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25/01/2022 | FRANCE | N°19VE01432

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 25 janvier 2022, 19VE01432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Centre Chirurgical des Princes a demandé, par deux demandes distinctes, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés à concurrence d'une somme de 45 370,08 euros correspondant au montant de la taxe qu'elle estime avoir collectée à tort au titre de la période du 1er mai 2015 au 31 mars 2016.

Par un jugement nos 1612058, 1700908 du 21 février 2019, le tribunal administrati

f de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Centre Chirurgical des Princes a demandé, par deux demandes distinctes, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés à concurrence d'une somme de 45 370,08 euros correspondant au montant de la taxe qu'elle estime avoir collectée à tort au titre de la période du 1er mai 2015 au 31 mars 2016.

Par un jugement nos 1612058, 1700908 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 avril 2019 et 3 juin 2020, la SAS Centre Chirurgical des Princes, représentée par Me Rudeau et Me Goron, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à tort au titre de la période du 1er mai 2015 au 31 mars 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée a été établie sur le fondement d'une doctrine illégale ;

- en effet, les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous les références BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, dans leur rédaction en date du 4 février 2015 contreviennent à l'article 34 de la Constitution car ils restreignent illégalement le champ d'application du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;

- ils sont contraires à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur la notion de soins en conditionnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée à un remboursement de l'acte par l'assurance maladie ;

- ces commentaires sont en contradiction avec la directive taxe sur la valeur ajoutée 2006/112/CE du 28 novembre 2006 car ils font obstacle à la bonne transposition de celle-ci et méconnaissent le principe de neutralité fiscale ;

- ils méconnaissent le principe de non-discrimination et d'égalité de traitement prévu à l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le critère d'exonération fondé sur le remboursement par l'assurance maladie ayant pour conséquence directe de traiter différemment les clients selon leur nationalité et leur affiliation au régime de sécurité sociale ;

- ils méconnaissent également le principe de libre circulation des services garanti par les articles 56 à 62 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne car ils rendent la prestation de services rendue en France moins attractive que dans les autres États-membres ;

- les commentaires précités sont en contrariété avec le principe de non-discrimination de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme sans que ne soit opposable une justification objective et raisonnable ;

- en restreignant l'accessibilité financière aux soins de chirurgie esthétique pour les personnes non affiliées à la sécurité sociale en France, ils méconnaissent la liberté de circulation garantie par l'article 2 du Protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;

- ces commentaires portent atteinte au principe d'égalité devant l'impôt, dans ses deux composantes, prévu par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ;

- ils méconnaissent la définition de l'acte de soins telle qu'elle résulte de la jurisprudence de la cour de cassation relative à la mise en œuvre du droit à réparation ;

- ils sont en contradiction avec la notion de soins retenue par la directive soins 2011/24/UE du 9 mars 2011 qui ne fait aucune référence à la condition de remboursement de soins ;

- la modification par l'administration des termes de ses commentaires tels que publiés au bulletin officiel des impôts le 7 février 2018 à la suite de l'ouverture par la Commission européenne d'une procédure de manquement contre la France démontre que sa position précédente n'était pas conforme au droit communautaire ; doivent ainsi être regardés comme exonérés tous les actes pour lesquels l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), à laquelle la Haute autorité de santé (HAS) s'est substituée, avait émis un avis favorable à l'inscription sur la liste des actes susceptibles de faire l'objet d'un remboursement total ou partiel, automatique ou après entente préalable, au sens de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment son Préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- la directive 2011/24/UE du 9 mars 2011 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2014-1525 du 17 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Danielian,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

- et les observations de Me Goron, avocat, pour la SAS Centre Chirurgical des Princes.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Centre Chirurgical des Princes, qui exploite une clinique de chirurgie esthétique, a introduit le 2 mai 2016 une réclamation portant sur la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, selon elle, à tort au titre de la période du 1er mai 2015 au 31 mars 2016, pour un montant de 45 370,08 euros au titre de prestations annexes à des actes de chirurgie esthétique. Par décision du 13 janvier 2017, le responsable du pôle de contrôle et d'expertise de la direction générale des finances publiques a rejeté cette demande. Elle fait appel du jugement du 21 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période du 1er mai 2015 au 31 mars 2016.

