Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Cabinet Giavedoni a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge en droits et majorations des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2015.
Par un jugement n° 1804118 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés les 11 août 2020, 24 septembre 2020 et 18 janvier 2021, la SARL Cabinet Giavedoni, représentée par la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, société d'avocats aux Conseils, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ;
- la vérification de comptabilité s'est poursuivie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, après la réunion de synthèse du 8 décembre 2015 et la proposition de rectification du 15 décembre 2015 ;
- l'irrégularité de la procédure d'imposition reconnue par l'administration fiscale en ce qui concerne les rappels et rehaussements au titre de l'année 2012 affecte l'ensemble des rectifications ;
- elle a été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire dès lors qu'aucun dialogue n'a pu s'établir avec la vérificatrice, ainsi qu'en témoignent les erreurs contenues dans la proposition de rectification et l'absence de la vérificatrice lors du rendez-vous avec le supérieur hiérarchique et lors de la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- les conséquences financières chiffrées du contrôle ne lui ont pas été présentées lors de la réunion de synthèse ;
- les dépenses de déplacement de son gérant à Antibes et les frais engagés sur des circuits automobiles ont été exposés dans l'intérêt de l'entreprise ;
- c'est à tort que le service a réintégré dans ses résultats un passif injustifié de 25 116 euros alors que cette charge correspondant à des frais d'honoraires et d'expert judiciaire était certaine dans son principe et son montant ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de décharge des rappels de TVA litigieux ;
- l'administration fiscale n'a pas établi son intention délibérée d'éluder l'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 février 2022, l'instruction a été fixée au 8 mars 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Cabinet Giavedoni, qui a pour activité l'assistance administrative, financière et technique aux administrateurs et mandataires de justice dans le cadre de procédures collectives, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012, 2013 et 2014, en matière d'impôt sur les sociétés, et sur la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à l'issue de laquelle le service a remis en cause, selon la procédure contradictoire, certaines charges portées en déduction de son résultat fiscal. Les rectifications relatives à l'exercice 2012, qui avaient fait l'objet d'une proposition de rectification conservatoire le 15 décembre 2015, ont été abandonnées sur décision du 26 septembre 2016 du supérieur hiérarchique, au motif que le délai de 60 jours de réponse aux observations du contribuable n'avait pas été respecté. Par une seconde proposition de rectification du 10 juin 2016, l'administration fiscale a notifié à la SARL Cabinet Giavedoni des rehaussements d'imposition en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014 et des rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2015, assortis de majorations pour manquement délibéré. La SARL Cabinet Giavedoni relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et majorations.
Sur la régularité du jugement :
2. Si l'ampliation du jugement notifiée aux parties n'est pas signée, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen d'irrégularité du jugement manque en fait et ne peut qu'être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification interruptive de prescription adressée le 15 décembre 2015 à la SARL Cabinet Giavedoni précisait qu'elle ne portait que sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et que les opérations de contrôle étaient toujours en cours pour les périodes du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 en matière d'impôt sur les sociétés et du 1er janvier 2013 au 31 août 2015 en matière de TVA. La circonstance que les opérations de vérification se sont poursuivies jusqu'au 22 avril 2016 en ce qui concerne les impositions non visées par la proposition de rectification du 15 décembre 2015, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité les rectifications résultant de la proposition de rectification du 10 juin 2016 notifiant à la société requérante des rehaussements d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2015, seuls en litige. N'est pas davantage susceptible d'affecter la régularité des impositions contestées, la circonstance que le service a abandonné les rehaussements d'imposition relatifs à la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.
4. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
5. En l'espèce, il est constant que la vérification s'est déroulée au siège de la société. En se bornant à faire valoir que la proposition de rectification comporte des erreurs, sans au demeurant préciser lesquelles, alors qu'à ce stade les opérations de contrôle sont achevées, la contribuable n'établit pas que la vérificatrice s'est soustraite à tout débat. L'absence de la vérificatrice lors de l'entretien avec le supérieur hiérarchique et lors de la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a émis un avis favorable au maintien des rectifications, n'est pas davantage de nature à révéler un défaut de débat oral et contradictoire au cours du contrôle. Par ailleurs, aucune règle n'imposant au vérificateur de donner au contribuable une information sur les rectifications envisagées avant la notification de rectification elle-même, la société requérante ne fait pas utilement valoir que l'absence de présentation, lors de la réunion de synthèse, des conséquences chiffrées du contrôle, l'a privée d'un débat oral et contradictoire.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
6. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Il appartient au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
7. Pour remettre en cause la déduction de dépenses exposées à l'occasion de déplacements du gérant de la SARL Cabinet Giavedoni à Antibes, l'administration fiscale a relevé que le principal client de l'entreprise et les sociétés en liquidation judiciaire dont elle s'occupe sont situés en région parisienne, que les frais litigieux étaient engagés en fin de semaine, que les dépenses de restaurant, de vêtements et de meubles étaient sans lien avec l'activité de l'entreprise, que le fait de disposer d'un bureau à Antibes ne constituait pas un établissement stable dès lors qu'aucun des clients de la société n'était situé dans le Sud de la France et qu'à supposer que la société ait exercé une activité accessoire de marchand de bien, l'achat de deux biens immobiliers à Vallauris et Antibes en 2013 ne pouvait justifier le montant de près de 10 000 euros par an de dépenses portées en charges. En se bornant à soutenir, sans autre précision ni pièce justificative, qu'elle dispose d'un établissement et que certains de ses clients dont le siège social est situé en Ile-de-France ont des établissements dans le sud de la France, la SARL Cabinet Giavedoni ne justifie pas que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Il en est de même des dépenses de location de circuits automobiles, dont l'intérêt professionnel n'est, ainsi que l'a jugé le tribunal par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, pas établi.
8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". En vertu de ces dispositions, le contribuable doit toujours justifier de l'exactitude des écritures portant sur des créances de tiers, quelle que soit la procédure d'imposition suivie à son encontre.
9. L'administration a réintégré aux résultats des exercices clos en 2013 et 2014 une dette inscrite au compte 408 " Factures non parvenues " de 25 116 euros qu'elle a regardée comme un passif injustifié. La société requérante soutient que cette charge est justifiée par une lettre de son conseil du 24 juillet 2012 l'invitant à intenter une action en référé expertise auprès du tribunal de commerce et chiffrant ses honoraires à la somme forfaitaire de 10 000 euros, outre les honoraires de l'expert, pour le cas où cette procédure serait engagée. Elle produit également une lettre de la société Cobalt adressée à la société Bouygues Immobilier faisant état de difficultés rencontrées sur le chantier du lycée Sainte-Croix de Neuilly. Ces seuls documents ne permettent pas de tenir la dette comme certaine dans son principe, ni établie quant à son montant.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
10. En se bornant à faire valoir que le tribunal n'était pas fondé à rejeter sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés, la SARL Cabinet Giavedoni ne met pas le juge d'appel en mesure d'apprécier sa contestation de ces impositions.
Sur les pénalités :
11. Aux termes de termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
12. Pour assortir les rehaussements d'imposition de la majoration de 40 % prévue par les dispositions rappelées au point précédent, l'administration fiscale fait valoir que la société requérante a minoré son résultat en comptabilisant des charges dont elle ne pouvait ignorer qu'elles n'étaient pas justifiées par l'exploitation de l'entreprise. L'administration doit être regardée comme ayant, ainsi, suffisamment établi l'intention de la SARL Cabinet Giavedoni d'éluder l'impôt.
13. Il résulte de ce qui précède que la SARL Cabinet Giavedoni n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Cabinet Giavedoni est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cabinet Giavedoni et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.
La rapporteure,
O. DORIONLe président,
P. BEAUJARDLa greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 20VE02001 2