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02/12/2021 | FRANCE | N°21VE00401

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 02 décembre 2021, 21VE00401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2006856 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2021, M. B..., représenté par Me Jove-Dejaiff

e, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° d'enjoind...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2006856 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2021, M. B..., représenté par Me Jove-Dejaiffe, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- l'arrêté attaqué n'a pas été signé par une autorité compétente ;

- contrairement à ce qu'a énoncé la directions régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) dans son avis, il était titulaire d'un carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " sur le fondement de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son activité professionnelle n'était pas limitée comme dans le cas d'un titre de séjour portant la mention étudiant ;

- la DIRECCTE a également commis une erreur de fait quant au montant de son salaire brut qui est supérieur au seuil requis ;

- sa vie familiale n'a pas été sérieusement prise en compte alors que l'arrêté litigieux méconnaît les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est signée par une autorité incompétente ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ;

- la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution forcée de l'obligation de quitter le territoire est signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à une évaluation complète des risques encourus en cas de retour dans son pays ;

- il n'a pu formuler d'observations écrites ou orales avant l'intervention de cette décision en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- les observations de Me Langagne, substituant Me Jove-Dejaiffe, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant comorien, fait appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 8 octobre 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, Mme A... C..., sous-préfète de Rambouillet, a reçu, par un arrêté du préfet des Yvelines du 7 août 2020 régulièrement publié au recueil n° 078 spécial des actes administratifs de cette préfecture, délégation pour signer les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du refus de titre de séjour litigieux doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l'étranger qui justifie : 1° Soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire (...) portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-18 ou L. 313-27 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret ; (...) II.- La carte de séjour temporaire prévue au I est délivrée à l'étranger qui justifie d'une assurance maladie et qui : 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de la carte de séjour temporaire mentionnée au premier alinéa du I, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation ou ses recherches, assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné. A l'issue de cette période de douze mois, l'intéressé pourvu d'un emploi ou d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées au premier alinéa du présent 1° est autorisé à séjourner en France au titre (...) de la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi ; (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". [...] La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi, à l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master [...], souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule. Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ; (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-21 du même code : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de : (... ) 2° L'étranger, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " délivrée en application de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui présente un contrat de travail en relation avec sa formation ou ses recherches et assorti d'une rémunération supérieure à un montant fixé par décret ; (...) ". L'article D. 5221-21-1 de ce code dispose : " Le seuil de rémunération mentionné aux 2° et 3° de l'article R. 5221-21 (...) est fixé à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle. ".

5. D'une part, il ne ressort pas des termes de l'avis rendu par la DIRECCTE au sujet de la demande de titre de séjour portant la mention salarié sollicitée par M. B... sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejetée par l'arrêté contesté du 8 octobre 2020, que l'autorité signataire de cet avis se soit fondée sur la circonstance que la détention d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ne l'aurait pas autorisé à travailler à temps plein. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur de fait ou de droit sur ce point doit être écarté.

6. D'autre part, les dispositions précitées de l'article D. 5221-21-1 du code du travail, alors qu'il bénéficiait d'un titre de séjour délivré en application de l'article L. 313-8 de ce code valable jusqu'au 25 septembre 2020, imposaient à M. B... de produire un contrat de travail assorti d'une rémunération mensuelle fixée au minimum à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle pour obtenir le titre de séjour portant la mention salarié sollicité sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail produit par M. B... signé par l'association YAM fait état d'une rémunération mensuelle brute de 1 915,85 euros soit moins d'une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'avis de la DIRECCTE et la décision litigieuse seraient entachés d'une erreur de fait au motif qu'ils ont relevé qu'il ne remplissait pas la condition de seuil de rémunération minimale exigée par l'article D. 5221-21-1 précité du code du travail.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était, à la date de la décision attaquée, marié depuis deux ans à une compatriote titulaire d'un titre de séjour valable dix ans et que le couple était sans enfant. Il n'est pas établi que l'état de santé de son épouse nécessiterait sa présence constante à ses côtés. Et si l'intéressé justifie également que son père possède la nationalité française, il n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'en 2017. Par suite, eu égard à l'ensemble des pièces du dossier et à la circonstance que le requérant peut engager une procédure de regroupement familial, le préfet des Yvelines ne peut être regardé comme ayant porté, par l'arrêté attaqué, une atteinte disproportionnée à la vie familiale de M. B... en méconnaissance des stipulations et dispositions précitées.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, Mme C..., sous-préfète de Rambouillet disposait d'une délégation pour signer les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire de l'obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été jugé ci-dessus que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'annulation du refus de titre litigieux priverait de base légale l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

11. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français méconnaitrait son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, Mme C..., sous-préfet de Rambouillet avait reçu délégation pour signer la décision fixant le pays à destination duquel M. B... pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français.

13. En second lieu, la motivation de cette décision, qui précise que M. B... n'établit pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, permet à l'intéressé d'en comprendre les fondements en droit et en fait et d'en exercer une critique utile. Elle est ainsi conforme aux exigences de motivation fixées par le code des relations entre le public et l'administration.

14. Enfin, M. B... soutient que les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ont été méconnues par le préfet qui ne l'a pas mis en mesure de présenter des observations avant de prendre la décision litigieuse. Toutefois, les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déterminent l'ensemble des règles de procédures administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions portant obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions qui l'accompagnent, telle la décision fixant le pays de destination. Par suite, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 devenu l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision litigieuse. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté. Au demeurant, M. B... ne conteste pas avoir été en mesure de faire valoir toutes observations utiles lors de l'instruction du dossier dont il a lui-même saisi le préfet des Yvelines.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

2

N° 21VE00401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00401
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SELARL JOVE-LANGAGNE-BOISSAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-02;21ve00401 ?
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