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20/01/2022 | FRANCE | N°18VE02500

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 20 janvier 2022, 18VE02500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement ou, à titre subsidiaire, alternativement, l'Etat et l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) à leur régler la somme de 304 009,93 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts et de leur capitalisation, et de mettre à la charge de l'Etat et de l'EPRUS le versement de la somme de 20 000 euros au titre de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1407538 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement ou, à titre subsidiaire, alternativement, l'Etat et l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) à leur régler la somme de 304 009,93 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts et de leur capitalisation, et de mettre à la charge de l'Etat et de l'EPRUS le versement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1407538 du 22 mai 2018, ce tribunal a condamné l'Etat à verser aux sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline la somme de 304 009,93 euros TTC, avec intérêts et capitalisation, a mis à la charge de l'Etat le versement aux intéressées de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 16 juillet 2018 et 26 avril 2019, le ministre des solidarités et de la santé demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, les stipulations, très générales, de l'article 11.1 du marché ne peuvent être interprétées comme imposant à l'Etat de garantir et d'indemniser les sociétés titulaires pour toute réclamation ou action judiciaire spécifiquement engagées à leur encontre par des personnes vaccinées, du fait de la défectuosité du vaccin que les intéressées ont produit ;

- l'article 11.1 du marché, tel qu'interprété par les premiers juges, présente un caractère illicite dès lors, d'une part, qu'une telle clause de garantie par l'Etat des sociétés titulaires doit être regardée comme écartant ou limitant la responsabilité des intéressées du fait de la défectuosité du vaccin qu'elles ont produit, en méconnaissance des dispositions de l'article 1386-15, devenu 1245-15, du code civil, et, d'autre part, que cette clause met également à la charge de l'Etat, qui indemnise déjà les victimes de cette campagne de vaccination par l'intermédiaire de l'office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), des sommes qu'il ne doit pas, à savoir un double paiement des frais de justice pour les mêmes dommages, lorsque les victimes ont demandé une indemnisation auprès de l'ONIAM et des sociétés titulaires ;

- contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées, l'exception de nullité invoquée à l'encontre de la clause de garantie par l'Etat stipulée à l'article 11.1 du marché n'est pas prescrite dès lors qu'elle avait été opposée aux intéressées dans la lettre que leur avait adressée le directeur général de l'EPRUS le 23 mai 2014.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tabouis, pour les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de grippe A/H1N1 survenue au début de l'année 2009, l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, a conclu, au nom et pour le compte de l'Etat, un marché public avec les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline, le 10 juillet 2009, ayant pour objet la fourniture de cinquante millions de doses de vaccin " Pandemrix ". Après le lancement de la campagne nationale de vaccination, par arrêté du 4 novembre 2009, le manque de succès de celle-ci auprès de la population, ainsi que l'évolution des connaissances scientifiques sur la virulence de la grippe A/H1N1, ont conduit l'Etat et l'EPRUS à notifier aux sociétés titulaires de ce marché, le 4 janvier 2010, une modification unilatérale de celui-ci pour motif d'intérêt général, afin de réduire à dix-huit millions le nombre de doses de vaccin achetées, puis à indemniser les intéressées à raison des commandes ainsi annulées. A partir d'avril 2010, certains patients vaccinés avec le " Pandemrix " ont saisi les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline de réclamations amiables ou attrait celles-ci en justice en vue d'obtenir réparation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis en raison d'effets secondaires indésirables imputés à ce vaccin, différends et instances pour les besoins desquels les intéressées ont recouru à l'assistance d'un cabinet d'avocats. Par application de l'article 11.1 du marché, intitulé " responsabilité du fait des produits et indemnisation ", les sociétés titulaires ont transmis à l'EPRUS, pour règlement par celui-ci, les notes de frais et honoraires consécutivement établies par ce cabinet d'avocats, factures que l'établissement a accepté de prendre en charge, au titre des années 2010 à 2013, pour un montant total de 27 723,17 euros TTC. Cependant, l'EPRUS a, à compter de septembre 2013, cessé de régler les nouvelles factures d'avocats lui ayant été ultérieurement transmises, au même titre, par les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline, puis informé celles-ci, par lettre du 23 mai 2014, qu'il n'était plus autorisé par l'Etat à faire application de la clause indemnitaire stipulée à l'article 11.1 du marché. En conséquence, les sociétés titulaires se sont elles-mêmes acquittées, les 10 et 21 juillet 2014, du règlement de ces nouvelles factures, pour un montant respectif de 131 025,79 euros TTC, au titre du reliquat de factures émises en 2013, et de 172 984,14 euros TTC, au titre des factures émises à raison de prestations réalisées entre le 1er janvier et le 31 mai 2014. Après vaines réclamations indemnitaires préalables, les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement ou, à titre subsidiaire, alternativement, l'Etat et l'EPRUS à leur régler la somme totale de 304 009,93 euros TTC, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et de mettre à la charge de l'Etat et de l'EPRUS le remboursement des dépens, ainsi que le versement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 22 mai 2018, ce tribunal, après avoir déclaré hors de cause l'EPRUS, auquel a succédé l'agence nationale de santé publique (ANSP), a condamné l'Etat à verser aux sociétés demanderesses la somme de 304 009,93 euros TTC, avec intérêts et capitalisation, a mis à la charge de l'Etat le versement aux intéressées d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Le ministre des solidarités et de la santé relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

