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24/09/2021 | FRANCE | N°20VE00562

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 24 septembre 2021, 20VE00562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Neuilly-Plaisance a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé sa carence en matière de réalisation de logements sociaux au titre de la période triennale 2014-2016 et a fixé à 100 % le taux de majoration du prélèvement au titre des logements manquants pour une durée de trois ans ou, à titre subsidiaire, de réformer le taux de majoration du prélèvement au titre des l

ogements manquants fixé par l'article 2 de l'arrêté attaqué.

Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Neuilly-Plaisance a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé sa carence en matière de réalisation de logements sociaux au titre de la période triennale 2014-2016 et a fixé à 100 % le taux de majoration du prélèvement au titre des logements manquants pour une durée de trois ans ou, à titre subsidiaire, de réformer le taux de majoration du prélèvement au titre des logements manquants fixé par l'article 2 de l'arrêté attaqué.

Par un jugement n° 1801497 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 18 février 2020 et le 30 avril 2021, la commune de Neuilly-Plaisance, représentée par Me Lamorlette, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler cet arrêté ou, à titre subsidiaire, de réformer l'arrêté litigieux et de ne fixer aucun taux de majoration du prélèvement annuel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Neuilly-Plaisance soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute d'être suffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir ;

- l'erreur d'appréciation est caractérisée dès lors que la carence de la commune a été prononcée alors qu'elle a en réalité produit trop de logements sociaux financés en PLS, alors que tous les autres objectifs quantitatifs et qualitatifs ont été remplis ;

- en méconnaissance de la grille d'analyse fixée par le ministre chargé du logement, le préfet n'a pas pris en compte les efforts engagés depuis des années par la commune, le faible écart entre les objectifs et les réalisations effectives et les difficultés rencontrées par l'opération située 145-147 avenue Foch ;

- c'est à tort que le préfet s'est fondé sur l'absence d'approbation du plan local d'urbanisme alors qu'un tel plan n'a pas pour objectif de réglementer les modes de financement des logements sociaux, et que concomitamment à l'élaboration du plan local d'urbanisme, la commune a modifié son plan d'occupation des sols pour permettre la réalisation d'une opération de 217 logements sociaux et que l'adoption du plan lors du premier trimestre 2017 n'aurait eu aucun impact sur la réalisation de logements sociaux au cours de la période triennale ;

- c'est à tort que le préfet a estimé qu'une autre opération portant sur du logement familial était possible ;

- le préfet n'a pas pénalisé de la même façon les communes qui ne remplissent pas leurs objectifs, méconnaissant ainsi le principe d'égalité ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un détournement de pouvoir ;

- la majoration est excessive et il est de demandé à la Cour de minorer le taux retenu par le préfet.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- et les observations de Me Douvreleur, substituant Me Lamorlette pour la commune de Neuilly-Plaisance.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 14 décembre 2017, pris en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, prononcé la carence de la commune de Neuilly-Plaisance en matière de réalisation de logements sociaux et fixé à 100 % le taux de majoration appliqué au prélèvement opéré en application de l'article L. 302-7 du même code pour une durée de trois ans. La commune de Neuilly-Plaisance fait appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ou, à titre subsidiaire, à la réformation du taux de majoration retenu.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En indiquant au point 7 que les pièces du dossier ne permettaient pas de retenir l'existence d'un détournement de pouvoir, les premiers juges ont brièvement mais suffisamment motivé leur réponse à ce moyen.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2017 :

3. Aux termes de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants dans l'unité urbaine de Paris et 3 500 habitants sur le reste du territoire qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 302-8 du même code : " I. -Pour atteindre le taux mentionné, selon le cas, aux I ou II de l'article L. 302-5, le représentant de l'Etat dans le département notifie à la commune un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale. Cet objectif ne peut être inférieur au nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre, au plus tard à la fin de l'année 2025, le taux mentionné, selon le cas, aux I ou II de l'article L. 302-5. (...) III. -Pour atteindre l'objectif défini au I, la part des logements financés en prêts locatifs sociaux ne peut être supérieure à 30 % des logements locatifs sociaux à produire et celle des logements financés en prêts locatifs aidés d'intégration est au moins égale à 30 %. (...). ".

4. Aux termes de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation : " Lorsque, dans les communes soumises aux obligations définies aux I et II de l'article L. 302-5, au terme de la période triennale échue, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du I de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint ou lorsque la typologie de financement définie au III du même article L. 302-8 n'a pas été respectée, le représentant de l'Etat dans le département informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. / En tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement et, le cas échéant, après avis de la commission mentionnée aux II et III de l'article L. 302-9-1-1, prononcer la carence de la commune. (...). ".

5. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation que, pour prononcer la carence d'une commune, le préfet doit tenir compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune dans la réalisation de ses objectifs ainsi que des projets de logements sociaux en cours de réalisation.

