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29/12/2021 | FRANCE | N°21VE00893

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 29 décembre 2021, 21VE00893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 26 novembre 2020 portant refus de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant droit au travail ou une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail dans un délai de quinze jour

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 26 novembre 2020 portant refus de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant droit au travail ou une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2008178 du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 27 mars, 7 avril et 10 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Sultan, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un titre de séjour temporaire, avec autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté comporte des erreurs manifestes de fait et d'appréciation, l'entachant d'illégalité, en ce qu'elle n'a pas de deuxième enfant, que son concubin est titulaire d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et que le tribunal a estimé que le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office si l'étranger peut prétendre à une autorisation de séjour au regard d'une autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle justifie de son intégration en France ;

- la décision du préfet est entachée d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'erreurs d'appréciation au regard de sa vie privée et du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le jugement du juge aux affaires familiales près le tribunal d'instance d'Evry Courcouronnes du 26 novembre 2020 a été produit au préfet ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle en ce que le préfet a omis de considérer qu'elle aurait pu obtenir une carte de résident en qualité de salariée ou de conjointe de ressortissant étranger en situation régulière ;

- elle méconnaît les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle remplit les conditions prévues par la circulaire du ministre de l'intérieur du 12 mai 1998 ; la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- s'agissant de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, elle excipe de l'illégalité de la décision individuelle de refus de délivrance de titre de séjour ;

- elle est entachée d'illégalité compte tenu de ses attaches familiales importantes en France ; à cet égard, le préfet a omis de considérer qu'elle aurait pu obtenir une carte de résident en qualité de salariée (passeport talent) ou de conjointe d'un ressortissant étranger en situation régulière.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Deroc a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 20 avril 1991 à Brazzaville (République du Congo), a bénéficié de titres de séjour en qualité de parente d'un enfant français valables du 20 février 2017 au 21 février 2020 dont elle a sollicité le renouvellement le 9 janvier 2020. Par arrêté du 26 novembre 2020, le préfet de l'Essonne a rejeté la demande de Mme B... de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 22 mars 2021 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article

L. 313-2 soit exigée (...) ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Il ressort des pièces du dossier que le 23 novembre 2016, Mme B... a donné naissance à une fille, prénommée Emliss, qui avait fait l'objet d'une reconnaissance anticipée de paternité, le 21 juin 2016, par M. D... A..., ressortissant français. Pour établir que cette reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter la délivrance d'un titre de séjour à Mme B..., le préfet de l'Essonne relève que les parents de l'enfant Emliss n'ont jamais vécu ensemble, qu'il a sollicité une enquête auprès de la direction départementale de la sécurité publique d'Evry, au cours de laquelle M. A... a reconnu ne pas voir l'enfant et ne pas participer à son entretien, ni à son éducation, que M. A... a reconnu au moins deux autres enfants dont la mère, avec qui il n'a pas vécu, est de nationalité étrangère et à l'entretien et l'éducation desquels il ne participe pas davantage et qu'il a saisi le 30 octobre 2020 le procureur de la République auprès du tribunal judiciaire d'Evry au titre de l'article 40 du code de procédure pénale d'un signalement comme frauduleuse de cette reconnaissance de paternité ainsi que le 5 novembre suivant d'un signalement aux mêmes fins pour la reconnaissance de paternité d'un autre enfant. Toutefois, ces éléments, et notamment les circonstances que Mme B... et M. A... n'auraient pas eu de vie commune et que M. A... ne participerait pas à l'entretien et à l'éducation de sa fille, ne sont pas suffisants pour établir que M. A... ne serait pas le père de l'enfant Emliss, et sont d'ailleurs contredits, sur le second point, par les déclarations de pensions alimentaires faites par la requérante à la caisse d'allocation familiale (CAF), attestant d'une contribution du père à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et par une ordonnance en date du 26 novembre 2020 par laquelle le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance d'Evry-Courcouronnes a homologué la convention sur l'exercice de l'autorité parentale conclue entre les deux parents fixant une autorité parentale conjointe, un droit de visite et d'hébergement au profit du père ainsi que le montant de la contribution financière de ce dernier à 150 euros par mois. Par ailleurs, le préfet de l'Essonne n'établit ni même n'allègue que l'autorité judiciaire aurait donné une suite à ses signalements. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments précis et concordants de nature à établir que ce ressortissant français ne serait pas le père biologique de l'enfant de Mme B..., le préfet de l'Essonne n'établit pas que la reconnaissance de paternité de cette enfant a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention par l'intimée d'un titre de séjour. Dès lors, et alors qu'il n'est pas contesté que Mme B... remplit les autres conditions nécessaires au renouvellement de son titre de séjour, le préfet de l'Essonne a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, ni d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite, est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressée, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

2

N° 21VE00893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00893
Date de la décision : 29/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-29;21ve00893 ?
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