Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office, ou à titre subsidiaire, d'ordonner la suspension de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 2001457 du 13 juillet 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du préfet des Yvelines du 19 février 2020 et enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 août 2020, le préfet des Yvelines demande à la cour d'annuler ce jugement.
Le préfet des Yvelines soutient que :
- la notification de la décision de l'OFPRA est régulière et son arrêté a été édicté après cette notification ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;
- l'arrêté ne méconnait pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Orio a été entendu au cours de l'audience publique
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan, né le 24 avril 1990, est entré sur le territoire français le 6 janvier 2018, et a sollicité, le 19 février 2018, son admission au séjour sur le fondement des dispositions énoncées par le 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 février 2020, le préfet des Yvelines a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Le préfet des Yvelines fait régulièrement appel du jugement du 13 juillet 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 19 février 2020 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
2. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). ". Aux termes de l'article L. 743-1 de ce même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 743-2 de ce même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : 1° L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application des 1° ou 2° de l'article L. 723-11 ; (...)4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; 4° bis Sans préjudice du 4° du présent article, l'office a pris une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 723-11 ; (...) 8° L'office a pris une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 571-4. ". Selon l'article R. 723-19 du même code : " I.- La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 744-1-4 du même code : " I. Toute correspondance transmise par voie postale au demandeur d'asile est envoyée à l'adresse à laquelle il a élu domicile en application de l'article L. 744-1. / Le demandeur d'asile disposant d'un domicile stable est tenu, en cas de changement d'adresse, d'en informer sans délai l'Office français de l'immigration et de l'intégration. A défaut, toute correspondance est faite à la dernière adresse connue est réputée notifiée à son destinataire. / II.- Par dérogation au I, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides peut adresser les correspondances relatives à la demande d'asile à une adresse différente communiquée à cette fin par le demandeur d'asile lors de l'introduction de sa demande auprès de l'office. / Le demandeur d'asile est tenu, en cas de changement de cette adresse, d'en informer sans délai l'office. A défaut, la correspondance envoyée à la dernière adresse connue de l'office est réputée notifiée à son destinataire. (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté en litige, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a relevé que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 octobre 2019 avait été notifiée à M. A... le 8 novembre 2019 à son ancienne adresse, alors que celui-ci justifiait avoir changé de domiciliation le 22 octobre 2019. Le préfet soutient, pour la première fois en appel, que l'OFPRA n'avait pas été informé de ce changement d'adresse et que dès lors cette la notification était régulière. A défaut de contestation sur ce point, il en résulte que le préfet pouvait légalement édicter une mesure d'éloignement à l'encontre de M. A... le 19 février 2020.
4. Il appartient toutefois à la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, la décision contestée qui reprend les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 et celle du L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que la demande d'asile de M. A... a été rejetée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait à l'origine de son édiction. Le moyen tiré de l'existence d'une insuffisance de motivation ne peut donc qu'être écarté.
6. En second lieu, la circonstance, à la supposée établie, que le préfet aurait été informé du changement d'adresse à la date de la notification de la décision de l'OFPRA et qu'il n'aurait pas remarqué que l'office n'était pas informé de cette nouvelle adresse n'est pas de nature à établir un défaut d'examen de la situation particulière du requérant.
7. Enfin, M. A... n'ayant pas obtenu la qualité de réfugié, le moyen tiré de ce que la décision préfectorale méconnaitrait l'article 33 de la Convention de Genève qui proscrit le refoulement des réfugiés à destination des territoires où leur vie serait en danger ne peut qu'être écarté comme inopérant.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de retour :
8. L'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de retour serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de celle portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
9. Enfin, aux termes du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de l'arrêté attaqué : " L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 513-2 du même code alors en vigueur : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Enfin aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Lorsque le degré de violence aveugle caractérisant un conflit armé atteint un niveau si élevé qu'il existe des motifs sérieux de croire qu'un civil renvoyé dans le pays ou la région concernés courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir une telle menace, l'existence d'une menace grave, directe et individuelle contre la vie ou la personne du demandeur n'est pas subordonnée à la condition qu'il rapporte la preuve qu'il est visé spécifiquement en raison d'éléments propres à sa situation personnelle.
11. A la date de la décision attaquée, l'Afghanistan et notamment Kaboul, point d'entrée dans ce pays, connaissait un niveau de violence aveugle. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que la décision fixant le pays de retour méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans qu'il soit besoin pour lui de démontrer qu'il serait, à titre individuel, directement exposé à cette violence.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Yvelines est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 19 février 2020 en tant qu'il porte sur l'obligation de quitter le territoire français.
13. Par voie de conséquence, il y a lieu d'enjoindre au préfet de réexaminer sa décision fixant le pays de retour et de verser à Me Lefort la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de la loi de 1991 et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2001457 du 13 juillet 2020 est annulé en tant qu'il annule l'obligation de quitter le territoire français du 19 février 2020.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de réexaminer son arrêté du 19 février 2020 en tant qu'il porte sur le pays de retour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Lefort au titre des dispositions combinées de la loi de 1991 et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 20VE01984