Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Jane a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2018 par lequel le maire de Noisy-le-Grand a refusé de lui délivrer un permis de construire un immeuble d'activités comprenant un bowling, des activités artisanales, des salles de réunion et de conférence, ainsi qu'un bar en terrasse sur un terrain situé 20 rue Paul Lafargue sur les parcelles cadastrées AB n° 675 et AB n° 986 et d'enjoindre à cette même autorité de lui délivrer un certificat de permis tacite, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1901122 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en litige et a enjoint au maire de la commune Noisy-le-Grand de délivrer à la SCI Jane un certificat de permis de construire tacite, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire à fin de production de pièces et un dernier mémoire, enregistrés les 14 mai, 11 septembre, 15 septembre 2020 et le 20 janvier 2022, la commune de Noisy-le-Grand, représentée par Me Grand d'Esnon, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande présentée par la SCI Jane devant le tribunal administratif de Montreuil ;
3° de mettre à la charge de la SCI la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Noisy-le-Grand soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision attaquée devait être regardée comme une décision portant retrait du permis tacite né le 21 octobre 2018 et ont accueilli le moyen tiré du défaut de procédure contradictoire préalable ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'elle ne pouvait légalement se fonder sur l'avis réservé de la direction départementale de l'eau et de l'assainissement ;
- le projet n'est en outre pas conforme aux articles UB 4.2.2 et UE 4.2.2 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que le permis de construire ne pouvait être refusé au motif que la sous-commission départementale pour l'accessibilité des personnes handicapées avait rendu un avis défavorable.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Orio,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,
- les observations de Me Durrleman, substituant Me Grand d'Esnon, pour la commune de Noisy-le-Grand et de Me Duffour pour la SCI Jane.
Une note en délibéré présentée par la commune de Noisy-le-Grand a été enregistrée le 28 janvier 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Noisy-le-Grand a, par un arrêté du 27 décembre 2018, refusé de délivrer à la SCI Jane un permis de construire un immeuble d'activités comprenant un bowling, des activités artisanales, des salles de réunion et de conférence et un bar en terrasse, sur un terrain situé 20 rue Paul Lafargue. La commune de Noisy-le-Grand fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de cette commune de délivrer à la SCI Jane un certificat de permis de construire tacite, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen soulevé par la commune de Noisy-le-Grand dans sa requête sommaire tiré de ce que le jugement est entaché d'une omission à statuer, qui n'a pas été repris dans son mémoire complémentaire, est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut par suite qu'être écarté.
3. En second lieu, il ressort du point 4 du jugement attaqué que les premiers juges ont précisé, par un raisonnement détaillé, qu'en l'absence de notification d'un nouveau délai d'instruction, un permis tacite était né le 21 octobre 2018, à l'issue d'un délai de cinq mois suivant le dépôt de la demande du permis litigieux. Il ressort des points 5 et 6 du jugement, précisant que l'arrêté du 27 décembre 2018 devait être regardé comme procédant nécessairement au retrait du permis tacite du 21 octobre 2018, que le tribunal doit être regardé comme ayant suffisamment motivé la qualification de décision de retrait d'un permis tacite.
Sur la légalité de la décision attaquée :
4. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, lorsque le tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces motifs justifie la solution d'annulation.
En ce qui concerne le respect de la procédure contradictoire :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. (...) ". Aux termes de l'article R. 423-19 de ce code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Aux termes de l'article R. 423-23 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Aux termes de l'article R. 423-28 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R. 423-23 est porté à : (...) b) Cinq mois lorsqu'un permis de construire porte sur des travaux relatifs à un établissement recevant du public et soumis à l'autorisation prévue à l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation ou sur des travaux relatifs à un immeuble de grande hauteur et soumis à l'autorisation prévue à l'article L. 122-1 du même code. ". Aux termes de l'article R. 423-38 de ce code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ". Les décisions qui retirent une décision créatrice de droits étant mentionnées par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration énumérant la liste des décisions administratives individuelles défavorables devant être motivées doivent, par suite, être précédées d'une procédure contradictoire.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du récépissé de dépôt de cette demande qui comporte le cachet de la mairie, que la SCI Jane a déposé sa demande de permis de construire le 21 mai 2018. Par un courrier du 14 juin 2018, la commune de Noisy-le-Grand a informé la société pétitionnaire qu'un délai d'instruction de cinq mois était applicable au motif que le projet concernait un établissement recevant du public. La SCI Jane a déposé des pièces complémentaires le 3 août 2018. Par un courrier du 20 novembre 2018 pris après affichage du permis tacite, la commune a informé la société que le dépôt de ces nouvelles pièces a eu pour effet de faire courir un nouveau délai d'instruction de cinq mois. Par une décision du 27 décembre 2018, le maire de la commune de Noisy-le-Grand a refusé de délivrer à la SCI Jane le permis sollicité. Toutefois, les pièces produites par la société le 3 août 2018 portant sur des agrandissements mineurs de certains espaces et précisant certains éléments dont notamment les issues de secours et les unités de passage qui n'avaient pas pour effet de changer de catégorie d'ERP, ne constituent pas des modifications substantielles qui auraient eu pour effet de rouvrir un délai d'instruction. Ainsi, la décision du 27 décembre 2018 portant refus de permis de construire doit être regardée comme constituant un retrait du permis tacite né le 21 octobre 2018. Dans ces conditions, le retrait de ce permis tacite, qui a créé des droits au profit de la SCI Jane, ne pouvait intervenir sans procédure contradictoire préalable. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la décision du 27 décembre 2018 était entachée d'un vice de procédure qui a privé la société pétitionnaire d'une garantie.
