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04/01/2022 | FRANCE | N°20VE01862

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 04 janvier 2022, 20VE01862


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision du 14 novembre 2017 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, et de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1806204 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en répl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision du 14 novembre 2017 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, et de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1806204 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 31 juillet et 1er décembre 2020, M. B..., représenté par Me Mora et Me Seltene, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions des 14 novembre 2017 et 6 juin 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis des erreurs de droit et des erreurs d'appréciation ;

- les décisions attaquées sont entachées d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciation, dès lors que son employeur n'a pas satisfait à l'obligation qui pesait sur lui de rechercher sérieusement et loyalement à le reclasser avant de le licencier.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mazetier pour la société Crédit coopératif.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., recruté le 1er novembre 1985 par la société Crédit coopératif, exerçait en dernier lieu les fonctions de " chargé de clientèle / chargé d'affaires " au sein de l'agence de Montpellier et détenait le mandat de représentant de section syndicale. Dans la fiche d'aptitude médicale renseignée le 29 août 2016, le médecin du travail a indiqué que l'intéressé était " inapte au poste ", en raison d'un " danger immédiat pour la santé et la sécurité du salarié ou celle d'un tiers ". Par un courriel du 7 septembre 2016, le médecin du travail a indiqué à la direction des ressources humaines du Crédit coopératif que M. B... était " inapte à tout poste ". Par un courrier du 17 mai 2017, la société Crédit coopératif a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. B... pour inaptitude physique. Par une décision du 17 juillet 2017, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de l'intéressé. Par une décision du 6 juin 2018, la ministre du travail a confirmé la décision du 17 juillet 2017. M. B... relève appel du jugement du 11 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions susmentionnées des 17 juillet 2017 et 6 juin 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si le requérant soutient que le tribunal a commis des erreurs de droit et des erreurs d'appréciation, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, ne sont pas de nature à affecter la régularité de ce jugement.

Au fond :

3. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ". Aux termes de l'article L. 1226-12 de ce code : " Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. ".

4. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-10 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le médecin du travail a indiqué, dans une fiche d'aptitude médicale renseignée le 29 août 2016, que M. B... était " inapte au poste ", en raison d'un " danger immédiat pour la santé et la sécurité du salarié ou celle d'un tiers ". Puis, par un courriel du 7 septembre 2016, le médecin du travail a indiqué à la direction des ressources humaines du Crédit coopératif que le requérant était " inapte à tout poste ". A cet égard, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier recommandé du 17 octobre 2016, la société Crédit coopératif a informé M. B... qu'elle avait entamé des recherches de reclassement au sein de l'UES Crédit Coopératif et du groupe Banque populaire-Caisse d'épargne, et qu'elle était en mesure de lui proposer cinq postes de " chargé d'affaires entreprise " au sein des agences de Noisiel, Paris Convention, Melun, Marseille et Grenoble. Par un courriel du 3 novembre suivant, l'intéressé s'est borné à répondre qu'il " ne donnait pas suite " à ces propositions. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'employeur a poursuivi ses recherches de reclassement en adressant les 24 janvier 2017, 3 février 2017 et 2 mars 2017 des courriels en ce sens aux différentes entités de l'UES Crédit Coopératif et du groupe Banque populaire-Caisse d'épargne. En outre, lors d'une réunion exceptionnelle du 10 mars 2017, dont le procès-verbal est versé au dossier, les délégués du personnel ont été informés de ces recherches et de ce que six postes de chargé d'affaires " économie sociale et institutionnelle " ou " entreprises ", situés à Marseille, Lyon, La Défense, Alésia, Avignon et Strasbourg pouvaient être proposés à M. B.... Les délégués du personnel ont émis un avis favorable à ces recherches de reclassement, après avoir estimé " de manière positive que les reclassements portent sur des postes situés dans différentes régions " et qu'" il n'existe pas d'autres postes compatibles avec l'avis du médecin du travail et les capacités professionnelles de M. B... ". Après avoir été destinataire d'un courrier de son employeur, daté du 14 mars 2017, lui proposant les six postes susmentionnés, M. B..., par un courrier du 30 mars suivant, a refusé ces propositions au motif qu'il était, sans autre précision, " dans une analyse globale et générale d'une évolution professionnelle et d'un éventuel reclassement ". Par un courrier du 7 avril 2017, la société Crédit coopératif a indiqué au requérant qu'elle était dans l'impossibilité de le reclasser dès lors qu'à l'exception d'autres postes similaires à ceux déjà proposés, elle ne disposait d'aucun autre emploi susceptible de lui convenir.

6. Si M. B... soutient que son employeur a agi de manière déloyale en ne lui proposant que des postes de chargé d'affaires, similaires à celui qu'il occupait jusqu'alors et pour lequel il a été déclaré inapte le 29 août 2016, il ressort des pièces du dossier que l'avis susmentionné du médecin du travail ne portait que sur le poste qu'il occupait alors à Montpellier et non sur tous les postes de chargé d'affaires qui lui ont été proposés par la suite, situés dans d'autres établissements du groupe. En outre, si le requérant soutient qu'il peut se prévaloir d'un niveau de formation bac + 5 et non bac + 4 comme le prétendrait à tort son employeur, cette seule circonstance n'est en tout état de cause pas de nature à établir qu'il aurait été apte à occuper un autre poste que celui de chargé d'affaires. De même, si le requérant soutient qu'il existait au sein du groupe d'autres postes qui auraient dû lui être proposés, tels que les postes de comptable, de " gestionnaire crédit particuliers back office ", de " directeur centre d'affaires ", de chargé de développement marketing, ou de gestionnaire de clientèle, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces postes, à les supposer vacants au cours de la période considérée, auraient été appropriés à ses capacités. Au surplus, l'employeur de M. B... n'était pas tenu de lui proposer l'ensemble des postes vacants au sein de l'UES Crédit Coopératif et du groupe Banque populaire-Caisse d'épargne. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et des éléments exposés au point 5 que, contrairement aux affirmations du requérant, la société Crédit coopératif a étendu, comme elle en avait l'obligation, sa recherche de postes à l'ensemble des entités du groupe, en communiquant de surcroît à celles-ci des informations suffisamment précises relatives à la situation de l'intéressé. A cet égard, après avoir, ainsi qu'il a été dit, recherché des postes disponibles au sein du groupe entre les mois d'octobre 2016 et mars 2017, l'employeur de M. B... n'était pas tenu de poursuivre ses démarches au-delà de cette période dès lors qu'il estimait qu'aucun poste, autre que ceux proposés à l'intéressé, n'était susceptible de lui convenir. Enfin, et comme l'ont relevé les premiers juges, le requérant s'est borné à refuser les propositions qui lui ont été faites sans même solliciter un aménagement de ses conditions de travail ou une transformation des postes en question. Dans ces conditions, la société Crédit coopératif doit être regardée comme ayant respecté son obligation de reclassement. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées des 17 juillet 2017 et 6 juin 2018 seraient entachées d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

8. Aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de M. B... tendant au remboursement des dépens sont sans objet et doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros, à verser à la société Crédit coopératif, au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la société Crédit coopératif la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Crédit coopératif au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N° 20VE01862 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01862
Date de la décision : 04/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARL LEJARD ZAIRE SELTENE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-04;20ve01862 ?
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