La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2021 | FRANCE | N°19VE04104

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 07 décembre 2021, 19VE04104


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Prescom a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche d'un montant de 366 938 euros dont elle s'estime titulaire au titre de l'année 2016, assorti des intérêts moratoires.

Par un jugement nos 1708477, 1805943 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Versailles a accordé à la SASU Prescom le remboursement du montant du crédit d'impôt recherche afférent aux dépen

ses de personnel du projet de recherche n° 4, à l'exception de celles concernant MM...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Prescom a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche d'un montant de 366 938 euros dont elle s'estime titulaire au titre de l'année 2016, assorti des intérêts moratoires.

Par un jugement nos 1708477, 1805943 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Versailles a accordé à la SASU Prescom le remboursement du montant du crédit d'impôt recherche afférent aux dépenses de personnel du projet de recherche n° 4, à l'exception de celles concernant MM. C..., E..., A..., D..., B..., F... et G..., et rejeté le surplus de sa demande et de sa réclamation soumise d'office.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 décembre 2019, 15 septembre 2020 et 18 décembre 2020, la SASU Prescom, représentée par Me Mehinagic, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer le remboursement du crédit d'impôt demandé, de 366 938 euros, assorti des intérêts légaux à compter du 29 septembre 2017 ;

3° à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert missionné par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a validée l'éligibilité de ses travaux et dépenses au crédit d'impôt recherche ; c'est à tort que le tribunal a considéré que MM C..., E..., A..., D..., B..., F... et G... n'étaient pas qualifiés, alors qu'ils sont chercheurs ou techniciens de recherches ; leur participation à ces travaux de recherche est établie par le relevé horaire de leur activité ;

- les dépenses de normalisation sont justifiées par la production des comptes rendus de réunions.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Prescom, qui exerce une activité de développement de solutions d'interconnexion des systèmes de télécommunications, a souscrit au titre de l'année 2016 une déclaration de crédit d'impôt recherche pour un montant de 651 705 euros, dont elle a imputé la somme de 284 767 euros sur sa cotisation d'impôt sur les sociétés et demandé le remboursement du surplus, soit la somme de 366 938 euros. Suite au rejet de sa demande par une décision du 29 septembre 2017, elle a saisi le tribunal administratif de Versailles, qui a joint cette instance à la réclamation soumise d'office par l'administration fiscale et fait droit à sa demande, par un jugement du 15 octobre 2019, en ce qui concerne le projet n° 4, à l'exception des dépenses de personnel afférentes à MM. C..., E..., A..., D..., B..., F... et G.... La SASU Prescom relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande concernant ces dépenses et des frais de participation à des réunions de normalisation.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

2. En exécution du jugement, l'administration fiscale, qui n'a pas formé d'appel incident, a prononcé le remboursement de la somme de 272 041 euros correspondant aux dépenses dont l'éligibilité au crédit d'impôt recherche a été admise par le tribunal. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, irrecevables. Le quantum du litige s'établit pas conséquent à la somme de 94 897 euros.

Sur le bien-fondé de la demande de restitution du crédit d'impôt recherche restant en litige :

En ce qui concerne les dépenses de personnel affecté à des opérations de recherche :

3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II.- Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) / VI. - Un décret fixe les conditions d'application du présent article ". L'article 49 septies F de l'annexe III à ce code dispose : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale (...) ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée (...) ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental (...) ". Aux termes de l'article 49 septies G de la même annexe : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental (...) ".

4. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations. S'il se prononce au vu des éléments avancés par l'une et l'autre partie, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.

5. Il résulte de l'instruction, notamment du relevé horaire de temps passé par ses salariés produit par la SASU Prescom en appel, qu'au cours de l'année 2016, M. F..., ingénieur occupant la fonction de directeur industriel, a participé à divers projets dont les tâches codifiées par la société Prescom 183 " étude technique pour adapter le produit M5ST ", 211 " étude technique pour l'ouverture des fonctions d'interconnexion au contexte technique RATP Graal ", 213 " étude technique pour l'ouverture des fonctions d'interconnexion au contexte technique Dubaï " et ET13-19 " étude de l'architecture STIB ", qui pourraient entrer dans le champ des recherches éligibles au crédit d'impôt. Toutefois, il ressort de la codification des activités établie par la société requérante que le temps passé par M. F... sur ces tâches a été essentiellement consacré à une activité de gestion de projet (GP) qui ne permet pas de le regarder comme ayant été affecté directement et exclusivement aux opérations de recherche. De même, M. G..., ingénieur et directeur commercial, n'a consacré que 36 heures à la tâche 213 réputée éligible par la société requérante, sur une activité de gestion de projet dont il n'est pas établi qu'elle le fasse participer directement et exclusivement aux opérations de recherche.