S'agissant de la portée de l'article 11.1 du marché :

2. Aux termes du paragraphe 1, intitulé " principes d'indemnisation ", de l'article 11 du marché : " L'Etat déclare que l'utilisation des vaccins objet du présent marché ne se fera qu'en cas de situation épidémiologique le nécessitant. / Dans ces conditions, les opérations de vaccination de la population seront décidées par l'Etat, seul, et seront placées sous la seule responsabilité de l'Etat. / Dans ce cadre, GSK et/ou une de ses sociétés affiliées, est responsable du fait des produits défectueux. / Toutefois, considérant les circonstances exceptionnelles qui caractérisent l'objet du présent marché, l'Etat s'engage à garantir et indemniser toute partie indemnisable de GSK contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être élevées à l'encontre de toute partie indemnisable de GSK dans le cadre des opérations de vaccination sauf en cas de faute de toute partie indemnisable de GSK dans la production du vaccin ou sauf en cas de livraison d'un vaccin non-conforme au moment de la livraison aux spécifications techniques de libération des lots figurant dans le dossier d'autorisation de mise sur le marché, ou à défaut d'autorisation de mise sur le marché, aux spécifications techniques de libération des lots du produit telles qu'elles figurent à l'annexe A ou dans le dossier d'autorisation de mise sur le marché dans l'état où elle se trouvait au moment de chaque livraison (...) ".

3. D'une part, si le troisième alinéa de l'article 11.1 du marché rappelle que les sociétés titulaires du marché sont, en qualité de producteur du vaccin, responsables du fait de la défectuosité de ce produit, le quatrième alinéa du même article, qui doit être interprété comme se rapportant à l'application du précédent compte tenu de l'emploi de l'adverbe " toutefois ", stipule, de manière générale, que l'Etat s'engage à garantir et indemniser les intéressées contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être intentées à leur encontre dans le cadre des opérations de vaccination. Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre des solidarités et de la santé, le champ d'application de cette garantie doit être regardé comme incluant, en principe, les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être intentées à l'encontre des sociétés titulaires, et notamment par les patients vaccinés avec le " Pandemrix ", au titre de la responsabilité du fabriquant du fait des produits défectueux, conséquences pécuniaires dont les frais d'avocats exposés, à ce titre, pour la défense des intéressées ne sont pas exclus par ces stipulations. D'autre part, l'engagement de la responsabilité du fabriquant du fait d'un produit défectueux, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil dans leur rédaction alors en vigueur et dont les dispositions sont désormais reprises aux articles 1245 et suivants du même code, relève d'un régime de responsabilité sans faute. Par suite, l'Etat ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le quatrième alinéa de cet article prévoit que, par exception, sa garantie est exclue en cas de faute des sociétés titulaires dans la production du vaccin ou en cas de livraison d'un vaccin non-conforme aux spécifications techniques y étant stipulées, pour soutenir qu'il ne serait pas tenu de garantir ces sociétés des conséquences des réclamations ou actions judiciaires intentées à leur encontre par les patients vaccinés avec le " Pandemrix ", et en particulier des frais d'avocats exposés de ce fait par les intéressées. Il en résulte que la garantie due par l'Etat en application des stipulations de l'article 11.1 du marché s'applique, notamment, aux frais d'avocats exposés par les sociétés titulaires pour assurer leur défense dans le cadre des réclamations et actions en justice intentées à leur encontre par des patients auxquels a été administré le vaccin " Pandemrix " et qui ont recherché leur responsabilité au titre d'une défectuosité alléguée de ce produit, ainsi, d'ailleurs, que l'avaient initialement admis l'Etat et l'EPRUS, comme rappelé au point 1, s'agissant des frais d'avocats engagés au cours des années 2010 à 2013.

S'agissant de l'exception d'illicéité de l'article 11.1 du marché opposée par l'Etat :

4. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1386-1, devenu l'article 1245, du code civil : " Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ". Aux termes de l'article 1386-6, devenu l'article 1245-5, du même code : " Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini (...) ". Aux termes de l'article 1386-9, devenu l'article 1245-8, du même code : " Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ". Aux termes de l'article 1386-15, devenu l'article 1245-14, du même code : " Les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux sont interdites et réputées non écrites ".

