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12/04/2022 | FRANCE | N°21VE01533

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 avril 2022, 21VE01533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à défaut de départ volontaire.

Par une ordonnance du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a transmis, au tribunal administratif de Montreuil, la requête présentée par M. A....

Par un jugement n° 191

3239 du 9 juillet 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à défaut de départ volontaire.

Par une ordonnance du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a transmis, au tribunal administratif de Montreuil, la requête présentée par M. A....

Par un jugement n° 1913239 du 9 juillet 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2021 et des pièces complémentaires, enregistrées le 26 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Langlois, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire supérieur à trente jours et fixation du pays de destination ;

3° d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 70 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur l'erreur de droit du préfet de police dès lors qu'ayant demandé l'asile en France dès son entrée en France, il ne peut être regardé comme entré irrégulièrement en France au sens du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le premier juge a également omis de statuer sur le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation familiale et personnelle ;

- le préfet a méconnu son droit d'être entendu, reconnu comme un principe général du droit de l'Union européenne et consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il bénéficiait du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de la cour nationale du droit d'asile en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations du 2 de l'article 31 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la mesure d'éloignement porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution forcée est illégale par exception d'illégalité de la décision d'éloignement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève, et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 1er mars 2022, l'instruction a été fixée au 15 mars 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Le préfet de police a produit un mémoire le 23 mars 2022, après clôture de l'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision BAJ 2020/0010037 du 26 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 23 mars 1988, entré en France en 2015 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile rejetée par le directeur général de l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 23 novembre 2016, décision confirmée par une décision du 27 février 2017, notifiée le 3 avril 2018, de la cour nationale du droit d'asile (CNDA). Interpellé le 7 novembre 2019 alors qu'il circulait à bord d'un scooter non assuré, sans être titulaire du brevet de sécurité routière, et sous l'emprise de produits stupéfiants, M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, prise le même jour par le préfet de police. M. A... relève appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et fixant du pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, M. A... est fondé à soutenir qu'en omettant d'examiner son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'était pas inopérant, le premier juge a entaché sa décision d'une omission qui affecte la régularité du jugement en ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire. Le jugement doit être annulé dans cette mesure.

3. En second lieu, il ressort des mentions du jugement que le magistrat désigné par le président du tribunal a examiné, au point 9 du jugement, si l'arrêté attaqué était de nature, dans son ensemble, à porter une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de ce que, faute d'avoir répondu au moyen tiré de ce que la décision portant fixation du pays de destination portait une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer et d'une insuffisance de motivation, ne peuvent qu'être écartés comme manquant en fait.

4. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire, et par l'effet dévolutif sur les autres conclusions

Sur la demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, par la voie de l'évocation :

5. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :/ 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L.743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité.(...) ".

6. En premier lieu, la décision contestée reprend les éléments propres à la situation personnelle de l'intéressé, notamment sa date de naissance et sa nationalité, et mentionne les décisions par lesquelles sa demande d'asile a été définitivement rejetée, ce qui justifie qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Elle est suffisamment motivée quand bien même elle ne précise pas que M. A... a indiqué aux services de police être célibataire sans enfants, n'avoir aucune ressource et exercer une activité de coursier Ubereats sur le compte d'un ami. Il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir mentionné que l'intéressé travaille depuis plusieurs mois et qu'il est dans l'attente de la naissance de son premier enfant, dès lors que ces informations n'ont pas été portées à sa connaissance. La décision contestée n'est pas davantage, pour le même motif, entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé.

7. En deuxième lieu, M. A... a été entendu dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que, lors de son interpellation, par les services de police. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu son droit d'être entendu.

8. En troisième lieu, aux termes du III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. "

9. Il ressort des pièces du dossier que le recours formé par M. A... devant la CNDA a été rejeté par une décision du 27 février 2018, notifiée le 30 avril 2018, ainsi qu'en atteste, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce, la fiche TelemOfpra produite en première instance par le préfet de police. Il s'ensuit que M. A... ne soutient pas utilement qu'il ne pouvait être éloigné du territoire français en vertu des stipulations du 2 de l'article 31 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, si M. A... fait valoir qu'il est " en CDI depuis le 29 novembre 2019 " et se prévaut de sa relation avec Mme E... B... épouse B..., compatriote en situation régulière titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle membre de famille de protection subsidiaire, dont il a reconnu l'enfant né le 22 octobre 2020, ces circonstances sont postérieures à la décision contestée, alors qu'ainsi qu'il a été dit, le requérant s'est déclaré à la date de cette décision célibataire sans enfants, sans ressources et exerçant une activité de coursier sur le compte d'un ami. Il s'ensuit que la mesure d'éloignement en litige, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte excessive.

Sur la légalité des autres décisions, par l'effet dévolutif de l'appel :

En ce qui concerne la décision implicite de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

12. En premier lieu, il ne résulte pas de ces dispositions que le préfet soit tenu de motiver particulièrement sa décision de refus d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

13. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire ayant été écartés, le moyen d'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté ;

14. En troisième lieu, M. A... n'invoque aucun motif exceptionnel qui aurait justifié l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

En ce qui concerne la décision portant détermination du pays de destination :

15. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen d'exception d'illégalité de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par le directeur général de l'OFPRA et dont le recours contre cette décision a été rejeté par la CNDA, n'établit pas la réalité des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peuvent qu'être écartés.

17. Enfin, eu égard à la situation personnelle de M. A... à la date de l'arrêté contesté, telle qu'exposée au point 10, la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit n'était pas susceptible de porter une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1913239 du 9 juillet 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il statue sur la légalité de la décision du préfet de police de Paris du 7 novembre 2019 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête d'appel de M. A... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

La rapporteure,

O. DORION Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01533
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-12;21ve01533 ?
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