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25/01/2022 | FRANCE | N°19VE02351

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 25 janvier 2022, 19VE02351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Avnet Technology Solutions a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, en ce qu'elles reposent sur une valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom excédant 91 000 euros, et de la majoration pour manquement délibéré de 40 %.

Par un jugement n° 1422180 du 23 février

2017, le tribunal administratif de Montreuil, auquel la demande a été transmise par le p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Avnet Technology Solutions a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, en ce qu'elles reposent sur une valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom excédant 91 000 euros, et de la majoration pour manquement délibéré de 40 %.

Par un jugement n° 1422180 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Montreuil, auquel la demande a été transmise par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a rejeté sa demande.

Première procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2017, la SAS Avnet Technology Solutions, représentée par Me Provost, avocat, a demandé à la cour d'ordonner une expertise judiciaire, d'annuler ce jugement, de prononcer la décharge des impositions en litige, de condamner l'État aux entiers dépens et frais, en ce compris les dépenses d'expertise utiles à la valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom ainsi que le coût de caution bancaire entraîné par la demande de garanties du comptable du Trésor liée au sursis de paiement, et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation quant à l'analyse économique de la situation de la société Mce Pluscom ;

- le déclin de l'activité de la société Mce Pluscom est établi, le chiffre d'affaires, la marge brute et l'excédent brut d'exploitation devant être analysés simultanément ;

- l'administration ne pouvait démontrer le caractère faussé de ses résultats nets ou neutraliser les frais de management sans procéder à une analyse des prix de transfert avec la société mère qui était son fournisseur ;

- la valorisation forfaitaire de 5 % du chiffre d'affaires moyen soit 1 900 000 euros n'est pas pertinente en l'absence de rentabilité du fonds de commerce de la société Mce Pluscom ;

- conformément à la méthode du goodwill, utilisée dans le rapport d'expertise qu'elle produit, le fonds de commerce doit être valorisé à 91 000 euros ;

- en présence de tels écarts d'évaluation, il convient de nommer un expert judiciaire qui confirmera le niveau de valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom ;

- le bien-fondé de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifié ;

- le tribunal de grande instance de Strasbourg a constaté que l'administration a prononcé le dégrèvement des droits d'enregistrement de la société et des pénalités correspondantes, ce qui atteste de l'erreur commise par cette dernière dans la valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom ;

- la charge de la preuve de la valeur vénale du fonds de commerce de la société Mce Pluscom incombe à l'administration en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, en raison de l'avis contraire à l'imposition rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

Par un mémoire ampliatif, enregistré le 13 décembre 2017, la SAS Avnet Technology Solutions a informé la cour que le ministre de l'action et des comptes publics lui a accordé le dégrèvement de la totalité des droits d'enregistrement contestés par un avis de dégrèvement en date du 7 septembre 2017, et lui a demandé de prendre acte du dégrèvement prononcé.

Par une ordonnance n° 17VE01177 du 18 janvier 2018, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a dit n'y avoir plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des impositions contestées et a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par la société contre le jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par une décision n° 419100 du 21 juin 2019, le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la SAS Avnet Technology Solutions, a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée le 28 juin 2019, sous le n° 19VE02351.

Seconde procédure devant la cour :

Par des mémoires, enregistrés les 12 juillet, 31 octobre, 4 et 20 novembre 2019, la SAS Tech Data France, venant aux droits de la SAS Avnet Technology Solutions, représentée par Me Provost, avocat, doit être regardée comme reprenant ses précédentes conclusions et demandant ainsi à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) avant-dire droit, d'ordonner une expertise judiciaire ;

3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour la part excédant la valeur de 91 000 euros pour le fonds de commerce de la société Mce Pluscom, et la majoration de 40 % mise à sa charge ;

4°) d'ordonner le remboursement des impositions payées ;

5°) de condamner l'État aux entiers dépens et frais, en ce compris les dépenses d'expertises utiles à la valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom, ainsi que le coût de caution bancaire entraîné par la demande de garanties du comptable du Trésor liée au sursis de paiement ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la valorisation à 1 900 000 euros du fonds de commerce de la société Mce Pluscom retenue par l'administration n'est aucunement justifiée, notamment quant au taux forfaitaire de 5 % qui a été appliqué ; la société Mce Pluscom n'était pas en situation de quasi-monopole et l'administration n'a pas justifié du bien-fondé des raisons qui l'ont amenée à écarter, à chiffre d'affaires constant, la prise en compte de certaines charges pour l'évaluation de la valeur du fonds ; elle ne pouvait raisonner sur une moyenne des années antérieures ni considérer comme excessifs les prix d'achats payés à la société mère Mce GmbH ; sa méthode n'a convaincu ni la commission départementale des impôts et taxes sur le chiffre d'affaires, ni la commission départementale de conciliation ;

