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07/04/2022 | FRANCE | N°20VE02287

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 07 avril 2022, 20VE02287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours du Val-d'Oise (SDIS 95) lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions d'une journée, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux, et de mettre à la charge du SDIS 95 le versement de la somme de 1 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement

n° 1812022 du 16 juillet 2020, le magistrat désigné par le président de ce tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours du Val-d'Oise (SDIS 95) lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions d'une journée, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux, et de mettre à la charge du SDIS 95 le versement de la somme de 1 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1812022 du 16 juillet 2020, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 5 septembre 2020 et 11 mars 2022, M. D..., représenté par Me Boukheloua, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge du SDIS 95 le versement de la somme de 3 455 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que la minute du jugement attaqué aurait été signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait et d'appréciation ;

- le tribunal administratif a omis d'examiner les moyens tirés de ce que la sanction contestée est entachée de détournement de pouvoir et de discrimination syndicale ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'incompétence, à défaut pour le SDIS 95 de justifier que son signataire avait reçu une délégation de signature régulièrement publiée ;

- la matérialité des faits qui lui ont été reprochés n'est pas établie ;

- la sanction contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette sanction est entachée de détournement de pouvoir et de procédure, ainsi que de discrimination syndicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2021, le SDIS 95, représenté par Me Lafay, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain ;

- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., sergent-chef au sein du cadre d'emploi des sous-officiers de sapeurs-pompiers professionnels et affecté au centre d'intervention de secours de Gonesse, s'est vu infliger, par un arrêté du président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours du Val-d'Oise (SDIS 95) du 4 mai 2018, une exclusion temporaire de fonctions d'une journée, au motif qu'il s'était présenté, lors du rassemblement du 19 octobre 2017, sans être vêtu de sa tenue de service réglementaire et, de ce fait, n'avait pu partir en intervention. Le recours gracieux présenté par M. D... contre cet arrêté, par une lettre datée du 26 juillet 2018 et reçue le 30 juillet suivant, a été implicitement rejeté. M. D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cet arrêté, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux. Par un jugement du 16 juillet 2020, dont M. D... relève appel, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " (...) Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le magistrat statuant seul et par le greffier d'audience. Par ailleurs, la circonstance que l'ampliation de ce jugement adressée à M. D... n'aurait pas comporté ces mêmes signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait, à ce titre, entaché d'irrégularité.

4. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif aurait commis des erreurs de droit et d'appréciation, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par celui-ci, ne sont pas de nature à affecter la régularité du jugement attaqué.

5. En dernier lieu, il ressort des motifs du jugement attaqué que les moyens tirés par M. D... de ce que l'arrêté contesté du 4 mai 2018 serait entaché de détournement de pouvoir et empreint de discrimination syndicale y sont expressément écartés au point 9. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur ces deux moyens.

Sur la légalité des décisions attaquées :

6. En premier lieu, l'arrêté contesté du 4 mai 2018 a été signé par M. E..., directeur départemental du SDIS 95. Il ressort des pièces du dossier que ce dernier bénéficiait, pour ce faire, d'une délégation de signature du président du conseil d'administration du SDIS 95, donnée par un arrêté du 6 novembre 2017 et régulièrement publié le même jour par voie d'affichage. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait.

7. En deuxième lieu, M. D... reprend à l'identique, en cause d'appel, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté du 4 mai 2018 serait entaché d'une insuffisance de motivation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, au point 3 du jugement attaqué.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ". Il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

9. D'une part, il ressort des pièces du dossier et il n'est, d'ailleurs, pas contesté, que M. D..., lors du rassemblement organisé au centre d'intervention de secours (CIS) de Gonesse le 19 octobre 2017 à 8h00, s'est présenté en tenue de sport, et non en tenue de service réglementaire, à l'instar de trois autres sapeurs-pompiers sur un total de onze présents, et que, compte tenu de l'insuffisance d'effectifs ainsi disponibles en tenue opérationnelle, deux interventions, respectivement survenues à 8h56 pour un feu et à 9h34 pour un accident sur la voie publique, ont dû être assurées par d'autres CIS plus éloignés des lieux concernés. Dès lors, le moyen tiré par le requérant de ce que la sanction contestée reposerait sur des faits matériellement inexacts doit être écarté.

