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29/03/2022 | FRANCE | N°21VE01492

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 mars 2022, 21VE01492


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à défaut de départ volontaire.

Par un jugement n° 2008235 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2021, et des pièces complémentaires, enregistrées le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à défaut de départ volontaire.

Par un jugement n° 2008235 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2021, et des pièces complémentaires, enregistrées le 28 février 2022, Mme D..., représentée par Me Andrivet, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler les décisions contestées ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en s'estimant lié par le refus d'autorisation de travail pour lui refuser un titre de séjour et en n'examinant pas l'ensemble de sa situation personnelle et familiale, le préfet a commis une erreur de droit ;

- elle est fondée à demander la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'éloignement est illégale par exception d'illégalité du refus de séjour ;

- les décisions portant délai de départ volontaire et fixation du pays de destination sont illégales par exception d'illégalité de la mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2021, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision BAJ 2021/006741 du 30 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse B..., ressortissante algérienne née le 7 août 1982, entrée en France le 1er avril 2014 avec un visa de long séjour mention " étudiant ", a bénéficié de titres de séjour en cette qualité jusqu'au 7 octobre 2019 et obtenu un DU " développement analytique et contrôle des médicaments d'origine naturelle et de synthèse " à Paris V en 2015, et un master de criminologie et sciences forensiques en 2017. Avant l'expiration de son dernier titre de séjour, elle a présenté une demande de changement de statut afin de poursuivre son séjour en France en qualité de salariée, en se prévalant d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée de la société CIGA Sécurité, pour occuper un emploi d'assistante de direction. La Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) ayant, par une décision du 21 août 2020, rejeté la demande d'autorisation de travail formée en sa faveur par la société CIGA Sécurité, Mme D... a complété sa demande de changement de statut par une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 29 octobre 2020, le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Mme D... relève appel du jugement du 12 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces quatre décisions.

2. En premier lieu, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien conclu le 27 décembre 1968: " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française. "

3. Il résulte de ces stipulations que le certificat de résidence algérien qu'elles prévoient est subordonné à la délivrance d'une autorisation de travail. Le préfet de l'Essonne pouvait dès lors légalement refuser de délivrer un tel certificat à Mme D... au seul motif que la Direccte avait rejeté la demande d'autorisation de travail présentée en sa faveur par la société CIGA Sécurité. Si Mme D... soutient que le préfet s'est cru lié par la décision de la Direccte pour lui opposer un refus de séjour sans examiner l'ensemble de sa situation personnelle et familiale, il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que ce moyen manque en fait.

4. En deuxième lieu, Mme D... ne peut utilement se prévaloir des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors que sa demande de titre de séjour n'a pas été présentée sur ce fondement.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. (...) ".

6. Mme D... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France depuis plus de six ans, de la naissance en France de ses deux enfants nés le 14 mars 2016 et le 8 août 2020 à Corbeil-Essonnes, dont l'aînée est scolarisée, et des violences conjugales dont elle victime. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, le séjour de Mme D... en France en qualité d'étudiante ne lui donnait pas vocation à poursuivre son séjour une fois ses études achevées et elle ne peut se prévaloir d'une insertion professionnelle en rapport avec les diplômes obtenus. Par ailleurs, les violences de la part de son époux, ressortissant algérien en situation irrégulière qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire concomitante au refus de titre contesté, avec lequel elle semble au demeurant être séparée depuis plusieurs années, ne lui donnent pas davantage vocation à demeurer régulièrement en France, alors même qu'elle est prise en charge dans le cadre de dispositifs d'aide aux victimes de violences conjugales. Enfin, les enfants de A... D... étant encore en bas âge, rien ne s'oppose à ce qu'elle poursuive sa vie familiale hors de France. Dans ces conditions, le refus de titre contesté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.

7. En quatrième lieu, pour les motifs exposés au point précédent, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Les moyens soulevés à l'encontre du refus de séjour étant écartés, le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire par exception d'illégalité du refus de titre ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Bien que les enfants de A... D... soient nés en France, et que l'aînée y soit scolarisée, l'arrêté attaqué ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de ces deux enfants dès lors qu'il n'a pas pour effet de les empêcher de vivre ensemble avec leur mère, ni de les éloigner de leur père. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être également écarté.

10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, les décisions portant délai de départ volontaire et fixation du pays de destination ne sont pas illégales par exception d'illégalité de la mesure d'éloignement.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

La rapporteure,

O. DORION Le président,

P. BEAUJARD La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

N° 21VE01492 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01492
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : ANDRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-29;21ve01492 ?
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