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31/03/2022 | FRANCE | N°20VE01884

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 31 mars 2022, 20VE01884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Deutsche Asset Management Investment Mbh, agissant pour le compte du fonds Deam-Fonds Rock, a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française distribués au cours de l'année 2008, et, d'autre part, de condamner l'État au versement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1011211 du 16 juin 2020, le

tribunal administratif de Montreuil, après avoir donné acte du désistement des con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Deutsche Asset Management Investment Mbh, agissant pour le compte du fonds Deam-Fonds Rock, a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française distribués au cours de l'année 2008, et, d'autre part, de condamner l'État au versement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1011211 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil, après avoir donné acte du désistement des conclusions à fin de restitution de la requête de la société Deutsche Asset Management Investment Mbh à concurrence de la somme de 21 444 euros, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2020 et le 5 novembre 2021, la société Deutsche Asset Management Investment Mbh, agissant pour le compte du fonds Deam-Fonds Rock, représentée par Me Robert, avocat, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'ordonner le remboursement complémentaire des retenues à la source prélevées au titre des dividendes versés au cours de l'année 2008, pour un montant de 188 437,67 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement d'intérêts moratoires sur cette somme, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais exposés dans la présente procédure.

Elle soutient qu'elle établit la comparabilité du fonds DeAM-Fonds Rock avec un OPCVM français et justifie de la chaîne de paiement des dividendes pour l'année en litige.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mai et 18 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 141 633,36 euros et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- par une décision du 12 mai 2021, il a prononcé une restitution d'un montant de 141 633,36 euros correspondant au montant de retenue à la source appliquée aux dividendes perçus en 2008, pour laquelle la chaîne de paiement est établie ;

- la paiement de la somme de 46 804,31 euros de retenue à la source pour les dividendes correspondant au compte DEAM 4BYB n'est, en revanche, pas justifié par l'établissement payeur.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne du 21 juillet 1959 en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC SA et autres (C 338/11 à C 347/11) ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le fonds d'investissement de droit allemand Deam-Fonds Rock, géré par la société Deutsche Asset Management Investment Mbh, a perçu des dividendes de source française au titre de l'année 2008, lesquels ont été soumis à la retenue à la source. La société Deutsche Asset Management Investment Mbh, agissant pour le compte du fonds Deam-Fonds Rock, fait appel du jugement du 16 juin 2020 en tant que le tribunal administratif de Montreuil a refusé d'ordonner le remboursement de la retenue à la source d'un montant de 188 437,67 euros restant à sa charge au titre de l'année 2008.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 12 mai 2021, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a prononcé, au bénéfice du fonds Deam-Fonds Rock, la restitution d'un montant de 141 633,36 euros de retenue à la source. Par suite, les conclusions de la requête sont dans cette mesure devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé de la demande de restitution de la retenue à la source restant en litige :

3. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) ". Les dividendes figurent au nombre des produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code. En application de l'article 187 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, le taux de la retenue à la source est fixé à 25 % du montant de ces revenus. Il est réduit à 15 % par l'article 9 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne.

4. En premier lieu, dans l'arrêt du 10 mai 2012 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le tribunal administratif de Montreuil l'avait saisie, à titre préjudiciel, le 1er juillet 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre qui prévoit l'imposition, au moyen d'une retenue à la source, des dividendes d'origine nationale lorsqu'ils sont perçus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) résidents d'un autre État, alors que de tels dividendes sont exonérés d'impôts dans le chef des organismes de placement collectif en valeurs mobilières résidents du premier État.

5. En l'espèce, il n'est pas contesté que le fonds Deam-Fonds Rock, pour le compte duquel la société Deutsche Asset Management Investment Mbh agit, est comparable à un OPCVM français.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : a) Mentionner l'imposition contestée (...) / d) Etre accompagnée (...) dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement (...). " Ni ces dispositions, qui s'imposent indistinctement à toutes les actions tendant à la restitution d'une imposition qui n'a pas donné lieu à l'émission d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, quel que soit le fondement juridique sur lequel elles sont introduites, ni aucune autre ne précisent, pour ce qui concerne les réclamations tendant à la restitution d'un impôt recouvré par la voie de retenue à la source opérée par un tiers, la nature des pièces justifiant cette retenue qui doivent, à peine d'irrecevabilité, accompagner la réclamation. Un contribuable non résident formant une réclamation tendant à la restitution de la retenue à la source qui a été prélevée sur ses revenus tirés de produits visés aux articles 108 à 117 du code général des impôts en vertu du premier alinéa du 2 de l'article 119 bis de ce code peut donc satisfaire aux prescriptions de l'article R. 197-3 précité en produisant toutes pièces établissant l'application de cette retenue, pour peu qu'elles précisent la date à laquelle elle a été opérée et l'identité de l'établissement payeur au sens des dispositions des articles 1672 du code général des impôts, 75 de l'annexe II à ce code et 381 A de l'annexe III à ce code.

7. La société Deutsche Asset Management Investment Mbh produit le relevé établi par l'établissement payeur, la Deutsche Bank AG, lequel mentionne le versement d'une retenue à la source, payée en janvier, juin ou juillet 2008, et correspondant à des dividendes versés sur le compte n° 265316014 pour la détention de 111841 actions de la société Trigano SA, 574385 titres de la société Teleperformance, 317502 actions de la société Valeo SA, 215248 titres de la société Ipsos, 146638 titres du Groupe Steria SCA et 509753 de la société Neopost SA. L'attestation établie par le dépositaire global, la State Street Bank and Trust company, indique que le compte 265316014 constitue un compte " omnibus ". Si l'attestation du dépositaire local, la State Street Bank, permet d'établir le rattachement du compte 4BYB à ce compte omnibus, le relevé de l'établissement payeur, à savoir la Deutsche Bank AG, comporte seulement la mention " DEAM 4BYA ", ainsi que le ministre le fait valoir en défense, alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que ce compte engloberait, entre autres, le compte 4BYB. Dès lors qu'il n'est pas contesté que la retenue à la source restant en litige correspond à des actions détenues par le fonds Deam-fonds Rock sur son compte numéroté 4BYB, et en l'absence de tout autre document produit par l'établissement payeur permettant de s'assurer que la retenue à la source aurait bien été appliquée également aux titres détenus par le biais de ce compte, la société Deutsche Asset Management Investment Mbh n'est pas fondée à obtenir la restitution de la somme 46 804,31 euros restant à sa charge au titre de l'année 2008, en l'absence d'établissement de la chaîne complète de paiement.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Deutsche Asset Management Investment Mbh, société de gestion agissant pour le compte du fonds Deam-fonds Rock, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande s'agissant des sommes restant en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au remboursement d'un complément de retenue à la source assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales doivent être rejetées. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées, ainsi que, et en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'État aux entiers dépens, en l'absence de dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de la somme de 141 633,36 euros restituée en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Deutsche Asset Management Investment Mbh est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Deutsche Asset Management Investment Mbh, agissant pour le compte du fonds Deam-fonds Rock, et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

Mme Bonfils, première conseillère,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2022.

La rapporteure,

M.-G. BonfilsLe président,

P. BresseLa présidente,

I. I. Danielian

La greffière,

A. Audrain-Foulon

La greffière,

A. Audrain FoulonLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

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N° 20VE01884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01884
Date de la décision : 31/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-31;20ve01884 ?
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