% et non de 63%. Dès lors, la valeur mathématique retenue doit être de 672 480 euros, ce qui conduit, en tant que tel, à une valeur vénale de 455 847 euros et une valeur unitaire de 30,38 euros par part, ce qui reste largement supérieur à la valeur de 23 euros retenue en définitive par l'administration.
10. En troisième lieu, si le requérant soutient que le coefficient de 116% ne repose sur aucune fiabilité économique, celui-ci tient compte de l'évolution du chiffre d'affaires moyen pondéré et du résultat net entre la période précédant l'acquisition du fonds de commerce et la période postérieure à celle-ci, de telle sorte qu'il est adapté pour la détermination de la valeur vénale des titres cédés de la société.
11. En quatrième lieu, le requérant soutient que les éléments de comparaison retenus par l'administration ne sont pas pertinents dès lors qu'ils n'ont aucune similitude avec le fonds en litige, notamment d'un point de vue géographique. Toutefois, l'administration a pris en compte des cessions de fonds de commerce portant sur des biens similaires, tant de restauration traditionnelle que d'hôtellerie, et ce dans l'ensemble du département des Yvelines, tant dans des communes proches que dans des communes éloignées de Paris. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration se serait fondée sur des termes de comparaison inadaptés.
12. En cinquième lieu, si le requérant soutient que la valeur mathématique de la société s'élève à 292 092 du fait de l'application d'un coefficient moyen de valorisation de 75%, qu'elle estime déjà être élevé, elle n'apporte aucun élément permettant de démontrer que ce coefficient repose sur des éléments économiques ou est justifié par des éléments propres à la société.
S'agissant de la valeur rendement :
13. Afin de déterminer la valeur de rendement des titres de la société, l'administration a écarté l'utilisation de la valeur de rendement stricto sensu en l'absence de dividendes distribués au cours des deux ou trois dernières années. Utilisant la méthode de productivité, elle a, d'une part, appliqué au résultat moyen pondéré des exercices 2005 à 2007 un taux de capitalisation de 15%, aboutissant à une valeur de 252 098 euros et, d'autre part, déterminé la marge brute d'autofinancement à partir de la moyenne pondérée sur les exercices 2005 à 2007 en appliquant un coefficient de 5, aboutissant à une marge de 682 180 euros, puis a effectué la moyenne arithmétique de ces valeurs, soit 467 139 euros, qu'elle a retenue comme valeur de rendement de la société.
14. M. D... soutient que l'administration n'a pas tenu compte de la rémunération de dirigeant, s'élevant à 58 800 euros, ce qui aboutirait à une valeur de productivité nulle, le résultat moyen pondéré étant négatif, et à une marge brute d'autofinancement de 327 925 euros, soit une valeur de rentabilité moyenne de 163 963 euros. Si cette méthode devait être retenue, la valeur vénale de la société serait alors égale à 334 576 euros, soit une valeur unitaire de 22,30 euros, ce qui correspond à une différence minime avec la valeur unitaire de 23 euros retenue par l'administration et à une différence d'environ 39% avec la valeur unitaire de 13,67 euros retenue pour la cession des titres.
S'agissant de l'application d'une méthode alternative :
15. Si M. D... soutient proposer une méthode alternative pour la détermination de la valeur des titres, il se borne en réalité à appliquer la méthode mathématique de l'administration, en retenant un coefficient moyen de valorisation de 75%, sans justifier l'application de ce coefficient, qui n'est rattachable à aucune des données de l'entreprise, et à combiner cette première méthode avec une méthode de rendement, en fait, une méthode de productivité, qui est celle du service corrigée de la rémunération du dirigeant, dont il a été question au point 14 du présent arrêt.
16. Il résulte de ce qui précède que M. D... était gérant et l'associé majoritaire de la SARL Le Moulin du Fourges, qui lui a vendu ses parts dans la SARL La Grange du Moulin à un prix largement inférieur à la valeur réelle des titres, ce qui est constitutif d'un avantage accordé par la SARL Le Moulin du Fourges à M. D..., avantage non compensé par une contrepartie quelconque. Dès lors, l'administration établit l'existence d'une libéralité consentie par la SARL Le Moulin du Fourges au profit de M. D... tandis que le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des impositions auxquelles il a été assujetti sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.
Sur les pénalités :
17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
18. Pour assortir ces rectifications de la majoration de 40% pour manquement délibéré, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que M. D..., gérant et associé très majoritaire de la SARL Le Moulin du Fourges, a acquis les parts que celle-ci détenait dans la SARL La Grange du Moulin pour une valeur unitaire de 13,67 euros, dont il ne pouvait ignorer, eu égard à ses fonctions, qu'elle était très inférieure à la valeur réelle des titres cédés. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du manquement délibéré de M. D..., s'agissant des impositions restant en litige
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2022, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Pham, première conseillère,
M. Bouzar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
L'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
C. PHAMLe président-rapporteur,
P. C... La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 20VE00759