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29/10/2021 | FRANCE | N°19VE01102

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 29 octobre 2021, 19VE01102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le maire de la commune de Saulx-les-Chartreux a mis fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services à compter d'avril 2017 et de mettre à la charge de la commune de Saulx-les-Chartreux une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702145 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Versai

lles a rejeté sa demande ainsi que le surplus des conclusions présentées par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le maire de la commune de Saulx-les-Chartreux a mis fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services à compter d'avril 2017 et de mettre à la charge de la commune de Saulx-les-Chartreux une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702145 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ainsi que le surplus des conclusions présentées par la commune.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2019, régularisée le 8 avril 2019, M. D..., représenté par Me Saidi, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saulx-les-Chartreux une somme de 3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges n'ont pas suffisamment répondu au moyen tiré du détournement de pouvoir, en violation de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

S'agissant de la légalité de l'arrêté du maire du 26 janvier 2017 :

- l'arrêté méconnaît les droits de la défense en tant qu'il " n'a pas été mis dans des conditions lui permettant de préparer sa défense en temps utile ", qu'il ressort des termes mêmes du courrier du 19 décembre 2016 le convoquant à l'entretien que la décision de mettre fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel avait déjà été prise à cette date et, qu'il n'a pu prendre connaissance de ce courrier de convocation que le soir du lundi 2 janvier 2017, et qu'ainsi il n'a pu consulter que le jeudi 5 janvier 2017 son dossier administratif, d'où étaient absents les échanges de mails relatifs à la perte de confiance, lesquels ne lui ont été communiqués que le vendredi 6 janvier 2017, ce qui implique qu'il n'a pas eu le temps nécessaire pour se préparer à l'entretien du lundi 9 janvier après-midi ;

- la décision litigieuse fondée sur la perte de confiance, est mal-fondée et entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle entachée d'inexactitude matérielle des faits invoqués relatifs à la perte de confiance ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de M. D..., ainsi que celles de Me Sautereau, pour la commune de Saulx-les-Chartreux.

Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 15 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., attaché territorial, a bénéficié d'un détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services (DGS) de la commune de Saulx-les-Chartreux à compter du 1er octobre 2010, renouvelé en dernier lieu pour une durée de deux ans le 8 septembre 2016. Par un arrêté du 26 janvier 2017, le maire de la commune de Saulx-les-Chartreux a mis fin à son détachement sur cet emploi fonctionnel à compter du 1er avril 2017. Il relève appel du jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande en annulation de cet arrêté du 26 janvier 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. En unique lieu, selon l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. M. D... soutient que les premiers juges n'auraient pas suffisamment répondu au moyen tiré du détournement de pouvoir. Il ressort toutefois de l'examen du jugement attaqué, que les premiers juges ont écarté ce moyen par des motifs exposés au point 7., lequel faisait de plus référence aux éléments de raisonnement exposés aux points 2. à 6., qui concernaient tant la légalité interne que la légalité externe de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, le moyen susanalysé manque en fait et doit être écarté.

Sur les conclusions en annulation de l'arrêté :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

4. En premier lieu, selon l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel (...) / - de directeur général des services, de directeur général adjoint des services des communes de plus de 2 000 habitants (...) Il ne peut être mis fin aux fonctions des agents occupant les emplois mentionnés ci-dessus (...) qu'après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l'emploi, soit la désignation de l'autorité territoriale. La fin des fonctions de ces agents est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ; elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante. ". Ces dispositions régissent entièrement la procédure que doit suivre l'autorité territoriale lorsqu'elle entend mettre fin au détachement d'un agent sur un des emplois fonctionnels qu'elles mentionnent. Si ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne précisent les conditions dans lesquelles doit avoir lieu l'entretien qui doit être accordé à un fonctionnaire détaché pour occuper un emploi fonctionnel d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public en dépendant avant qu'il puisse être mis fin à son détachement et si aucune disposition ne fixe, notamment, les formes et délais de la convocation de l'intéressé à cet entretien, il incombe, en principe, à l'autorité compétente de cette collectivité ou de cet établissement, dans le cas où la mesure est prise en considération de la personne, de veiller à ce qu'il n'existe aucun risque d'ambiguïté quant à l'objet de l'entretien auquel est convoqué l'intéressé, afin notamment de mettre ce dernier à même de prendre communication de son dossier.

5. M. D... reprend en appel, à l'identique, le moyen déjà soulevé en première instance et tiré de la méconnaissance des droits de la défense en tant " qu'il n'a pas été mis dans des conditions lui permettant de préparer sa défense en temps utile ". Il fait tout d'abord valoir qu'il ressort des termes du courrier du 19 décembre 2016 portant convocation à l'entretien, que la décision de mettre fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de DGS, aurait déjà été prise à cette date. Un tel constat ne ressort pas, toutefois, de l'examen de ce courrier daté du 19 décembre 2016, qui se borne à mentionner que le maire " envisage de mettre fin, de manière anticipée, à votre détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services ... conformément à l'article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ... je vous recevrai en mairie pour un entretien le lundi 9 janvier 2017 à 15h. / vous avez le droit de prendre connaissance de ... votre dossier administratif ... ". Le requérant fait ensuite valoir qu'il n'a pris connaissance de sa convocation à l'entretien que le soir du lundi 2 janvier 2017 et qu'il n'a pu consulter que le jeudi 5 janvier 2017 son dossier administratif, d'où étaient absents les échanges de mails attestant de la perte de confiance fondant la décision litigieuse, qui lui ont été communiqués le vendredi 6 janvier 2017, et qu'il n'a pas eu le temps nécessaire pour se préparer à l'entretien du lundi 9 janvier après-midi. Il est toutefois constant que l'intéressé, qui confirme avoir réceptionné ledit courrier le lundi 2 janvier 2017, soit une semaine avant l'entretien, avait la faculté, le jour même, de demander à accéder à son dossier individuel ainsi d'ailleurs que la possibilité de demander à ce que cet entretien soit retardé de quelques jours, ce qu'il n'a pas fait. En tout état de cause, si M. D... fait valoir " qu'il était su en mairie qu'il passerait ses congés de Noël en province soit du 19 décembre 2016 au 1er janvier 2017 ", il n'établit pas ses allégations.

