Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Scor SE a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source mises à sa charge d'un montant de 24 907 728 euros au titre de l'exercice clos en 2007, et de 5 397 421 euros au titre de l'exercice clos en 2008, ainsi que des intérêts et majorations correspondants pour des montants respectifs de 6 077 484 euros et 1 209 022 euros.
Par un jugement n° 1703820 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil lui a accordé le remboursement de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2007 ainsi que des intérêts et majorations correspondants (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 août 2019, le 3 février 2021 et le 13 septembre 2021, la société Scor SE, représenté par Me Schneider, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler l'article 3 du jugement attaqué ;
2° de prononcer le remboursement de la retenue à la source d'un montant de 5 397 421 euros au titre de la contribution versée à sa filiale, la société SHS, au cours de l'exercice clos en 2008, ainsi que des intérêts et majorations y afférents pour un montant de 1 209 022 euros ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- elle n'a pas commis d'acte anormal de gestion, dès lors que l'indemnisation par elle des parties non recevables à la class action était nécessaire pour protéger sa réputation, améliorer sa notation financière et ainsi sauvegarder ses capacités de crédit ;
- la qualification d'avantage occulte au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts ne peut être retenue dès lors que le libellé comptable sous lequel cette subvention a été enregistrée permet d'identifier son objet et le nom du bénéficiaire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me Vaguzan substituant Me Schneider, pour la société Scor SE.
Une note en délibéré, enregistrée le 22 septembre 2021, a été présentée pour la société Scor SE.
Considérant ce qui suit :
1. La société Scor SE, qui exerce une activité de réassurance, a fait l'objet en 2010 et 2011 d'une vérification de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008. A cette occasion, le service vérificateur a constaté, d'une part, que la société avait déduit de ses résultats imposables, au titre de l'exercice clos en 2007, un abandon de créance d'un montant de 74 723 184 euros consenti à sa filiale bermudienne, la société Commercial Risk Limited (CRP) et, d'autre part, au titre de l'exercice clos en 2008, une subvention d'un montant de 30 585 390 euros versée à sa filiale suisse, la société Scor Holding Switzerland AG (SHS). L'administration a estimé que ces aides n'étaient pas déductibles au motif qu'elles constituaient des actes anormaux de gestion. Ces aides ont ainsi été considérées comme des revenus distribués au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts, et, par suite, soumises à la retenue à la source prévue par le 2. de l'article 119 bis du code général des impôts. La société requérante a contesté ces rappels de retenue à la source devant le tribunal administratif de Montreuil. Par le jugement n° 1703820 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à cette demande en prononçant la décharge de la retenue à la source liée à l'abandon de créance réalisé au profit de la société CRP au titre de l'exercice clos en 2007. Il a, en revanche, rejeté la demande tendant à obtenir le dégrèvement de la retenue à la source liée au versement réalisé au profit de la société SHS au titre de l'exercice clos en 2008. La société Scor SE fait appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande concernant la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2008.
Sur l'existence d'un acte anormal de gestion :
2. La société Scor SE a enregistré dans son bilan comptable une charge d'un montant de 30 585 390 euros au titre de l'exercice clos en 2008. Ce montant a été versé à sa filiale la société SHS, précédemment dénommée Convernium, qu'elle a acquise le 30 août 2007. Il résulte de l'instruction qu'en 2004, des actionnaires de la société Convernium avaient engagé à l'encontre de celle-ci une action judiciaire, se plaignant de ce que la société les avait induits en erreur sur le cours des actions en donnant sciemment des informations erronées sur l'état de ses provisions. Par ordonnances des 6 et 19 mars 2008 prises après enquête de la Securities and Exchange Commission (Commission américaine des affaires en bourse, SEC), le tribunal de New-York a jugé recevables les demandes formulées par les actionnaires résidents américains, mais non recevables les demandes formulées par les actionnaires non américains. Le 6 mai 2008, un protocole d'accord a été conclu entre la société SHS et l'ensemble des plaignants aux termes duquel les parties s'engagent à mettre un terme définitif à leur action contre le paiement, par la société SHS, d'un montant total de 115 millions USD (75 millions USD pour les actionnaires résidents américains et 40 millions USD pour les non-résidents américains ayant acquis leurs actions Converium sur le SIX Swiss Exchange). Conformément à ce protocole, la société SHS a conclu avec les actionnaires résidents américains, parties recevables à la class action, un accord transactionnel le 25 juillet 2008. Le 30 juin 2008, la société Scor SE a conclu un accord transactionnel avec la société SHS aux termes duquel elle accepte de lui verser une somme de 30 585 390 euros correspondant à l'indemnisation des actionnaires non-résidents américains, parties non recevables à la class action.
