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30/09/2021 | FRANCE | N°19VE01400

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 septembre 2021, 19VE01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... C... et M. F... A... C..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fils B... A... C..., et G... E... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à verser la somme de 35 000 euros à chacun des parents de M. B... A... C..., la somme de 75 000 euros à M. B... A... C..., ainsi que la somme de 10 000 euros à Mme E... A... C..., majorées des intérêts légaux à compter du 1er octobre 2014, en réparation des préjudices mo

raux résultant de la carence de l'Etat dans la prise en charge de M. B... A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... C... et M. F... A... C..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fils B... A... C..., et G... E... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à verser la somme de 35 000 euros à chacun des parents de M. B... A... C..., la somme de 75 000 euros à M. B... A... C..., ainsi que la somme de 10 000 euros à Mme E... A... C..., majorées des intérêts légaux à compter du 1er octobre 2014, en réparation des préjudices moraux résultant de la carence de l'Etat dans la prise en charge de M. B... A... C..., atteint d'un syndrome autistique, de condamner l'Etat à verser à Mme et M. A... C... la somme de 2 210 euros en réparation du préjudice financier résultant de la prise en charge des frais de diagnostic du syndrome autistique décelé chez leur enfant et des frais de formation qu'ils ont dû assumer à raison de la carence de l'Etat et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Par un jugement n° 1601067 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2019, Mme D... A... C..., M. F... A... C..., M. B... A... C... et Mme E... A... C..., représentés par Me Febrinon-Piguet, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à verser la somme de 35 000 euros à chacun des parents de M. B... A... C..., la somme de 75 000 euros à M. B... A... C..., ainsi que la somme de 10 000 euros à Mme E... A... C..., majorées des intérêts légaux à compter du 1er octobre 2014, en réparation des préjudices moraux que chacun d'entre eux estime avoir subis à raison de la carence de l'Etat dans la prise en charge de l'enfant B... El C... ;

3°) de condamner l'Etat à verser à Mme et M. A... C... la somme de 2 210 euros en réparation du préjudice financier résultant de la prise en charge des frais de diagnostic du syndrome autistique décelé chez leur enfant et des frais de formation qu'ils ont dû assumer à raison de la carence de l'Etat ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'Etat a commis une faute engageant sa responsabilité dès lors que M. B... A... C..., atteint d'un syndrome autistique, n'a pas bénéficié d'une prise en charge adaptée ;

- leur préjudice financier correspondant aux frais d'établissement du diagnostic du trouble envahissant du développement de M. B... A... C... et aux frais utilisés par ses parents pour se former aux stratégies éducatives liées à l'autisme, peut être chiffré à 2 210 euros ;

- le préjudice moral de M. B... A... C... lié à l'absence de prise en charge, à un sentiment de discrimination et d'exclusion, et à une angoisse de ne pas pouvoir travailler plus tard, peut se chiffrer à 75 000 euros ;

- le préjudice moral de M. F... A... C... et Mme D... A... C..., lié à l'angoisse d'une prise en charge effective de leur enfant, à l'état dépressif de M. F... A... C... et à l'état de grande fatigue de Mme D... A... C..., peut être chiffré à 35 000 euros chacun ;

- le préjudice moral de Mme E... A... C..., lié aux difficultés familiales et scolaires qu'elle peut avoir en raison de la situation de son frère, peut être chiffré à 10 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M. A... C... et leurs enfants relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 21 février 2019 rejetant leurs conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de la carence de l'Etat dans la prise en charge d'Iliès, né le 20 avril 2000, en tant que personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique.

2. Aux termes de l'article L. 112-1 du code de l'éducation dans sa rédaction alors applicable : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 131-1 du même code : " L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans (...) ". Aux termes de l'article L. 114-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. / L'État est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions ". Aux termes de l'article L. 114-1-1 du même code, dans sa version alors en vigueur : " La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. / Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu'il s'agisse de l'accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l'enseignement, de l'éducation, de l'insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d'autonomie, du développement ou de l'aménagement de l'offre de service, permettant notamment à l'entourage de la personne handicapée de bénéficier de temps de répit, du développement de groupes d'entraide mutuelle ou de places en établissements spécialisés, des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté, ou encore en matière d'accès aux procédures et aux institutions spécifiques au handicap ou aux moyens et prestations accompagnant la mise en œuvre de la protection juridique régie par le titre XI du livre Ier du code civil. Ces réponses adaptées prennent en compte l'accueil et l'accompagnement nécessaires aux personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 246-1 du même code : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées, d'une part, que le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. D'autre part, le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation. Si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que la prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome.

4. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, il incombe à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, à la demande des parents, de se prononcer sur l'orientation des enfants atteints du syndrome autistique et de désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de ceux-ci et étant en mesure de les accueillir, ces structures étant tenues de se conformer à la décision de la commission. Lorsqu'un enfant autiste ne peut être pris en charge par l'une des structures désignées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) en raison d'un manque de place disponible, l'absence de prise en charge pluridisciplinaire qui en résulte est, en principe, de nature à révéler une carence de l'Etat dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie effectivement d'une telle prise en charge dans une structure adaptée.

5. M. et Mme A... C... et leurs enfants soutiennent que l'Etat a commis une faute résultant du défaut de prise en charge adaptée d'Iliès, atteint d'un syndrome autistique.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. B... A... C... a été scolarisé au sein de l'école intégrée Danielle Casanova entre 2002 et 2010 et qu'il a bénéficié d'un suivi pédopsychiatrique spécialisé à compter de décembre 2009. L'établissement ayant mis fin à la scolarisation de l'intéressé en septembre 2010 en raison de son comportement agressif, B... a alors bénéficié jusqu'au 18 décembre 2011 d'une scolarisation à domicile à temps partiel avec le concours de l'association " Votre école chez vous ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme A... C... ont sollicité une prise en charge médico-sociale de leur fils avant le 24 juin 2011. Dans ces conditions, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée pour la période antérieure à cette demande.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, d'une part, que par une décision du 21 octobre 2011, la CDAPH des Hauts-de-Seine a prévu que M. B... A... C... serait pris en charge à temps partiel par l'institut médico-éducatif (IME) Léopold Bellan pour la période comprise entre le 7 novembre 2011 et le 31 août 2013, et, d'autre part, que l'intéressé a effectivement bénéficié de cette prise en charge médico-sociale à temps partiel au cours de l'année 2011-2012. Dans ces conditions, la prise en charge du jeune B... au titre de cette année ne révèle aucune faute de l'Etat.

8. En troisième lieu, en réponse à une demande de ses parents du 5 juin 2012, la CDAPH de l'Essonne, par une décision du 3 juillet 2012, a orienté B... en section d'éducation et d'enseignement spécialisé (SEES) à temps plein, du 3 juin 2012 au 2 juin 2014. Il résulte de l'instruction que l'intéressé a effectivement intégré cette structure à temps complet mais qu'en raison de ses difficultés comportementales et à la suite de trois jours d'exclusion, son projet personnalisé a été modifié et sa prise en charge est devenue seulement partielle. Toutefois, il n'en résulte aucune carence imputable à l'Etat. En outre, à supposer que l'intéressé ait seulement bénéficié d'une scolarisation à domicile avec l'association " Votre école chez vous " au cours de l'année 2013-2014, les requérants n'établissent pas avoir été confrontés à des refus d'admission dans l'une des structures listées par la décision de la CDAPH de l'Essonne du 3 juillet 2012. Ainsi, aucune carence n'est imputable à l'Etat pour cette période.

9. En quatrième lieu, par une décision du 3 février 2015, la CDAPH de l'Essonne a orienté M. B... A... C... vers un institut d'éducation sensorielle, à temps partiel et en externat. Il résulte de l'instruction qu'à compter de l'année 2014-2015, l'intéressé a bénéficié d'une scolarisation à temps partiel auprès de l'institut des jeunes sourds (IJS) de Bourg-la-Reine. Cette scolarisation étant conforme à la décision de la CDAPH, aucune faute de l'Etat n'est établie pour cette période postérieure au 3 février 2015.

10. Enfin, M. B... A... C... ayant été scolarisé à temps plein auprès de l'Institut national de jeunes sourds de Paris à compter de la rentrée scolaire 2017-2018, aucune carence de l'Etat n'est davantage caractérisée à compter de cette date et pour la période postérieure.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... C... et leurs enfants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une quelconque somme à M. et Mme A... C... et à leurs enfants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... A... C..., M. F... A... C..., M. B... A... C... et Mme E... A... C... est rejetée.

3

N° 19VE01400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01400
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale aux personnes handicapées.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SELARL MONTPENSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-09-30;19ve01400 ?
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