10. D'autre part, M. D... soutient que le défaut de port de la tenue réglementaire qui lui est ainsi reproché, lors du rassemblement du 19 octobre 2017 à 8h00, ne lui serait pas imputable dès lors qu'il avait été contraint, le matin même, d'effectuer le nettoyage, dans les machines à laver installées au CIS de Gonesse, de ses quatre tenues d'intervention, afin de respecter le protocole sanitaire mis en place pour ce centre le 17 octobre 2018 afin de lutter contre les punaises de lit. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui était présent à la réunion organisée sur ce protocole le 17 octobre 2018, y avait été informé de la nécessité de nettoyer ses tenues à soixante degrés, sans qu'il ait alors été exigé que ce nettoyage soit effectué sur place, plutôt qu'à domicile ou en laverie, ni davantage qu'il soit réalisé simultanément pour toutes les tenues dont disposait chaque agent. Ainsi, et eu égard notamment au délai dont il a ainsi disposé, M. D... ne justifie pas qu'il se serait trouvé dans l'impossibilité de disposer, à tout le moins, d'une tenue d'intervention dûment nettoyée pour le rassemblement en cause et, par suite, d'être apte à partir en intervention le moment venu. Dans ces conditions, les faits reprochés au requérant ont pu, à bon droit, être qualifiés par l'administration de faute disciplinaire, de nature à justifier le prononcé d'une sanction à l'égard de l'intéressé.

11. Enfin, compte tenu tant des faits ainsi reprochés à M. D... que des conséquences qu'ils ont emportées sur le bon fonctionnement du CIS de Gonesse, déjà rappelées au point 9, l'administration, en infligeant à l'intéressé une exclusion temporaire de fonctions d'une journée, soit une sanction du premier groupe, ne peut être regardée comme ayant prononcé une mesure disproportionnée.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (...) de ses activités syndicales (...), une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés (...) ". Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux qui permettent d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

13. En l'espèce, M. D... fait valoir que, sur un total de sept agents s'étant présentés, en tenue de sport et non en tenue réglementaire d'intervention, aux rassemblements respectivement prévus au CIS de Gonesse les 18 et 19 octobre 2017 à 8h00, seuls M. C... et lui-même ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire, alors qu'ils constituaient les seuls agents syndiqués et avaient, à ce titre, entretenu des échanges " musclés " avec l'autorité hiérarchique, en septembre 2017, à propos de la présence de punaises de lit au CIS de Gonesse, d'ailleurs relatée dans la presse locale. Ces circonstances de fait, non contredites, sont susceptibles de faire présumer que l'arrêté contesté du 4 mai 2018 serait entaché de discrimination syndicale. Cependant, il ressort des explications fournies en défense par le SDIS 95, ainsi que des pièces versées au dossier, que l'autorité hiérarchique avait initialement décidé d'engager des poursuites disciplinaires également à l'encontre des cinq autres agents concernés mais a finalement renoncé à les sanctionner, après examen des explications fournies par chacun d'eux et, notamment, des circonstances dans lesquelles ils avaient été informés des consignes relatives au nettoyage des tenues d'intervention décidées, comme rappelé au point 9, lors de la réunion organisée sur le protocole sanitaire le 17 octobre 2017 au soir. Ainsi, à la différence de MM. D... et C..., qui étaient présents à cette réunion, quatre de ces agents n'y avaient pas été conviés et n'ont reçu ces consignes de nettoyage que quelques minutes avant l'heure prévue pour leur rassemblement suivant, à savoir le 18 octobre 2017 à 8h00 pour trois d'entre eux et le 19 octobre 2017 à 8h00 pour le quatrième, lequel était, depuis l'avant-veille, en repos hors du CIS de Gonesse. Enfin, si l'un de ces cinq agents avait, certes, été convoqué à cette réunion, alors qu'il se trouvait concomitamment de garde, l'intéressé a toutefois dû renoncer à y assister pour partir en intervention. Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des éléments de fait ressortant des échanges contradictoires, l'administration justifie que la différence de traitement opérée entre, d'une part, M. D..., qui a été légalement sanctionné, par l'arrêté contesté du 4 mai 2018, pour les motifs disciplinaires déjà exposés aux points 9 à 11, et, d'autre part, les cinq autres agents finalement non sanctionnés, repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait empreint d'une telle discrimination doit être écarté.

14. En dernier lieu, M. D..., compte tenu des motifs retenus aux points 9 à 13, n'est pas fondé à soutenir qu'en le sanctionnant à raison de ses activités syndicales, l'administration aurait entaché l'arrêté contesté du 4 mai 2018 de détournements de procédure et de pouvoir.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

16. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS 95, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à M. D... en remboursement des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

17. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le SDIS 95 sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le SDIS 95 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au service d'incendie et de secours du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président-assesseur,

M. Toutain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

Le rapporteur,

E. TOUTAINLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRELa greffière,

M. B...La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE02287 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02287
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-07;20ve02287 ?
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