- le tribunal administratif a commis une erreur en contestant la réalité du déclin de la société Mce Pluscom, ce déclin et l'absence de rentabilité faisant obstacle à la valorisation forfaitaire de 5 % du chiffre d'affaires moyen du fonds de cette société et impliquant son évaluation selon la méthode du goodwill ; l'analyse financière à laquelle il s'est livré, qui découple les évolutions du chiffre d'affaires et de la marge brute de celle de l'excédent brut d'exploitation, est erronée ;

- en raison de l'écart entre les évaluations en présence, il convient de nommer un expert qui confirmera le niveau de valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom retenu par son expert, selon la méthode du goodwill, seule utilisable en cas d'un fonds en perte économique, soit 91 000 euros ;

- le tribunal de grande instance de Strasbourg a constaté que l'administration a prononcé le dégrèvement des droits d'enregistrement de la société et des pénalités afférentes, ce qui atteste de l'erreur commise par cette dernière dans la valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom ;

- la charge de la preuve de la valeur vénale du fonds de commerce de la société Mce Pluscom incombe à l'administration en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, en raison de l'avis contraire à l'imposition rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Provost, pour la SAS Tech Data France.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Mce Pluscom, menée en 2011, et à un contrôle sur pièces de la SARL Bell Microproducts, l'administration fiscale a notifié à la SAS Avnet Technology Solutions, venant aux droits de la SARL Bell Microproducts dissoute le 10 mai 2011, aujourd'hui devenue SAS Tech Data France, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008 pour un montant total de 826 277 euros, outre des rappels de droits d'enregistrement assortis de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, à raison de la remise en cause de la valorisation d'un fonds de commerce acquis en 2005. Par un jugement du 23 février 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société tendant à la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la pénalité de 40 % correspondante. Par une ordonnance du 18 janvier 2018, le président de la 1ère chambre de la cour a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de l'appel que la société avait formé contre ce jugement. Par une décision du 21 juin 2019, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Il est constant, d'une part, que la rectification en litige a été notifiée dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et que la SAS Tech Data France a présenté ses observations en réponse à la proposition de rectification du 9 juin 2011 dans le délai prorogé qui lui a été accordé. D'autre part, dès lors que le différend est relatif à la valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom, c'est-à-dire à la valorisation d'un élément d'actif, qu'il n'est pas soutenu que la comptabilité de la société comportait de graves irrégularités, et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à la suite de sa séance du 11 juin 2012, a émis un avis défavorable au maintien du rehaussement envisagé par l'administration, la charge de la preuve du bien-fondé du redressement incombe à l'administration fiscale en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom par l'administration fiscale :

3. Aux termes du 2. de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".

4. A la suite d'un arrêt rendu le 4 juin 2009 par la cour d'appel de Colmar jugeant que la SARL Bell Microproducts avait repris l'activité économique précédemment exercée par la société Mce Pluscom, l'administration fiscale a estimé que la SARL Bell Microproducts avait acquis les éléments constitutifs du fonds de commerce de cette dernière, sans toutefois en inscrire la valeur à son actif, minorant ainsi volontairement et indûment son actif net imposable. En conséquence, elle a, d'une part, procédé à la détermination de la valeur vénale de ce fonds de commerce, et a augmenté l'actif net de la SARL Bell Microproducts dans la mesure de la valeur de l'acquisition ainsi réalisée, entraînant le rehaussement du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts, et, d'autre part, calculé les droits de mutations afférents au transfert de l'activité de la société Mce Pluscom à la SARL Bell Microproducts.