6. En l'espèce, les stipulations précitées de l'article 11.1 du marché, qui rappellent que les sociétés titulaires, en qualité de fabriquant du vaccin " Pandemrix ", sont responsables du fait des produits défectueux, prévoient cependant que, eu égard aux circonstances exceptionnelles qui caractérisent l'objet du marché, l'Etat s'engage à garantir et indemniser les intéressées contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être élevées à leur encontre dans le cadre des opérations de vaccination. Ce faisant, ces stipulations visent, non pas à écarter ou limiter la responsabilité des sociétés titulaires à l'égard des victimes de dommages qui imputeraient ceux-ci à la défectuosité du vaccin qu'elles ont fabriqué, mais à instituer, dans l'hypothèse où la responsabilité des intéressées se trouverait engagée de ce fait, une garantie contractuelle par l'Etat des conséquences subséquentes, notamment pécuniaires, de telles réclamations ou actions judiciaires ainsi présentées à leur encontre. Dans ces conditions, les stipulations de l'article 11.1 du marché sont, en elles-mêmes, sans incidence sur l'application du régime de responsabilité de plein droit des sociétés titulaires à l'égard des victimes de dommages qui seraient imputables à la défectuosité du vaccin qu'elles ont fabriqué. Dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que ces stipulations seraient illicites au regard des dispositions précitées de l'article 1386-15, devenu l'article 1245-14, du code civil.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population (...) ". Aux termes de l'article L. 3131-4 du même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (...). / L'offre d'indemnisation adressée par l'office à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l'absence de consolidation, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite (...) des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du même chef de préjudice. / L'acceptation de l'offre d'indemnisation de l'office par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. / L'office est subrogé, s'il y a lieu et à due concurrence des sommes qu'il a versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur (...) ".

8. Le ministre des solidarités et de la santé soutient que l'application de l'article 11.1 du marché permettrait de condamner l'Etat à verser une somme qu'il ne doit pas dès lors qu'il indemnise déjà, par l'intermédiaire de l'ONIAM, les victimes d'actes médicaux pratiqués dans le cadre de mesures sanitaires urgentes, en application des dispositions précitées de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique. Toutefois, l'article 11.1 du marché ne peut être regardé comme méconnaissant ce principe alors que les frais d'avocats exposés par les sociétés titulaires, seuls ici en litige, à raison des réclamations et actions judiciaires engagées à leur encontre par des patients vaccinés avec le " Pandemrix " et ayant engagé leur responsabilité du fait de la défectuosité de ce produit ne sont nullement couverts par les indemnités versées par l'ONIAM exclusivement aux victimes, en réparation des préjudices que ces dernières ont subis, en application des dispositions précitées de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique. Par ailleurs, s'agissant de ces dernières indemnités, l'article 11.1 du marché ne fait pas obstacle, contrairement à ce que soutient le ministre, à ce que l'ONIAM, alors subrogé dans les droits de la victime en vertu des mêmes dispositions, puisse engager la responsabilité des sociétés titulaires du fait de la défectuosité du produit qu'elles ont fabriqué, mais implique seulement que, dans l'hypothèse où les intéressées se verraient alors condamnées à ce titre, celles-ci soient consécutivement garanties par l'Etat de telles conséquences pécuniaires. Ainsi, dès lors que les indemnités primitivement servies aux victimes par l'ONIAM, dans cette dernière hypothèse, ne demeureraient pas à la charge de cet établissement, l'application de l'article 11.1 du marché ne peut être regardée comme emportant une double indemnisation, par l'ONIAM et par l'Etat, d'un même préjudice. Dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que ces stipulations seraient illicites au regard des dispositions précitées de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la prescription de ces exceptions d'illicéité opposée par les intimées, que le ministre des solidarités et de la santé n'est pas fondé à soutenir que l'application de l'article 11.1 du marché devrait, en l'espèce, être écartée. Dès lors, en cessant, dans les conditions rappelées au point 1, de se conformer à ces stipulations, l'Etat a commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne les préjudices :

10. En appel, le ministre des solidarités et de la santé ne conteste pas la réalité et le montant des frais d'avocats exposés par les sociétés titulaires du marché, dans les conditions rappelées au point 1, ni davantage que les intéressées se sont effectivement acquittées de leur règlement. Dès lors, les sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline sont fondées à obtenir la prise en charge de ces dépenses par l'Etat au titre de la garantie stipulée à l'article 11.1 du marché. Enfin, le ministre ne conteste pas utilement l'application de cette garantie en se bornant, dans le dernier état de ses écritures, à indiquer, " au demeurant ", que les dépenses de procédure en cause auraient été inutiles, alors qu'il était, à l'époque, loisible à l'EPRUS, agissant au nom et pour le compte de l'Etat, de conduire lui-même la défense dans les litiges concernés et de choisir ses conseils extérieurs, faculté prévue à l'article 11.3 du marché mais demeurée inappliquée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des solidarités et de la santé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande indemnitaire des sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline d'une somme de 2 000 euros en remboursement des frais que celles-ci ont exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre des solidarités et de la santé est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera aux sociétés Glaxo Group Limited et Laboratoire Glaxosmithkline la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 18VE02500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02500
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : AARPI SCHMITT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-20;18ve02500 ?
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