2. Le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, prévoit que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions des directives mentionnées au point 2., telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va nécessairement de même des actes médicaux, tels que l'anesthésie, matériellement et économiquement indissociables de la prestation de soins médicaux principale exonérée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité. En vertu des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique, qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

4. Il en résulte qu'en subordonnant le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique à la condition qu'ils soient pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie et en précisant que l'ensemble des prestations nécessaires à la réalisation de cet acte figurant sur le devis remis au patient obéissent aux mêmes règles d'assujettissement ou d'exonération que l'acte principal, les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous les références BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 dans leur rédaction en date du 4 février 2015 explicitent, sans les méconnaître, pour les actes de chirurgie et de médecine esthétique, la portée des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, lesquelles sont compatibles avec les objectifs de la directive telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne et ne portent pas atteinte au principe de neutralité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

5. En deuxième lieu, la société requérante soutient qu'en ce qu'ils subordonneraient l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique à leur remboursement effectif, en tout ou partie, par les régimes français de sécurité sociale, les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous les références BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 donneraient de la loi une interprétation ayant pour conséquence d'exclure du bénéfice de l'exonération les patients non couverts par ces régimes, et en particulier les personnes de nationalité étrangère ou résidant hors de France, en méconnaissance des principes généraux du droit communautaires de non-discrimination et d'égalité de traitement, réaffirmés à l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de la liberté de prestation de services et de la libre concurrence. Il ressort, toutefois, des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et que les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous les références BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 se bornent à expliciter sans s'en écarter, que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique est subordonnée non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Il en résulte que les moyens ne peuvent qu'être écartés.

6. En troisième lieu, si la société requérante soutient que les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous les références BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 méconnaitraient, d'une part, la définition de l'acte de soins telle qu'elle résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la mise en œuvre du droit à réparation, au titre de la solidarité nationale, des préjudices du patient et de ses ayants droit en cas d'accident médical directement imputable à un tel acte, lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement médical n'est pas engagée ainsi que, d'autre part, la définition d'un tel acte donnée par le décret du 17 décembre 2014 relatif à la reconnaissance des prescriptions de dispositifs médicaux établies dans un autre État membre de l'Union européenne, pris pour la transposition la directive 2011/24/UE du 9 mars 2011, ces moyens, qui procèdent de l'invocation de législations distinctes de celle relative à la taxe sur la valeur ajoutée, sont sans incidence sur la légalité des commentaires administratifs publiés au BOFiP sous les références BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, dans leur rédaction en date du 4 février 2015. Ils ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

7. En quatrième lieu, si la société requérante soutient que l'interprétation donnée par les commentaires administratifs publiés au BOFIP sous les références BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, dans leur rédaction en date du 4 février 2015 des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts méconnaîtrait les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 2 du Protocole n° 4 annexé à cette convention, qui garantit à quiconque se trouvant régulièrement sur le territoire d'un État le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence, les restrictions alléguées au droit à exonération de taxe sur la valeur ajoutée des prestations de médecine et de chirurgie esthétique effectuées en France ne sont pas de celles qui sont visées par les dispositions de l'article 2 du Protocole n° 4. Le moyen doit donc être écarté.

8. En cinquième lieu, la société requérante soutient que les commentaires administratifs publiés au BOFIP sous les références BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, dans leur rédaction en date du 4 février 2015 méconnaissent l'article 34 de la Constitution en restreignant illégalement le champ d'application du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts. Toutefois, en se bornant à rappeler la règle édictée par le législateur, ces commentaires n'en méconnaissent pas la portée, ne prévoient pas une condition nouvelle d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et ne méconnaissent pas l'article 34 de la Constitution en vertu duquel la loi fixe les règles concernant notamment l'assiette des impositions de toutes natures.

9. En sixième lieu, en l'absence de question prioritaire de constitutionnalité soulevée par un mémoire distinct, la SAS Centre Chirurgical des Princes n'est pas recevable à invoquer une méconnaissance des principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt et devant les charges publiques.

10. En dernier lieu, la SAS Centre chirurgical des Princes considère enfin que doivent être regardés comme exonérés tous les actes pour lesquels la Haute autorité de santé (HAS) avait émis un avis favorable à l'inscription sur la liste des actes susceptibles de faire l'objet d'un remboursement total ou partiel, automatique ou après entente préalable, au sens de l'article

L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. A cet effet, elle produit, en appel, un document effectuant le rapprochement des actes chirurgicaux réalisés avec les avis de la HAS et la classification commune des actes médicaux (CCAM). Toutefois, et eu égard au caractère imprécis des libellés des interventions, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir, alors que la preuve lui incombe par application du second alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle a été imposée selon ses déclarations, que ces actes, ayant donné lieu à 45 370 euros de taxe collectée, avaient une finalité thérapeutique et non une visée purement esthétique, alors que la jurisprudence précitée de la Cour de justice de l'Union européenne prévoit que seuls les actes ayant une finalité thérapeutique, au vu d'un examen in concreto, peuvent faire l'objet d'une exonération en vertu de l'article 132 c) de la directive 2006/112/CE. Il suit de là que le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Centre Chirurgical des Princes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Centre Chirurgical des Princes est rejetée.

2

N° 19VE01432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01432
Date de la décision : 25/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET CAP CODE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-25;19ve01432 ?
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