5. En premier lieu, il est constant que, pour procéder à la valorisation du fonds de commerce transféré par la société Mce Pluscom, le vérificateur s'est, dans un premier temps, fondé sur la valeur moyenne résultant de la mise en œuvre de quatre méthodes d'évaluation, dont la méthode forfaitaire d'évaluation, aboutissant à une valeur évaluée arrondie à 2 330 000 euros. Ainsi que le fait valoir la SAS Tech Data France, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de l'Essonne a, dans sa séance du 11 juin 2012, émis un avis défavorable au maintien du rehaussement envisagé par l'administration, en pointant notamment l'absence d'explication des coefficients multiplicateurs. Conformément à l'avis émis par la commission départementale de conciliation du Bas-Rhin le 26 octobre 2012, lequel indique seulement qu'il y a lieu de " retenir une valeur vénale du fonds de 1 900 000 euros, calculée comme suit par application d'un pourcentage de 5 % du chiffre d'affaires moyen des années 2003, 2004 et 2005 ", l'administration a, par courrier du 15 février 2013, décidé " de suivre l'avis de la commission départementale de conciliation du Bas-Rhin valorisant ainsi le fonds à 1 900 000 euros ". La société requérante soutient que l'administration ne justifie pas du bien-fondé du taux ainsi retenu. Il ressort de la proposition de rectification du 9 juin 2011, que l'administration a appliqué à la méthode forfaitaire d'évaluation, différents paramètres caractérisant la situation commerciale de la société Mce Pluscom. En particulier, elle a retenu un taux de 5 % du chiffre d'affaires moyen hors taxe pour tenir compte à la fois de la situation concurrentielle, de l'étroitesse du marché et de l'effet de taille. En outre elle a indiqué que ce taux constitue la borne basse de la fourchette d'évaluation, laquelle se situe entre 5 et 20 %, et appliqué ce taux à un chiffre d'affaires hors taxe, pour un résultat inférieur à une année de marge commerciale. Toutefois, et ainsi que le fait valoir la société requérante, l'administration n'invoque pour justifier de ces choix qu'un simple " usage " dont elle ne justifie pas. En outre, il ressort des termes de la proposition de rectification du 9 juin 2011 que l'administration s'est principalement fondée sur la situation de quasi-monopole de la société Mce Pluscom pour justifier de la fourchette de 5 % à 20 % de chiffre d'affaires qu'elle a retenue. Or, outre qu'elle revendique un rapport commercial entre petits négociants et clients qui était défavorable à cette société, la société requérante démontre, pour le secteur du négoce de matériel informatique dans lequel elle exerçait son activité, une intensité concurrentielle moyenne et en hausse sur la période 2000 à 2009, dix sociétés réalisant 53 % du chiffre d'affaires du secteur. Dès lors, la Mce Pluscom ne se trouvait pas en situation de quasi-monopole et n'était pas même un acteur dominant du secteur. Dans ces conditions, l'administration ne justifie pas de la pertinence du taux de 5 % qu'elle a appliqué au chiffre d'affaires reconstitué de la société Mce Pluscom quand bien même elle a retenu le taux le plus bas de la fourchette.

6. En deuxième lieu, d'une part, s'agissant de la situation économique de la société Mce Pluscom, que la société requérante a estimé en déclin, il est constant que les chiffres discutés par les parties, qui résultent des comptes sociaux de la société Mce Pluscom, ne sont pas contestés par l'administration, soit au titre de l'année 2005 un chiffre d'affaires d'environ 35 millions, 2,2 millions de marge brute et un excédent brut d'exploitation de 88 000 euros pour un résultat d'exploitation négatif de 328 000 euros. Le cabinet BMA, qui a expertisé la situation de cette société à la demande de la requérante, indique que ces éléments, comparés à ceux des exercices antérieurs, constituent un " indice fort de perte de valeur du fonds ".

7. D'autre part, s'agissant de l'évolution du secteur d'activité de la société Mce Pluscom, le rapport Xerfi repris par M. A..., expert, a mis en évidence une diminution du chiffre d'affaires des négociants du secteur entre 2002 et 2003 et entre 2004 et 2005, ce qui correspond aux résultats de la société Mce Pluscom. Si la société s'appuie sur le rapport d'expertise qu'elle a produit pour mettre en évidence une dégradation de son excédent brut d'exploitation, celui du secteur d'activité a également connu une baisse en 2005. Toutefois, au cours de la même période 2002-2005, le résultat d'exploitation est passé de 0,9 million d'euros à 0,46 million d'euros, pour un résultat net équilibré en 2002 puis en perte constante et de plus en plus prononcée jusqu'en 2005. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction, que contrairement à ce que l'administration a exposé dans ses décisions, les variations de chiffre d'affaires de la société ne sont pas seulement liées au cycle économique du secteur mais résultent également d'une dépréciation propre à l'activité commerciale de la société Mce Pluscom.

8. Par ailleurs, s'agissant de l'analyse micro-économique de la société Mce Pluscom, dans sa réponse aux observations du contribuable du 20 février 2012, l'administration a indiqué que " les fluctuations de la marge commerciale, dans un contexte de facturation intra-groupe, ne constituent pas un indicateur irréfragable de déclin d'activité ". Toutefois, ainsi que le soutient, la société Tech Data France, l'administration n'a apporté aucune précision pour démontrer le bien-fondé de son allégation relative au fait que les relations intra-groupe de la société Mce Pluscom avec sa mère allemande pouvaient être faussées, notamment en retraitant les prix de transfert intra-groupe. Quant aux charges relatives aux " management fees " réglées par la société Mce Pluscom à sa société mère, il n'est pas sérieusement démontré qu'elles ne seraient pas justifiées, le service ne soutenant pas même que la société disposait des moyens humains et matériels qui auraient pu la dispenser de recourir aux services de sa mère et qui lui ont été facturés.

