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12/04/2022 | FRANCE | N°20VE01437

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 avril 2022, 20VE01437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période courant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par un jugement nos 1800925, 1800926 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 25 juin 2020, M. A..., représenté par Me Charpy, avocate,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période courant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par un jugement nos 1800925, 1800926 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2020, M. A..., représenté par Me Charpy, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'activité taxée était exercée, non par lui en propre, mais par les sociétés Axautomobile et Espace Auto 78, dont il était associé et salarié pour la première et gérant associé pour la seconde, et qui avaient accompli l'ensemble des formalités d'immatriculation et de dépôt auprès du greffe du tribunal de commerce ;

- cette activité ne revêtant pas un caractère occulte, le délai de prescription était expiré pour ce qui est de l'année 2012 et de la période correspondante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 29 octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me de la Monneraye, substituant Me Charpy, représentant M. A....

Une note en délibéré a été présentée le 7 avril 2022, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation personnelle portant sur les années 2012 à 2014 à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'il avait exercé une activité occulte de réparation et de revente de véhicules épaves économiquement irréparables, a mis à sa charge des suppléments d'impôt en matière de bénéfices industriels et commerciaux selon la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions combinées du 1° de l'article L. 73 et du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du même livre. Par un jugement nos 1800925 et 1800926 du 4 février 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. A... tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt.

Sur l'existence d'une activité individuelle imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et à la TVA :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. (...) ". Aux termes de l'article 38 du même code, dans ses différentes rédactions applicables : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation (...) ". Aux termes de l'article 256 du même code : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ".

3. L'administration fiscale a considéré que M. A... exerçait, à titre individuel, une activité de réparation de véhicules épaves et de revente de ceux-ci une fois réparés, et que cette activité, qui revêtait un caractère occulte, devait être imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et à la TVA. M. A... fait valoir que les ventes de véhicules litigieuses ont été effectuées, non dans le cadre d'une activité individuelle qui présenterait un caractère occulte, mais par les sociétés Espace Auto 78 et Axautomobile, sociétés dont il était respectivement associé et salarié, pour la première, et gérant associé pour la seconde, l'une succédant à l'autre, et qui étaient spécialisées dans la réparation de véhicules.

4. Il résulte de l'instruction que M. A... faisait l'acquisition sur ses fonds propres de véhicules d'occasion, classés épaves économiquement irréparables. Il s'est acquitté, à partir de son compte bancaire personnel, de diverses dépenses nécessaires à la réparation des véhicules épaves et à leur revente, telles que des achats de pneus et de pièces automobiles, des frais d'expertise automobile, des frais de lavage de véhicule et des dépenses de publication d'annonces sur le site " le bon coin ". S'il est constant que les véhicules épaves étaient réparés dans les garages des sociétés Espace Auto 78 et Axautomobile, ces réparations étaient, pour la plupart, effectuées personnellement par M. A... ou par M. D..., son associé dont il a également été considéré qu'il exerçait la même activité occulte, qui sont tous deux titulaires d'un CAP en mécanique automobile. Des réparations marginales étaient effectuées par les autres salariés de ces sociétés, mais en dehors des heures normales de travail et en contrepartie de sommes versées sur les deniers personnels de M. A... ou de M. D..., distinctes de leurs salaires. M. A... utilisait le matériel se trouvant dans le garage pour procéder à ces réparations, mais il résulte de l'instruction qu'une part importante de ce matériel avait été acquis à titre personnel par lui-même ou par M. D... et ne figurait pas à l'actif des sociétés Espace Auto 78 et Axautomobile. Les véhicules étaient réparés puis, après certification par un expert automobile attestant de leur bon état, revendus. Le produit de la vente de ces véhicules, qui n'était pas comptabilisé par ces sociétés, était ensuite versé sur le compte personnel de M. A... ou de M. D.... Aucune facture n'était émise au nom de la société Espace Auto 78 ou de la société Axautomobile.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations de M. A... lors de son audition par les services de police, que la réparation et la revente de véhicules épaves économiquement irréparables était une activité réservée à lui et à M. D..., et que les sociétés Espace Auto 78 et Axautomobile n'ont enregistré aucune recette tirée de cette activité. Par ailleurs, si les actes d'achat de ces épaves et les rapports d'expertise étaient établis au nom de ces sociétés, cette circonstance découlait du fait que seules ces dernières avaient le droit d'acheter des véhicules d'occasion classés épaves économiquement irréparables, M. D... et M. A... ne pouvant le faire en leur nom personnel. Par suite, en dressant ces actes au nom de ces sociétés et en utilisant les locaux et le matériel de ces garages, M. A... s'est borné à utiliser, pour son propre compte, et quand il ne pouvait en être autrement, les moyens matériels de ces sociétés, sans pour autant que cette circonstance justifie le rattachement de son activité individuelle à celle de ces sociétés.

6. Eu égard à ces éléments, l'administration fiscale établit que M. A... exerçait à titre individuel une activité de réparation de véhicules épaves et de revente de ceux-ci une fois réparés, distincte de l'activité des sociétés Espace Auto 78 et Axautomobile. Par suite, c'est à bon droit que le requérant a été assujetti à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à concurrence du résultat de son activité individuelle au titre des années d'imposition litigieuses, ainsi qu'à la TVA à raison du produit des véhicules revendus.

En ce qui concerne la prise de position formelle de l'administration :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".

8. M. A... soutient que l'interlocutrice départementale a formellement pris position sur le fait que son comportement relevait d'une appréhension irrégulière des bénéfices sociaux des sociétés Espace Auto 78 et Axautomobile en indiquant, dans son courrier du 6 décembre 2016, qu'il avait détourné à son profit les moyens matériels et humains de ces sociétés. Toutefois, une telle affirmation ne saurait constituer une prise de position formelle dont M. A... pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B précité, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, dès lors que ce n'est qu'à partir des contrôles dont les avis sont adressés aux contribuables après le 1er janvier 2019 qu'un contribuable peut se prévaloir d'une prise de position formelle en cours de contrôle, en conséquence de la loi n° 2018-827 du 10 août 2018. De surcroît et en tout état de cause, l'interprétation faite par M. A... est erronée dès lors que, dans le même courrier, l'interlocutrice départementale a conclu que le requérant avait cherché à s'octroyer " en franchise d'impôt, des revenus d'une activité de négoce de véhicules exercée de manière occulte ".

Sur la prescription du délai de reprise au titre de l'année 2012 et de la période correspondante :

9. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Et aux termes de l'article L. 176 du même code : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts lorsque (...) le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".

10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus aux points 4 et 5 que M. A... exerçait une activité occulte au sens des dispositions précitées. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué un délai de reprise s'exerçant jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au cours de laquelle l'activité occulte a été caractérisée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2022.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE01437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01437
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SELARL ADDECIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-12;20ve01437 ?
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