6. S'agissant de M. E..., aucun des codes tâches mentionnés sur son relevé de temps passé ne correspond aux tâches entrant dans le champ du crédit d'impôt recherche selon la nomenclature établie par la SASU Prescom elle-même.

7. MM D... et B..., ingénieurs, ont, selon le même relevé, participé aux tâches ET13-19 " étude de l'architecture STIB " pour le premier, 211 " étude technique pour l'ouverture des fonctions d'interconnexion au contexte technique RATP Graal " et ET14-04 " étude technique du vocabulaire permettant de gérer les réseaux DMR ", pour le second. Cependant, à défaut de production d'aucune autre pièce sur la consistance de leurs activités codifiées DOC documentation, GP gestion de projet et VD validation, leur participation aux opérations de recherche ne peut être regardée comme établie.

8. Il résulte également de l'instruction que MM C... et A..., agents techniques titulaires d'un BTS, ont participé, pour ce qui est de M. C..., à des activités de validation (VD) des tâches codifiées 213 " étude technique pour l'ouverture des fonctions d'interconnexion au contexte technique Dubaï ", ET15-02 " étude technique pour enrichir le vocabulaire avec le protocole Phoenix " et ET16-04 "étude technique permettant de gérer plusieurs réseaux Tetrapol simultanément ", entrant dans le champ du programme reconnu éligible au crédit d'impôt, et pour ce qui est de M. A..., à raison d'une seule heure de validation de l'activité 213, aucune autre des activités codifiées 210, 212 et 500 auxquelles il a consacré son temps de travail ne figurant dans la nomenclature des activités éligibles. Toutefois, il n'est pas établi que le soutien de ces techniciens était nécessaire aux travaux de recherche ou de développement en cause. Dans ces conditions, l'éligibilité au crédit impôt recherche de ces dépenses de personnel ne peut davantage être regardée comme établie.

En ce qui concerne les dépenses de participation à des réunions de normalisation :

9. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " II.- Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) g) Les dépenses de normalisation afférentes aux produits de l'entreprise, définies comme suit, pour la moitié de leur montant : / 1° Les salaires et charges sociales afférents aux périodes pendant lesquelles les salariés participent aux réunions officielles de normalisation ; (...) ".

10. Il résulte de l'instruction, notamment des comptes rendus produits en appel, que des salariés de la SASU Prescom ont participé à des réunions du groupe de travail GT399 organisées par Infocert, organisme de certification spécialiste de la certification des logiciels qui assure le secrétariat technique de l'Agence française de normalisation (AFNOR Certification), pour l'élaboration des exigences de certification de la norme NF399 relative à l'interopérabilité des services d'urgence. Les réunions en cause doivent dès lors être regardées comme des réunions officielles de normalisation au sens du 1° de l'article 244 quater B du code général des impôts. Il est établi que M. F... a assisté à six réunions du groupe de travail GT399 placé sous l'égide de l'organisme de normalisation Infocert, et que M. E... a assisté à l'une de ces séances. Les salaires et charges sociales supportées par la SASU Prescom sont par suite éligibles au crédit d'impôt recherche à concurrence du temps passé par ses salariés à ces travaux.

Sur les intérêts :

11. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'État est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...) les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. (...) ".

12. La SASU Prescom sollicite en appel le versement d'intérêts légaux. Elle a droit aux intérêts moratoires. Toutefois, en l'absence de litige né et actuel opposant la SASU Prescom au comptable concernant le versement de ces intérêts, les conclusions tendant au versement par l'administration de ces intérêts doivent en tout état de cause être rejetées.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de désigner un expert, que la SASU Prescom est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de restitution du crédit d'impôt relatif à ses dépenses de personnel du fait de la participation de ses salariés à des réunions officielles de normalisation. Sa requête doit, pour le surplus, être rejetée. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé à la SASU Prescom la restitution du crédit d'impôt recherche au titre des dépenses de salaires et charges sociales afférentes aux sept réunions de normalisation du GT399 auxquelles M. F... ou M. E... ont participé.

Article 2 : Le jugement nos 1708477, 1805943 du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de la SASU Prescom est rejeté.

N° 19VE04104 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE04104
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : MEHINAGIC

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-07;19ve04104 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award