La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2022 | FRANCE | N°20VE00632

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 21 avril 2022, 20VE00632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le maire de Suresnes lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an et de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803637 du 19 décembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, respectivement enregistrés les 19 février et 27 mars 2020, Mme B..., représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le maire de Suresnes lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an et de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803637 du 19 décembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 19 février et 27 mars 2020, Mme B..., représentée par Me Arvis, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Suresnes le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à défaut d'avoir visé et analysé l'ensemble des écritures des parties, conformément à l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur sur la qualification juridique des faits ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- ces faits ne peuvent être qualifiés de faute disciplinaire ;

- la sanction prononcée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2020, la commune de Suresnes, représentée par Me Sery, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- les observations de Me Arvis, pour Mme B..., et celles de Me Condamine, substituant Me Sery, pour la commune de Suresnes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent de maîtrise territorial titulaire employé par la commune de Suresnes, occupait l'emploi de gardienne du centre sportif municipal des Raguidelles, fonctions à raison desquelles elle bénéficiait, sur place, d'un logement pour nécessité absolue de service. Par un arrêté du 15 mars 2018, le maire de Suresnes a infligé à l'intéressée une exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 19 décembre 2019, dont Mme B... relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires, ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".

3. En l'espèce, le jugement attaqué, contrairement à ce que soutient Mme B... sans aucune précision, vise et analyse les conclusions et moyens développés par les parties dans tous les mémoires que celles-ci avaient présentés devant le tribunal administratif. Dès lors, le moyen tiré par la requérante de ce que le jugement attaqué méconnaîtrait, à ce titre, les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté.

4. En second lieu, si Mme B... soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de qualification juridique des faits, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par les juges de première instance, n'est pas de nature à affecter la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté du 15 mars 2018 :

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'autorité qui prononce une sanction disciplinaire doit préciser, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

6. En l'espèce, l'arrêté contesté du 15 mars 2018 vise, notamment, la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ainsi que le décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux, et précise, au cas particulier, que le maire de Suresnes s'approprie la description des faits reprochés à Mme B... telle qu'elle figure dans le rapport de saisine du conseil de discipline, en date du 29 janvier 2018, griefs qui sont ensuite expressément énumérés. Dans ces conditions, la requérante a pu, à la seule lecture de cet arrêté, connaître les motifs de la sanction disciplinaire dont elle a ainsi fait l'objet. L'intéressée n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté du 15 mars 2018 :

7. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) Troisième groupe : / (...) - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans (...) ". Il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. En premier lieu, si Mme B... conteste, de première part, le grief tiré par la commune de Suresnes de ce qu'elle aurait régulièrement utilisé à des fins personnelles des agents municipaux placés sous son autorité durant leur temps de travail, la matérialité de ces faits ressort des pièces du dossier et, notamment, des comptes rendus d'audition de Mme G... et de MM. Battin et Picout, qui ont attesté l'avoir accompagnée, à plusieurs reprises, faire ses courses durant leur temps de service, déclarations dont le bien-fondé n'est pas remis en cause par les éléments apportés par la requérante dans la présente instance.

9. De deuxième part, contrairement à ce que soutient Mme B..., le bien-fondé du grief tiré de ce qu'elle a incité Mme E..., agent placé sous son autorité, à déclarer des heures supplémentaires que cette dernière n'avait pas effectuées, au mois d'octobre 2017, est clairement établi par la commune de Suresnes, en particulier par la retranscription des messages téléphoniques échangés entre les intéressées, le 25 octobre 2017, et authentifiés par un huissier. A cet égard, sont sans incidence les circonstances que la requérante n'était pas elle-même chargée de valider, ensuite, les états d'heures supplémentaires ainsi déclarées " par anticipation ", selon elle, et que d'autres agents ont, par ailleurs, attesté avoir effectivement réalisé les heures supplémentaires pour lesquelles ils ont été payés.