En ce qui concerne le respect des règles en matière d'eau et d'assainissement :
8. Aux termes des articles UB 4.2.2 et UE 4.2.2 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) Dans le cas où l'infiltration du fait de la nature du sol ou de la configuration de l'aménagement nécessiterait des travaux disproportionnés, les eaux pluviales des parcelles seront stockées avant rejet à débit régulé dans le réseau d'assainissement pluvial. Le stockage et les ouvrages de régulation seront dimensionnés de façon à limiter le débit de pointe ruisselé à au plus : / 10l/s/ha pour les terrains de superficie inférieure à 500 m² / 5l/s/ha pour les terrains d'une superficie entre 500 et 5 000 m² / 1l/s/ha pour les terrains de plus de 5 000 m² pour une pluie d'occurrence décennale. (...) ".
9. Compte tenu de la motivation de la décision attaquée, éclairée par les écritures produites par la commune en première instance et en appel, le maire doit être regardé comme ayant suivi l'avis réservé de la direction départementale de l'eau et de l'assainissement et estimé que le projet ne pouvait être regardé comme respectant les prescriptions en matière d'eau et d'assainissement prévues aux articles UB 4.2.2 et UE 4.2.2 du règlement du plan local d'urbanisme. Contrairement à ce que soutient la SCI Jane, il ressort des autres dispositions du plan local d'urbanisme (PLU), et notamment de l'évaluation environnementale, que le respect des exigences en matière gestion des eaux pluviales s'apprécie à l'échelle de l'opération d'aménagement et non de la zone. Le projet litigieux étant supérieur à 5 000 mètres carrés, il doit donc prévoir un débit de fuite d'un litre par seconde par hectare. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la notice architecturale PC04 mentionne deux débits de fuite contradictoires, l'un à 1,72 litres par seconde et l'autre à 5 litres par seconde. Ainsi, le débit de fuite reste en tout état de cause supérieur à la limite prévue par le règlement du PLU. C'est donc à tort que le tribunal a jugé que le projet respectait les prescriptions en matière d'eau et d'assainissement.
En ce qui concerne le respect des règles en matière d'accessibilité des personnes handicapées :
10. Aux termes de l'article L. 425-3 du code l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions. Toutefois, lorsque l'aménagement intérieur d'un établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connu lors du dépôt d'une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public. ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7 (...) ". Aux termes de l'article L. 111-7 de ce même code : " Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminés aux articles L. 111-7-1 à L. 111-7-3. (...) ".
11. Il ressort de la décision attaquée, ainsi qu'au demeurant des écritures de la commune de Noisy-le-Grand, que le maire s'est borné à préciser que la sous-commission départementale pour l'accessibilité des personnes handicapées a émis un avis défavorable. En l'absence d'éléments supplémentaires permettant d'apprécier le non-respect des règles en matière d'accessibilité des personnes handicapées, la seule circonstance que le projet ait fait l'objet d'un avis défavorable n'est pas à elle seule de nature à justifier le retrait du permis tacite du 21 octobre 2018. Par suite, la commune de Noisy-le-Grand n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de l'illégalité de ce motif de retrait.
12. Il résulte de ce qui précède que, si le tribunal administratif a jugé à tort que le projet respectait les prescriptions en matière d'eau et d'assainissement, les autres motifs d'annulation retenus suffisent à justifier l'annulation qui a été prononcée. Par suite, la commune de Noisy-le-Grand n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en litige et a enjoint au maire de la commune Noisy-le-Grand de délivrer à la SCI Jane un certificat de permis de construire tacite, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Jane, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune requérante demande à ce titre. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Grand la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Noisy-le-Grand est rejetée.
Article 2 : La commune de Noisy-le-Grand versera à la SCI Jane une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 20VE01270