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10/03/2022 | FRANCE | N°19VE03884

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 mars 2022, 19VE03884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société pharmacie Séchel a demandé au tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler la décision implicite, née le 2 juillet 2016, par laquelle le maire de Massy a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 7UP12 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que cet article, de condamner, ensemble ou séparément, la commune de Massy et la société Paris Sud aménagement, anciennement dénommée Semmassy, à lui verser une indemnité totale de

1 711 538 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en répar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société pharmacie Séchel a demandé au tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler la décision implicite, née le 2 juillet 2016, par laquelle le maire de Massy a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 7UP12 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que cet article, de condamner, ensemble ou séparément, la commune de Massy et la société Paris Sud aménagement, anciennement dénommée Semmassy, à lui verser une indemnité totale de 1 711 538 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des travaux de réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Franciades Opéra " et de mettre à la charge de cette commune et de cette société le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603296 du 20 septembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 20 novembre 2019 et 11 février 2022, la société pharmacie Séchel, représentée par Me Hyest, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision contestée du 2 juillet 2016 et l'article 7UP12 du PLU de la commune de Massy ;

3°) de condamner, ensemble ou séparément, la commune de Massy et la société Paris Sud aménagement, anciennement dénommée Semmassy, à lui verser une indemnité totale de 1 823 776 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des travaux de réalisation de la ZAC " Franciades Opéra " ;

4°) de mettre à la charge de cette commune et de cette société le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ne lui communiquant pas les derniers mémoires produits par la commune de Massy et la société Paris Sud Aménagement, le tribunal administratif a méconnu le caractère contradictoire de la procédure imposé par l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- en ne retenant pas qu'étaient insuffisantes les mesures compensatoires prévues à raison de la suppression du parking situé place de France durant les travaux de réalisation de la ZAC " Franciades Opéra ", le tribunal administratif a dénaturé les faits et a insuffisamment motivé le jugement attaqué ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'insuffisance du nombre de places de stationnement prévues, comme mesure compensatoire à la suppression du parking situé place de France durant ces travaux à compter de juillet 2014, a directement entraîné une baisse de fréquentation notable des clients de la pharmacie et, par suite, une dégradation considérable de son chiffre d'affaires, préjudice anormal et spécial à raison duquel est engagée la responsabilité sans faute de la commune de Massy et de la société Paris Sud Aménagement ;

- ces travaux lui ont causé une baisse importante de chiffre d'affaires, pour un total de 593 549 euros sur la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017, ainsi qu'une dépréciation corrélative de son fonds de commerce, évaluée à 1 117 998 euros ;

- en ne retenant pas que la commune de Massy avait commis une faute en s'abstenant de prendre des mesures compensatoires suffisantes à la suppression du parking situé place de France durant ces travaux, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit en tant qu'il écarte le moyen tiré de ce que l'article 7UP12 du PLU de la commune de Massy, qui fixe le nombre de places de stationnement requis au sein de la ZAC " Franciades Opéra ", est entaché d'illégalité dès lors que le programme de cette ZAC prévoit la création d'un nombre de places manifestement insuffisant au regard du nombre de places préexistantes dont cette opération a corrélativement emporté la suppression ;

- la commune a également commis une faute en engageant la procédure d'expropriation avec retard, en méconnaissance de l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain ;

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Hyest, pour la société pharmacie Séchel.

Considérant ce qui suit :

1. La société pharmacie Séchel était titulaire, depuis 2006, d'un bail commercial portant sur un local situé au 6 rue des Canadiens à Massy, dans lequel elle exploitait une pharmacie et qui était inclus dans le périmètre de la zone d'aménagement concertée (ZAC) " Franciades Opéra ", opération d'aménagement déclarée d'utilité publique par arrêté préfectoral du 3 juin 2014 et dont la réalisation a été confiée par la commune de Massy à la société Semmassy, devenue la société Paris Sud Aménagement. La société pharmacie Séchel a demandé au tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses écritures, de condamner, ensemble ou séparément, la commune de Massy et la société Paris Sud aménagement à lui verser une indemnité totale de 1 711 538 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis à raison des travaux de réalisation de cette ZAC et, par ailleurs, d'annuler la décision implicite, née le 2 juillet 2016, par laquelle le maire de Massy a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 7UP12 du plan local d'urbanisme (PLU) de cette commune, ainsi que cet article. Par un jugement du 20 septembre 2019, dont la société pharmacie Séchel relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il ressort du dossier de première instance que les " mémoires en défense n° 4 " respectivement déposés par la société Paris Sud Aménagement et la commune de Massy au greffe du tribunal administratif de Versailles les 16 et 17 juillet 2018, antérieurement à la clôture de l'instruction fixée, en dernier lieu, à cette dernière date par ordonnance du 17 mai 2018, ne contenaient pas d'éléments nouveaux par rapport à ceux exposés dans les trois précédents mémoires en défense déjà produits par les intéressées et régulièrement communiqués à la société pharmacie Séchel. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de lui communiquer ces derniers mémoires, le tribunal administratif aurait porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 5 du code de justice administrative.