10. De troisième part, compte tenu tant de la nature des fonctions qui lui étaient confiées, lesquelles incluaient la surveillance et la sécurité du centre sportif municipal des Raguidelles, que de la circonstance qu'elle était domiciliée sur place dans un logement lui ayant été précisément concédé pour ce faire, Mme B... ne saurait sérieusement soutenir qu'elle aurait ignoré que M. A..., l'un des maîtres-nageurs sauveteur de ce centre qui se trouvait alors en situation de précarité, y a logé durant plus de six mois, entre mai et novembre 2017, en dormant dans la salle de repos des maîtres-nageurs. Par ailleurs, si elle soutient qu'elle n'aurait jamais autorisé cet agent à s'installer ainsi dans le centre sportif, la requérante n'établit, ni même n'allègue, avoir dûment référé de cette situation à sa hiérarchie. Dans ces conditions, la commune de Suresnes a pu, à juste titre, lui faire grief d'avoir, ce faisant, manqué à son devoir de surveillance.

11. De quatrième part, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des témoignages concordants et circonstanciés de plusieurs agents du centre sportif municipal des Raguidelles, dont ceux de M. A... et de Mme G..., que M. F... B..., l'un des enfants de la requérante, vivant dans le logement de fonctions de celle-ci et par ailleurs employé comme agent vacataire de la commune, a organisé plusieurs soirées au sein de la piscine du centre, après l'heure de fermeture au public, festivités dont les reliquats alimentaires ont, d'ailleurs, été retrouvés, au matin, dans les poubelles de la piscine et aux abords du bassin, alors que le ménage y avait pourtant été effectué la veille au soir. A supposer que la requérante, qui reconnaît d'ailleurs l'organisation de l'une de ces soirées par son fils, n'aurait pas été alors préalablement informée de celles-ci, il lui appartenait, en tout état de cause, au titre de ses fonctions de gardiennage du centre sportif, d'en référer à la commune et de veiller à ce que de tels agissements ne puissent y être réitérés. Ainsi, la commune de Suresnes justifie que Mme B... a, à ce titre également, manqué à son devoir de surveillance.

12. Il résulte des points 8 à 11 que la commune de Suresnes établit la matérialité des faits ainsi reprochés à Mme B....

13. En deuxième lieu, les faits exposés aux points 8 à 11, qui révèlent des manquements de Mme B... aux obligations professionnelles lui incombant, sont constitutifs de fautes de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. Dès lors, le moyen tiré par la requérante de ce que l'arrêté contesté du 15 mars 2018 serait entaché d'une erreur de qualification juridique des faits doit être écarté.

14. En dernier lieu, Mme B... conteste la proportionnalité de la sanction qui lui a été infligée, par l'arrêté contesté du 15 mars 2018, en se prévalant, d'une part, du caractère satisfaisant des évaluations individuelles dont elle avait fait l'objet, au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des qualités professionnelles lui ayant été reconnues par plusieurs associations sportives usagères du centre sportif municipal des Raguidelles. Toutefois, compte tenu de la nature, de la réitération et de la gravité des fautes disciplinaires commises en l'espèce, le maire de Suresnes, en infligeant à la requérante une exclusion temporaire de fonctions d'un an, ne peut être regardé comme ayant commis une erreur d'appréciation.

15. Eu égard aux motifs exposés aux points 5 à 14, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 15 mars 2018. Par voie de conséquence, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté la circonstance que la commune de Suresnes n'établirait pas la matérialité du surplus des griefs invoqués, en l'espèce, et tirés de ce que la requérante aurait également baigné ses chiens dans la piscine, commis des brimades à l'égard d'un agent du centre, ou encore tenu des propos grossiers à l'endroit de plusieurs autres.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

17. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Suresnes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme B... d'une somme en remboursement des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens.

18. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Suresnes sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Suresnes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Suresnes.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président-assesseur,

M. Toutain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2022.

Le rapporteur,

E. D...La présidente,

C. SIGNERIN-ICRELa greffière,

C. YARDELa République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE00632 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00632
Date de la décision : 21/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : CABINET ARVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-21;20ve00632 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award