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16/12/2021 | FRANCE | N°20VE01938

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 décembre 2021, 20VE01938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 86 192 euros augmentée des intérêts légaux à compter de la réception de sa demande préalable en réparation des préjudices subis du fait des décisions fautives rejetant ses demandes de cumul d'activité.

Par un jugement n° 1804417 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser la somme de 29 180 euros augmentée des intérêts au taux légal à com

pter du 16 avril 2018 avec capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 17 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 86 192 euros augmentée des intérêts légaux à compter de la réception de sa demande préalable en réparation des préjudices subis du fait des décisions fautives rejetant ses demandes de cumul d'activité.

Par un jugement n° 1804417 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser la somme de 29 180 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2018 avec capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 17 avril 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 4 août et le 10 octobre 2020, M. A..., représenté par Me Steinberg, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation prononcée à l'encontre de l'Etat à 29 180 euros et rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, en réparation de ses préjudices financier et moral et de la perte de chance de trouver un emploi équivalent, la somme de 86 192 euros majorée des intérêts au taux légal capitalisés à chaque échéance annuelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le jugement est irrégulier car la copie qui lui a été notifiée est dépourvue des signatures des magistrats et du greffier ;

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la perte de chance de trouver un poste équivalent à celui qu'il occupait au conservatoire du 2ème arrondissement de Paris ;

- sa demande d'autorisation de cumul n'ayant précisé aucune durée, la période d'indemnisation du préjudice financier subi du fait du refus irrégulier qui lui a été opposé aurait dû s'étendre au-delà de l'année scolaire 2014/2015 ;

- son préjudice financier comprend la différence entre les sommes perçues et celles dont il a été irrégulièrement privé dans le passé, mais aussi celles auxquelles il aurait eu droit s'il était resté dans le conservatoire du 2ème arrondissement de Paris ;

- le préjudice moral subi est démontré du fait de l'atteinte à sa réputation et à son déroulement de carrière, de la privation d'opportunités de travail et de l'état de dépression et d'anxiété dans lequel il s'est trouvé du fait des décisions fautives ;

- son poste au sein de cet établissement ayant été pourvu, il n'a pu le récupérer alors qu'il avait jusqu'alors donné entière satisfaction.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Steinberg pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement devenu définitif du 12 juin 2017, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du 24 juillet 2013 et du 30 janvier 2015 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé d'accorder à M. A..., trompettiste de la musique de la police nationale à temps plein, l'autorisation de cumuler son activité au service de la police nationale avec une activité d'enseignement au sein du conservatoire du 2ème arrondissement de Paris. M. A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à l'indemniser des divers préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'intervention de ces décisions illégales. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 juin 2020 en tant qu'il a limité à 29 180 euros la réparation des préjudices invoqués et rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée au requérant ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu et du greffier est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a cité les textes dont il a fait application et précisé les motifs de droit et de fait retenus pour rejeter la demande de M. A.... Les premiers juges ont ainsi motivé leur jugement de manière à permettre aux parties d'en critiquer le bien-fondé. Il a été répondu au point 5 du jugement au moyen tiré de la perte de chance de retrouver un emploi similaire à celui dont M. A... a été privé au sein du conservatoire du deuxième arrondissement de Paris. Les premiers juges ont indiqué que les circonstances avancées par l'intéressé liées à son âge et à la suspicion née de l'interruption de son enseignement n'étaient pas de nature à démontrer la réalité d'une perte de chance de retrouver un poste. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.

Sur le fond du litige :

4. Aux termes de l'article 25 de la loi visée ci-dessus du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. / (...) La production des œuvres de l'esprit au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle s'exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d'auteur des agents publics et sous réserve des dispositions de l'article 26 de la présente loi (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat dans sa rédaction applicable : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé. " Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : 1° Identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée ; 2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité. "

5. Il résulte de ces dispositions que, si un fonctionnaire peut exercer, concomitamment à ses fonctions principales, une activité accessoire auprès d'une autre personne publique, cette activité est soumise à l'autorisation de l'autorité hiérarchique dont il relève pour l'exercice de ses fonctions principales, qui apprécie, dans l'intérêt du service, l'opportunité de délivrer cette autorisation et éventuellement de la renouveler lorsqu'elle est parvenue à son terme. Cette autorisation, qui ne peut être demandée et délivrée que pour une durée limitée, fait obstacle, en raison de son caractère nécessairement précaire, à ce qu'un fonctionnaire puisse exercer une telle activité accessoire dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

6. Il ressort des termes de la décision en date du 30 janvier 2015 que, si le ministre de l'intérieur a donné à M. A... l'autorisation de cumuler avec ses fonctions au sein de la musique de la police nationale une activité d'enseignement au sein du conservatoire de Saint-Germain-en-Laye pour la durée de l'année scolaire, il a refusé de lui accorder la même autorisation de cumul pour des fonctions au sein du conservatoire du 2ème arrondissement de Paris. Ce refus doit s'entendre implicitement mais nécessairement comme valant pour la même durée d'un an. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que, sa demande d'autorisation de cumul n'ayant précisé aucune durée, la période d'indemnisation du préjudice financier subi du fait du refus irrégulier qui lui a été opposé aurait dû s'étendre au-delà de l'année scolaire 2014/2015.

7. M. A... ne justifie pas des opportunités liées à son enseignement au conservatoire du 2ème arrondissement de Paris dont il aurait été privé, alors qu'au surplus les autorisations de cumul dont il aurait pu éventuellement bénéficier ne pouvaient revêtir, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'un caractère temporaire. Enfin, dès lors que l'impossibilité de poursuivre son enseignement dans cet établissement est la conséquence d'un refus administratif et non de la mise en cause de sa valeur professionnelle, il ne justifie pas d'un préjudice de carrière ou d'image.

8. Il résulte de l'instruction que M. A... a pu, à la suite de l'annulation des décisions illégales de refus de cumul d'activités pour des heures d'enseignement au conservatoire du 2ème arrondissement de Paris, bénéficier d'autorisations pour enseigner en plus du conservatoire de Saint-Germain-en-Laye au conservatoire à rayonnement départemental de Sartrouville. La perte de chance de retrouver un emploi équivalent à celui qu'il occupait au conservatoire du 2ème arrondissement de Paris n'est donc pas démontrée.

9. En revanche, l'impossibilité pour M. A... de poursuivre ses activités d'enseignement dans un établissement où il exerçait depuis plusieurs années en raison d'un refus illégal d'autorisation de cumul opposé par l'administration est de nature à lui avoir occasionné un préjudice moral. Il en sera fait une juste appréciation en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre une indemnité de 4 000 euros tous intérêts compris à la date du présent arrêt.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander que la somme de 29 180 euros que le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser soit portée à 33 180 euros.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 29 180 euros que le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. A... est portée à 33 180 euros. La somme de 29 180 euros afférente au préjudice financier, est assortie du versement des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2018. Les intérêts échus à la date du 17 avril 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1804417 du 5 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 20VE01938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01938
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois - Cumuls d'emplois.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : STEINBERG-COULAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-16;20ve01938 ?
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