6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a fixé pour la commune de Neuilly-Plaisance au titre de la période 2014-2016 un objectif de réalisation de 201 logements sociaux, dont 30 % au moins financés par des prêts locatifs sociaux (PLS) et 30 % au moins par des prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI). Il n'est pas contesté que la commune a réalisé un nombre supérieur à l'objectif quantitatif de production de logements sociaux (238), mais que plus de 50 % de ces logements ont été financés avec des PLS alors que l'objectif fixé était de 30 % au plus. Toutefois, il n'est pas contesté que cette circonstance démontre que l'objectif quantitatif a été rempli, sans que l'objectif de logements des familles fragiles et de mixité sociale poursuivi par l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation qui définit la typologie des financements recherchée et, à travers elle, la diversité et la mixité des publics auxquels sont destinés les logements réalisés. Ainsi, le dépassement constaté du quota de logements financés par des PLS traduit la surreprésentation des logements pour étudiants dans la commune au détriment, notamment, des familles. Par suite, la circonstance que la commune de Neuilly-Plaisance aurait réalisé un nombre de logements supérieur à l'objectif quantitatif assigné par le préfet n'est pas à elle seule de nature à établir que l'arrêté litigieux serait entaché d'une erreur d'appréciation.

7. Par ailleurs, si la commune soutient que des projets faisant une plus large place à des logements familiaux n'auraient pu être conduits en raison de leur insuffisante rentabilité, les attestations stéréotypées qu'elle produit émanant de directeurs d'entreprises de promotion immobilière ou de construction ne suffisent pas à établir l'existence de difficultés objectives particulières qui ne lui auraient pas permis de remplir les objectifs de typologie des logements en fonction de leur financement établis par la loi.

8. La commune de Neuilly-Plaisance soutient que c'est à tort que le préfet a retenu, parmi les motifs de son arrêté, l'absence d'approbation de son plan local d'urbanisme avant le 27 mars 2017 qui a entraîné la caducité du plan d'occupation des sols et la privée d'un outil de planification favorable au développement du logement social dès lors qu'un tel plan est sans influence sur les modalités de financement de la politique de logement qu'elle poursuit. Il ressort toutefois des termes de l'arrêté attaqué que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas retenu ce motif. Par suite et en tout état de cause, le moyen soulevé n'est pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté litigieux.

9. En troisième lieu, il n'est pas établi que la commune de Neuilly-Plaisance serait dans une situation identique à celle de la commune des Pavillons-sous-Bois. Par suite, elle ne saurait valablement se prévaloir de ce que celle-ci n'aurait pas fait l'objet d'un arrêté de carence pour démontrer que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu le principe de l'égalité devant les charges publiques.

10. Enfin, si la commune de Neuilly-Plaisance soutient que le développement de logements étudiants est particulièrement adapté à sa situation géographique et à la forte demande de logements étudiants dans ce secteur et que l'Etat a toujours accepté le financement de ces logements, elle n'apporte pas ainsi la preuve que l'arrêté litigieux serait motivé par une intention discriminatoire et entaché d'un détournement de pouvoir.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Neuilly-Plaisance ne démontre pas que c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis a constaté sa situation de carence au regard des dispositions précitées de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation.

Sur les conclusions tendant à ce que la Cour réforme le taux de majoration retenu par le préfet de la Seine-Saint-Denis :

12. Aux termes de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation : " Il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5, à l'exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue par l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales lorsque le nombre des logements sociaux y excède 20 % des résidences principales pour les communes mentionnées au I du même article L. 302-5, (...). ". Aux termes de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation : " (...). Par le même arrêté et en fonction des mêmes critères, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice. (...). ".

13. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par les articles 2 et 3 de l'arrêté litigieux, fixé à 100 % la majoration appliquée au prélèvement prévu par l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation et décidé que ce taux s'appliquerait pour une durée de trois années.

14. Si l'écart constaté entre l'objectif fixé par le législateur de ne pas réaliser par des financements en PLS plus de 30 % des logements sociaux, dont la construction est demandée par le préfet en application des dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation et la réalisation de 50 % des logements produits au cours de la période triennale en cause relevant de cette catégorie de prêts est important, la commune requérante démontre avoir rempli son objectif quantitatif de construction de logement financés en PLAI. Par suite, la commune de Neuilly-Plaisance est fondée à soutenir que le préfet a retenu un taux de majoration disproportionné et à demander que le taux de majoration fixé soit ramené de 100 % à 50 %.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Neuilly-Plaisance est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2017 en ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis a appliqué un taux de majoration excédant 50 % du prélèvement annuel et à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure.

Sur les frais liés au litige :

16. Pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Neuilly-Plaisance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le taux de prélèvement opéré sur les ressources fiscales de la commune de Neuilly-Plaisance au titre des dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013 est fixé à 50 % à compter du 1er janvier 2018 et pour une durée de trois ans.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1801497 du 19 décembre 2019 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 14 décembre 2017 fixant le taux et le montant de la majoration du prélèvement appliqués à la commune de Neuilly-Plaisance sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la commune de Neuilly-Plaisance la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Neuilly-Plaisance est rejeté.

4

N° 20VE00562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00562
Date de la décision : 24/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38 Logement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : CABINET LVI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-09-24;20ve00562 ?
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