6. En second lieu, selon l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. ".

7. M. D... fait valoir que son dossier individuel était " vide de tout élément utile à l'entretien, éléments sciemment conservés par le Maire par devers lui ". Dans le cadre de la procédure en litige, qui ne revêt pas un caractère disciplinaire, si le requérant soutient ne pas avoir trouvé dans son dossier les pièces comprenant les griefs qui lui ont été reprochés dans l'arrêté litigieux portant fin anticipée à son détachement sur un emploi fonctionnel, il ne ressort pas des pièces du dossier, toutefois, ni même n'est allégué, que ce dossier n'aurait pas contenu toutes les pièces intéressant sa situation administrative, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité, conformément à l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983, précité. Ainsi le moyen susanalysé, tiré du vice de procédure articulé en tant que les mails attestant de la perte de confiance ne se trouvaient pas dans le dossier individuel de M. D..., doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

8. Il peut être mis fin au détachement des agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 53 précité de la loi du 26 janvier 1984, de façon anticipée, pour des motifs tirés de l'intérêt du service comme la perte de confiance. Eu égard à l'importance du rôle des titulaires de ces emplois et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent, le fait pour le directeur général des services d'une commune de ne plus de bénéficier de la confiance de l'autorité territoriale, peut légalement justifier qu'il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions. Si la perte de confiance est invoquée, le juge vérifie l'existence dans le dossier de l'agent d'éléments factuels permettant d'accréditer cette perte de confiance.

9. M. D... reprend en appel, à l'identique, les moyens déjà soulevés en première instance et tirés de ce que la décision litigieuse, fondée sur la perte de confiance, est mal-fondée et entachée d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir. En appel, M. D... produit plusieurs pièces nouvelles, à savoir les cotes de son dossier administratif, un compte-rendu du conseil municipal du 24 janvier 2017 émanant du groupe d'opposition, un organigramme daté d'octobre 2016 surchargé de sa main ainsi que des échanges de mails de l'année 2016 avec plusieurs personnes travaillant à la mairie. Toutefois ces pièces et ces éléments ne sont pas susceptibles de remettre en cause l'appréciation motivée qui a été portée par les premiers juges. Ceux-ci ont estimé, notamment, que M. D... a tardé à mettre en œuvre ou à rendre compte de l'état ou du retard d'avancement voire de l'inexécution, suivant les cas, de plusieurs missions par les services placés sous sa direction, s'est fait remarquer par ses absences répétées doublées d'un retard voire d'un défaut de justification et, a usé d'une liberté de ton dans ses échanges écrits avec des élus, prenant de haut ses interlocuteurs, qui a été regardée comme inadaptée et incorrecte. Le 3 novembre 2016 notamment, il ne s'est pas rendu à un rendez-vous avec Mme B..., la troisième adjointe au maire, ne s'en est pas excusé auprès d'elle mais lui a au contraire adressé un message précisant " pas de problème ". A compter du 29 novembre 2016, il ne s'est plus rendu aux réunions du bureau municipal alors même que cette tâche figurait sur sa fiche de poste. De même, M. D... a refusé de recevoir deux agents de catégorie C afin de leur présenter leur fiche de poste, alors que cette demande, faite le 21 octobre 2016, émanait de la première adjointe au maire qui lui avait confié cette tâche en raison du départ de la directrice des ressources humaines, Mme A..., et parce qu'elle était au nombre des attributions du DGS. M. D... a travaillé sur le dossier de demande de subventions pour la sécurisation des écoles sans respecter le planning défini par les élus, n'a pas étudié en temps utile la possibilité de louer un appartement communal à une personne privée, opération qui de ce fait, n'a pas pu être réalisée. Il en va de même du retard concernant des travaux qui devaient être effectués au bénéfice de la police municipale, décidés début août 2016, toujours pas réalisés au 15 octobre 2016 sans que M. D... ait rendu compte de ce retard aux élus, ce qui a eu pour conséquence dommageable la constatation de la non-conformité des locaux de stockage des armes de la police municipale et par suite, la perte de l'armement des agents contrairement à la volonté du maire. Ces faits, dont la matérialité est avérée au vu des pièces produites, et non sérieusement contestée, ont placé l'intéressé dans une situation ne lui permettant plus de disposer de la confiance de l'autorité territoriale, nécessaire au bon accomplissement de ses missions de directeur général des services, nonobstant ses évaluations antérieures et la circonstance que, avant l'engagement de la procédure en litige, comme pendant son déroulement puis jusqu'à la fin effective des fonctions, le maire lui aurait encore confié quelques missions importantes. Par conséquent, les moyens susanalysés, tirés de l'inexactitude matérielle des faits, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré du détournement de pouvoir.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. D..., partie perdante, à verser à la commune de Saulx-les-Chartreux une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la commune de Saulx-les-Chartreux une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Saulx-les-Chartreux est rejeté.

5

N° 19VE01102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01102
Date de la décision : 29/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-13-01 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-29;19ve01102 ?
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