9. Enfin, l'administration fiscale a remis en cause des salaires versés aux salariés de la société Mce Pluscom non repris par la SARL Bell Microproducts. L'économie salariale réalisée en raison de la restructuration de la société Mce Pluscom, juste avant sa reprise en novembre 2005, a amené le service à constater une revalorisation de l'excédent brut d'exploitation du fonds acquis. Le service a ainsi considéré que l'exercice clos au 31 mai 2005 intégrait déjà les restructurations qui auraient été effectuées en vue de la reprise d'activité. Toutefois, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar qui se prononce sur le licenciement du directeur commercial de la société Mce Pluscom, que celui-ci a été licencié le 18 novembre 2005. En outre, il n'est pas démontré que les salariés non repris n'auraient pas été rémunérés jusqu'à une date proche de celle de la reprise par la SARL Bell Microproducts. En tout état de cause, et ainsi que le fait valoir la société requérante en s'appuyant sur le rapport BMA du 24 mai 2012, ces charges salariales ne peuvent être reprises à chiffre d'affaires constant, en l'absence de toute justification sur ce point. Les montants repris par l'administration portent sur des montants de 638 127 euros pour l'exercice 2004 et 646 884 euros pour celui de 2005, prorata temporis sur douze mois. En conséquence, la rétropolation des charges salariales opérées par l'administration sur trois exercices antérieurs n'est pas justifiée et le calcul de l'excédent brut d'exploitation par l'administration qui en résulte est erroné.

10. Dans ces conditions, au vu de l'ensemble de ces éléments, l'administration ne justifie pas du bien-fondé de l'unique méthode d'évaluation du chiffre d'affaires qu'elle a finalement retenue à savoir 5 % du chiffre d'affaires ni, par suite, de l'exactitude du montant de 1 900 000 euros auquel elle a valorisé le fonds de commerce de la société Mce Pluscom. Par suite, il y a donc lieu de fixer la valeur du fonds de commerce repris de fait par la société requérante à 91 000 euros, chiffre admis par elle au vu du rapport d'expertise de M. A... fondé sur la méthode du goodwill qu'elle produit.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que la SAS Tech Data France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au prononcé de la décharge des cotisations supplémentaires de l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, dans la limite de ses conclusions, soit en ce que ces cotisations reposent sur une valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom excédant 91 000 euros. Par voie de conséquence, il y a lieu de prononcer également la décharge de la majoration de 40 % mise à la charge de la société requérante dans la même proportion.

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais de garantie bancaire :

12. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Lorsque les sommes consignées à titre de garanties en application des articles L. 277 et L. 279 doivent être restituées, en totalité ou en partie, la somme à rembourser est augmentée des intérêts prévus au premier alinéa. Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret. ". En vertu de l'article R. 208-4 du livre des procédures fiscales figurent parmi les frais qui font l'objet d'un remboursement, la rémunération demandée par la caution ainsi que les frais de constitution de garanties au profit de la caution. En application de l'article R. 208-3 du même livre, le remboursement de ces frais doit être demandé par le contribuable au

Trésorier-payeur général dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision de dégrèvement qui le justifie.

13. En l'absence de demande de la SAS Tech Data France auprès du Trésorier-payeur général aux fins de remboursement de la somme, au demeurant non chiffrée, dont l'appelante demande le remboursement par l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article R. 208-4 du livre des procédures fiscales, le contentieux n'est pas né et actuel. Par suite, les conclusions de la société requérante sur ce point doivent rejetées comme étant irrecevables.

Sur les dépens :

14. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. (...) ".

15. D'une part, aucune expertise judiciaire n'a été ordonnée dans le cadre de la présente instance. D'autre part, l'étude du cabinet BMA ayant été réalisée à la demande de la SAS Tech Data France, elle ne relève pas des dépens au sens des dispositions précitées. En tout état de cause, les conclusions présentées à ce titre ne sont pas chiffrées. Par suite, les conclusions présentées au titre des dépens par la SAS Tech Data France ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à la SAS Tech Data France de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La SAS Tech Data France est déchargée, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge en ce qu'elles reposent sur une valorisation du fonds de commerce de la société Mce Pluscom excédant 91 000 euros et, d'autre part, et dans la même proportion, de la majoration de 40 %.

Article 2 : Le jugement n° 1422180 rendu le 23 février 2017 par le tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à la SAS Tech Data France la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Tech Data France est rejeté.

2

N° 19VE02351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02351
Date de la décision : 25/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Établissement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : PROVOST

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-25;19ve02351 ?
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