Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2000208 du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 13 juillet, 13 août, 29 septembre et 24 novembre 2020, et les 2 mars, 30 septembre et 25 novembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Maaouia, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 23 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, mention " salarié ", dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il incombe au préfet d'apporter la preuve de l'existence de soins appropriés dans son pays d'origine ;
- la cour doit enjoindre au préfet de produire les informations relatives à la Côte d'Ivoire sur lesquelles l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est fondé, conformément à l'avis n° 20191886 de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) du 17 octobre 2019 relatif à la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine (BISPO) ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard de son intégration stable et durable en France, notamment sur le plan professionnel ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation " au regard de son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2020, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il entend se référer à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bonfils a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 1er janvier 1978 à Booko (Côte d'Ivoire), de nationalité ivoirienne, est entré régulièrement en France le 5 juin 2014 sous couvert d'un visa court séjour. Après avoir bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour pour soins entre le 18 février 2016 et le 24 avril 2018, le préfet de l'Essonne a, par un arrêté du 23 décembre 2019, refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. M. A... fait appel du jugement du 15 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour prendre la décision en litige, le préfet de l'Essonne s'est basé sur l'avis défavorable du collège des médecins de l'OFII du 13 juin 2019, qu'il a fait sien, et aux termes duquel, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont l'intéressé est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Au vu des règles de preuve rappelées au point précédent, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il incombe au préfet d'apporter la preuve de l'absence d'accès à des soins appropriés dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié, à son arrivée en France, d'une opération de l'épaule droite, laquelle nécessite une reprise chirurgicale. Par plusieurs certificats médicaux s'échelonnant de janvier 2017 à novembre 2021, le médecin de l'assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) qui suit régulièrement l'intéressé atteste que le défaut de nouvelle intervention chirurgicale entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que cette opération ne peut être effectuée dans le pays d'origine de l'appelant, " au risque de complications graves ". Toutefois, ces certificats évoquent en des termes généraux l'impossibilité qu'il soit procédé à cette intervention en Côte d'Ivoire, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que son auteur aurait disposé d'informations spécifiques et pertinentes sur l'état des infrastructures sanitaires dans ce pays, au contraire du collège des médecins de l'OFII, spécialisés et documentés pour porter ce type d'appréciation. Si le requérant produit un certificat médical établi par un médecin ivoirien et corroborant l'avis du praticien français, cette attestation est postérieure à la décision attaquée. En outre, ce médecin, qui s'est seulement prononcé au vu du dossier de M. A... sans avoir personnellement examiné ou suivi l'état de santé de l'intéressé, indique souhaiter une prise en charge opératoire en France en l'absence de plateau technique adéquat et " dans l'espoir de minimiser les complications post-opératoires ". Dans ces conditions, les éléments produits par le requérant sont insuffisants pour remettre en cause l'appréciation du préfet, conforme à celle du collège des médecins de l'OFII, lequel avait pris soin de convoquer l'intéressé pour un examen et demandé un examen complémentaire. Enfin, l'intégration professionnelle dont se prévaut le requérant est sans incidence sur la légalité de la décision en litige qui concerne son état de santé. Par suite, et sans qu'il soit besoin pour la cour de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction en ordonnant la production d'un extrait de la base de données dénommée BISPO, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement qui assortit ce refus serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de celui-ci.
7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5, et dès lors que l'avis du collège des médecins de l'OFII a indiqué que l'état de santé de M. A... peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... a suivi plusieurs formations le qualifiant pour l'emploi d'agent technicien cynophile en sécurité privée, et a occupé régulièrement différents emplois entre les mois de mai 2016 à novembre 2019, ceux-ci ne garantissent pas des conditions d'existence pérennes à l'intéressé. L'appelant n'est entré en France qu'à l'âge de trente-six ans. En outre, sa situation familiale demeure incertaine, dès lors que s'il a déclaré être célibataire et sans enfant, il ressort par ailleurs des pièces versées au dossier que l'intéressé a déposé une demande de regroupement familial. Ainsi, il n'est pas démontré qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même que le requérant dispose d'un logement et du permis de conduire et qu'il établit résider de façon habituelle en France depuis cinq ans à la date de la décision en litige, l'obligation de quitter le territoire édictée à son encontre ne méconnaît pas les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A..., n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bresse, président de chambre,
Mme Bonfils, première conseillère,
Mme Deroc, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2022.
La rapporteure,
M.-G. BonfilsLe président,
P. BresseLa greffière,
A. Audrain-Foulon
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme
Le greffier,
N° 20VE01589 2