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23/12/2021 | FRANCE | N°20VE03313

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 23 décembre 2021, 20VE03313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... née C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Essonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa dema

nde dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... née C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Essonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2004874 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2020, Mme A... B... née C..., représentée par Me Papi, avocate, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement attaqué ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 du préfet de l'Essonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard en cas d'annulation pour motif de fond et, en cas d'annulation pour motif de forme, de procéder au réexamen de sa situation personnelle dans un délai d'un mois suivant les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de rejet de la demande de titre de séjour :

- est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle est entachée d'une insuffisance de la motivation ;

- l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration est insuffisamment motivé ;

- elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale, dès lors que la décision de refus de séjour est elle-même illégale ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2002-1304 du 29 octobre 2002 autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail ;

- la loi n° 2009-586 du 25 mai 2009 autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Fremont a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... née C..., née le 4 janvier 1942, de nationalité tunisienne, est entrée sur le territoire français le 4 août 2018. Elle a sollicité le 5 décembre 2018 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 juillet 2020, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... née C... relève appel du jugement n° 2004874 du 26 novembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... née C..., âgée de 78 ans à la date de l'arrêté litigieux, est atteinte de diverses pathologies graves liées, d'ordre gériatrique, nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui placent l'intéressée en état de dépendance. En particulier, il résulte d'un rapport circonstancié du 21 octobre 2019 établi par l'AP-HP que l'état de santé de Mme B... née C... est particulièrement fragile aux niveaux somatique, psycho-comportemental et cognitif et que cette fragilité se traduit notamment par de l'hypotension, un déséquilibre du diabète, un syndrome anxio-dépressif et des troubles dans l'orientation. Il ressort également de ce rapport que Mme B... née C... est autonome pour la toilette, se déplace sans aide et utilise une canne pour ses sorties à l'extérieur, mais qu'elle est incapable seule de " gérer ses médicaments, son budget ou d'effectuer ses courses " et qu'elle doit suivre un traitement antidiabétique oral associé à une insuline lente associée à un ARA 2, une statine et un diurétique ainsi que de l'insuline rapide en cas d'hyperglycémie. En outre, il ressort des pièces du dossier que si l'intéressée est entrée récemment en France, le 4 août 2018, à l'âge de 76 ans, elle est venue rejoindre son époux, qui y réside de manière régulière et qui est atteint lui-même d'un cancer, ainsi que ses enfants qui la prennent en charge et qu'au demeurant, le préfet de l'Essonne lui avait accordé le bénéfice du regroupement familial par décision du 20 mai 2020, avant de procéder au retrait de cette décision par arrêté du 22 juillet suivant, en raison de sa présence en situation irrégulière sur le territoire national. Dans ces conditions, eu égard à son état de santé, au caractère indispensable de la présence de ses enfants à ses côtés et à la situation d'isolement dans laquelle se trouve Mme B... née C... en Tunisie, l'appelante est fondée à soutenir que, dans les circonstances de l'espèce, la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'arrêté du 22 juillet 2020 du préfet de l'Essonne doit être annulé dans son ensemble.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... née C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 22 juillet 2020.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, l'exécution du présent arrêt implique la délivrance, au profit de Mme A... B... née C..., d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne de délivrer un tel titre de séjour à la requérante, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme A... B... née C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004874 du 26 novembre 2020 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 22 juillet 2020 du préfet de l'Essonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A... B... née C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Mme A... B... née C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.

No 20VE03313 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03313
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Marc FREMONT
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SEPA DUPAIGNE-PAPI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-23;20ve03313 ?
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