4. En second lieu, si la requérante soutient que le tribunal administratif aurait également commis des erreurs de droit et dénaturé les faits de l'espèce, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, ne sont pas de nature à affecter la régularité du jugement attaqué.

5. Il résulte de ce qui précède que la société pharmacie Séchel n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

6. En premier lieu, il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général. Si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique.

7. En l'espèce, la société pharmacie Séchel soutient que les travaux de réalisation de la ZAC " Franciades Opéra " à compter de juillet 2014, qui ont notamment emporté la suppression d'un parc de stationnement situé place de France et jouxtant la rue des Canadiens où était établie son officine, auraient directement entraîné, en l'absence des mesures compensatoires suffisantes prévues par la commune de Massy et la société Paris Sud Aménagement afin d'assurer un nombre approprié de places de stationnement alternatives dans le quartier, une baisse de fréquentation notable de sa clientèle et, par suite, une diminution importante de ses chiffres d'affaires ultérieurs, ainsi que de la valeur de son fonds de commerce, jusqu'à ce qu'elle en cesse l'exploitation, à la suite du jugement rendu par le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance d'Evry le 16 octobre 2017. Toutefois, il résulte de l'instruction que les travaux ainsi réalisés n'ont, à aucun moment au cours de la période considérée, eu pour conséquence de prohiber ou de restreindre l'accès même de la pharmacie alors exploitée par la requérante depuis la rue des Canadiens, voie publique sur laquelle automobilistes et piétons pouvaient toujours circuler et non loin de laquelle existaient plusieurs zones de stationnement. Dans ces conditions, même à admettre, comme l'expose la requérante, que la suppression du parking de la place de France n'aurait pas été compensée par la création d'un nombre équivalent de places alternatives dans le quartier et aurait ainsi gêné ceux de ses clients qui entendaient stationner leur véhicule à proximité immédiate de son établissement, une telle circonstance ne saurait faire regarder l'opération de travaux publics ici en cause comme ayant eu pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès, depuis la rue des Canadiens, à la pharmacie de l'intéressée. Par suite, la société pharmacie Séchel n'établit pas que ces travaux lui auraient causé un préjudice grave et spécial, excédant les sujétions que les riverains des voies publiques doivent normalement supporter dans l'intérêt général et sans droit à indemnité.

8. En deuxième lieu, pour les motifs de fait retenus au point 7, le moyen tiré de la faute commise par la commune de Massy en s'abstenant de prendre des mesures compensatoires suffisantes à la suppression du parking situé place de France ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

9. En dernier lieu, si la société pharmacie Séchel soutient que la commune de Massy aurait, par ailleurs, engagé avec retard la procédure d'expropriation, au regard des dispositions de l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme, la requérante ne démontre pas l'existence d'une telle faute, ni davantage, en tout état de cause, l'existence d'un lien direct de causalité entre cette faute et les préjudices financiers dont elle demande réparation à l'occasion de la présente instance.

10. Il résulte de ce qui précède que la société pharmacie Séchel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions indemnitaires.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

11. La société pharmacie Séchel reprend à l'identique, en appel, le moyen tiré de ce que l'article 7UP12 du PLU de la commune de Massy, qui fixe les prescriptions régissant le nombre de places de stationnement, serait entaché d'illégalité, dans la mesure où le programme de la ZAC " Franciades Opéra " prévoirait la création d'un nombre de places manifestement insuffisant au regard du nombre de places préexistantes dont cette opération a corrélativement emporté la suppression. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société pharmacie Séchel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Massy ou de la société Paris Sud Aménagement, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement à la société pharmacie Séchel d'une somme en remboursement des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

14. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions respectivement présentées par la commune de Massy et par la société Paris Sud Aménagement sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société pharmacie Séchel est rejetée.

Article 2 : Les conclusions respectivement présentées par la commune de Massy et par la société Paris Sud Aménagement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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