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14/12/2021 | FRANCE | N°20VE00641

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 14 décembre 2021, 20VE00641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté, en date du 2 avril 2019, par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer un certificat de rési

dence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " sala...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté, en date du 2 avril 2019, par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié ", ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1905363 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 2 avril 2019, a enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2020, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que sa décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard au caractère récent du mariage de M. C..., à son statut d'étudiant, à l'intensité des attaches privées et familiales de M. C... en France et de la possibilité pour ce dernier de bénéficier, le cas échéant, de la procédure de regroupement familial.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils ;

- et les observations de Me Konter, substituant Me Shebabo, avocate de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 5 janvier 1987 à Souk El Had (Algérie), a sollicité le 11 mars 2019 son changement de statut dans le cadre de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 2 avril 2019, le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. Par la requête susvisée, le préfet du Val-d'Oise fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, notamment, annulé son arrêté du 2 avril 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Pour annuler l'arrêté du 2 avril 2019 et enjoindre au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que l'intéressé justifiant d'une communauté de vie depuis son arrivée en France le 6 mars 2015 avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans et s'étant vu délivrer un certificat de résidence portant la mention " étudiant " valable du 21 mars 2018 au 20 mars 2019, la décision en litige portait au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive et, ainsi, méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, si M. C... justifie effectivement d'une communauté de vie depuis son arrivée en France en 2015, et d'un mariage célébré en juin 2017 soit moins de deux ans avant la décision en litige, avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans, et de la présence en France de l'un de ses frères français et de l'une de ses sœurs en situation régulière sur le territoire, il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où se trouvent sa mère et quatre autres sœurs et où rien ne s'oppose à ce que la vie conjugale se poursuive. En outre, M. C..., qui est entré tardivement en France à l'âge de 28 ans, ne justifie d'aucune intégration personnelle sur le territoire français, en dépit de ses quatre années de présence. En particulier, il a été ajourné aux examens après avoir été inscrit quatre années consécutives en 3ème année de licence de sciences du langage, et ne justifie de l'exercice d'une activité professionnelle qu'à temps partiel et d'une duréede seulement quelques mois à la date de la décision attaquée. Par suite, et eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que le refus d'accorder à l'intéressé un changement de statut sur le fondement de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... pour la première fois en cause d'appel ainsi que l'ensemble des moyens présentés en première instance.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme A... D..., qui bénéficiait, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées, d'une délégation de signature du préfet du Val-d'Oise en vertu d'un arrêté n° 19-008 du 14 mars 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-d'Oise le 15 mars 2019. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

6. En second lieu, l'arrêté en litige vise notamment l'accord franco-algérien et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, ainsi que les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. Il fait état des conditions d'entrée et de séjour en France de M. C..., ainsi que des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale sur lesquels le préfet du Val-d'Oise s'est fondé pour refuser au demandeur le changement de statut qu'il sollicitait. Dans ces conditions, et nonobstant le fait qu'elle mentionne la possibilité de demander un regroupement familial alors qu'une telle demande aurait été déposée en vain, la décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et qui sont propres au requérant. Dès lors, elle est suffisamment motivée. Cette motivation établit en outre que l'autorité préfectorale a procédé à un examen particulier de la situation de M. C.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu, nonobstant le refus dont a fait l'objet la demande de regroupement familial déposé par l'épouse de M. C... alors qu'il séjournait déjà sur le territoire français, le préfet était fondé à opposer à l'intéressé la circonstance selon laquelle il entrait dans les catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial. En outre, pour refuser le changement de statut sollicité par le demandeur, le préfet du Val-d'Oise s'est également fondé notamment sur le fait que celui-ci n'est pas démuni d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et la majeure partie de sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. En retenant ces faits, qui au demeurant et ainsi qu'il a été dit au point 3 sont établis par les pièces du dossier, le préfet du Val-d'Oise n'a pas davantage commis d'erreur de droit au regard des fondements de la demande présentée par M. C....

8. En deuxième lieu, M. C... ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de sa demande d'admission au séjour, lesquelles sont inapplicables aux ressortissants algériens. Il ne peut ainsi soutenir que le préfet du Val-d'Oise aurait entaché sa décision d'erreur de droit en n'examinant pas sa demande sur les différents fondements au titre desquels il soutient, sans toutefois l'établir, l'avoir déposée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés en tant qu'ils sont inopérants.

9. Enfin, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, et dès que toutes les autres circonstances dont l'intéressé se prévaut sont postérieures à la décision en litige, en particulier la naissance de l'enfant du couple le 3 février 2020, le refus d'accorder à M. C... un changement de son statut d'étudiant, en lui accordant un certificat de résidence d'un an, ne méconnait pas les stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2019 doit être rejetée. Il en va de même, par voie de conséquence, de l'ensemble de ses conclusions présentées à titre accessoire, y compris les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1905363 du 7 février 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

4

N° 20VE00641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00641
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-02 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité interne. - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELAS SHEBAVOK

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-14;20ve00641 ?
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