3. Il est constant qu'aucune procédure judiciaire n'a été engagée à l'encontre de la société Scor SE, qui n'était pas légalement redevable de l'indemnisation des anciens actionnaires de la société Convernium. La société requérante soutient toutefois qu'elle avait intérêt à prendre en charge cette indemnisation afin de sauvegarder sa réputation, cet enjeu de réputation étant particulièrement important dès lors qu'elle traversait de graves difficultés financières depuis 2001, qu'elle devait relever sa notation financière qui avait été fortement dégradée et que l'atteinte à sa réputation qu'aurait pu lui porter l'affaire Convernium aurait nui à son accès au crédit. Elle affirme également qu'elle a dû prendre en charge cette indemnisation en raison de la divergence d'intérêts existant entre elle et sa filiale SHS, et que cette dernière n'avait aucun intérêt à régler l'indemnité litigieuse en l'absence d'aucune chance, pour les parties non recevables, de gagner leur class action.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que les faits ayant abouti à l'ouverture d'une enquête de la SEC étaient antérieurs de trois ans à l'acquisition de la société Convernium par la société Scor SE. Les dirigeants de la société Convernium les ayant commis avaient quitté cette société avant son rachat et n'avaient aucun lien avec la société Scor SE. Le simple fait que la société Convernium ait été renommée Scor Holding Switzerland AG ne suffit pas à entretenir une confusion, dans un secteur marqué par de nombreuses restructurations. D'ailleurs, la société Scor SE n'a produit aucun article ou communiqué de presse mettant en doute son intégrité. En outre, le montant relativement modeste des indemnisations n'était pas de nature à influencer sérieusement la notation financière de la société Scor SE. Ainsi, il n'est pas établi que la réputation de la société Scor SE aurait été sérieusement remise en cause par la poursuite des procédures dirigées contre la société SHS. Par suite, est sans incidence la circonstance, à la supposer établie, que la société SHS n'avait pas d'intérêt à régler l'indemnité litigieuse en l'absence de chance pour les actionnaires non-résidents américains de gagner leur recours.
5. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas contredit par la société requérante que la société SHS n'avait pas les moyens financiers de mettre fin à ce litige, dont le fait générateur est antérieur à l'acquisition de la société, sans qu'il y ait besoin que la société Scor SE se substitue à sa filiale. La société Scor SE ne peut sérieusement prétendre qu'il existait une divergence d'intérêts entre elle et sa filiale l'ayant obligé à une telle substitution alors qu'il résulte de l'instruction qu'elle détenait plus de 98 % des parts de la société Convernium au moment de son rachat, le 30 août 2007, puis 100 % des parts à compter du 20 mai 2008. En outre, à compter du 30 août 2007, suite à la nomination d'un nouveau conseil d'administration, le président-directeur-général de la société Scor SE est devenu le dirigeant de la société SHS.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la société Scor SE aurait poursuivi son intérêt propre en prenant en charge l'indemnisation des actionnaires non-résidents américains, qui incombait à la société SHS. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'acte anormal de gestion doit être écarté.
Sur l'avantage occulte :
7. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Un avantage octroyé à un tiers par une personne morale assujettie à l'impôt sur les sociétés doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.
8. Il résulte de l'instruction que la somme litigieuse a été enregistrée au compte 91100112 sous le libellé " contrib class action Switz " qui est un compte de charges en nature, alors qu'elle aurait dû être enregistrée dans un compte de classe 67, qui concerne les charges exceptionnelles. Ce libellé et cet enregistrement comptable ne permettent pas d'identifier une subvention accordée à la filiale SHS et ne révèlent pas la libéralité en cause. Par suite, la société Scor SE n'est pas fondée à contester le caractère occulte de l'avantage accordé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Scor SE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, la société Scor SE ne justifiant pas, au surplus, avoir, au cours de l'instance, exposé des dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Scor SE est rejetée.
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N° 19VE03051