Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, enregistrée sous le n° 1810865, M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 7 septembre 2018 de l'inspecteur du travail de la 5ème section de l'unité de contrôle n° 3 de Seine-Saint-Denis autorisant son licenciement et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1904002, M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 14 février 2019 par laquelle la ministre du travail a confirmé cette autorisation de licenciement et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1810865,1904002 du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a, d'une part rejeté ses demandes et, d'autre part, rejeté les conclusions de l'association Emmaüs France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2020 et des mémoires enregistrés les 15 juillet et 23 août 2021, M. C..., représenté par Me Borgel, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 14 février 2019 de la ministre du travail et la décision de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de l'inspecteur du travail et celle de la ministre du travail sont entachées d'un défaut de motivation au regard de l'article R. 2421-5 du code du travail ;
- les procédures préalables d'information et de consultation des représentants du personnel sur les propositions de reclassement, puis sur le projet de licenciement, n'ont pas été régulières au regard des articles L. 1226-2, L. 1226-10 et L. 2423-1 du code du travail ;
- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée, en violation des dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail ;
- il n'a bénéficié ni d'un entretien professionnel annuel, notamment en 2014 et 2015, en violation de l'article L. 6315-1 du code du travail et de l'article 19 du statut du personnel, ni de formations ;
- il existe un lien " entre l'exercice de ses mandats syndicaux et son licenciement et l'existence d'un motif d'intérêt général ".
....................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la décision du Conseil d'Etat du 27 février 2019, Société Eurovia Grands Travaux, n° 417249, en B ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Borgel pour M. C..., et de Me Signoret pour l'association Emmaüs France.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C... a été embauché le 20 janvier 2004 par la fédération union centrale de la communauté Emmaüs en qualité de conseiller en gestion, a été investi d'un mandat de délégué syndical en avril 2007, puis le 1er août 2008, a rejoint l'association Emmaüs-France pour y exercer les mêmes fonctions. Par une lettre du 22 mai 2013 adressée au médecin du travail et à l'inspecteur du travail, il fait état d'un mal-être et de risques psychosociaux au sein de l'entité. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et un consultant externe ont mené, de façon indépendante, une enquête au terme de laquelle le harcèlement moral n'est pas établi mais trois risques psychosociaux ont été constatés : un stress chronique, des tendances dépressives et une addiction. A la suite d'un entretien du 20 décembre 2013 au cours duquel sa supérieure hiérarchique a rejeté sa demande de congés, M. C... a exercé son droit de retrait à compter du lendemain, 21 décembre 2013, arguant d'un " choc psychologique " subi à raison de ce refus de congés. Il a ensuite été placé en arrêt de travail jusqu'en avril 2015. Par des avis des 19 mars et 2 avril 2015, le médecin du travail l'a déclaré " inapte au poste de conseiller en gestion mais apte à un poste dans un autre contexte relationnel et organisationnel ". Le 1er février 2018, l'association Emmaüs-France a sollicité l'autorisation de procéder à son licenciement pour inaptitude médicale d'origine non professionnelle. Par une décision du 19 mars 2018, l'inspecteur du travail a rejeté cette demande au motif que les efforts de reclassement étaient insuffisants. L'association a ensuite formulé une nouvelle demande d'autorisation de licenciement pour le même motif, le 25 juillet 2018, accordée par décision du 7 septembre 2018 de l'inspecteur du travail. M. C... a formé un recours hiérarchique auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social le 29 octobre 2018, expressément rejeté le 14 février 2019. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les demandes de M. C... tendant à l'annulation de ces décisions, par un jugement du 15 juin 2020, dont il relève appel.
Sur la motivation des décisions attaquées :
2. Aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " la décision de l'inspecteur du travail est motivée ".
3. S'agissant en premier lieu de la décision de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2018 portant autorisation de licenciement, elle vise les articles L. 2411-1, L. 2411-3 et L. 2411-5 du code du travail concernant l'obtention de l'autorisation de l'inspecteur du travail avant de procéder au licenciement d'un salarié possédant un mandat ainsi que la procédure à suivre. Si les dispositions spécifiques de ce code relatives à un licenciement pour inaptitude ne sont pas visées, une telle omission n'est pas de nature à entacher la motivation d'insuffisance dès lors que l'inspecteur du travail a précisé le motif de licenciement et le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur. L'inspecteur du travail a mentionné les avis d'inaptitude médicale en visant les avis du médecin du travail datés des 19 mars et 2 avril 2015. Il fait ensuite mention de la réalité et du sérieux de la procédure de reclassement en évoquant les deux postes proposés et en indiquant, d'une part, que l'association a recueilli l'avis favorable du médecin du travail et a consulté au préalable les membres de la délégation unique du personnel pour les propositions de reclassement et, d'autre part, que l'adéquation des compétences du salarié est établie avec les fiches de postes proposées, que les conditions contractuelles d'emploi sont maintenues et que l'ensemble de ces éléments permet de confirmer le caractère sérieux des efforts de reclassement. L'inspecteur du travail indique enfin l'absence de lien entre le licenciement et le mandat syndical de M. C.... Cette décision est suffisamment motivée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle ne ferait pas mention de plusieurs autres postes non proposés à M. C.... Le moyen tiré de ce que la décision de l'inspecteur du travail serait entachée d'un défaut de motivation doit, par suite, être écarté.
4. S'agissant en second lieu de la décision du 14 février 2019 de la ministre du travail, le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'un défaut de motivation est inopérant, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans la décision du 11 juillet 2012, M. B..., n° 343866, en B, qui énonce que, dans le cadre d'une requête à fin d'annulation, à la fois, d'une décision individuelle (autorisation de licenciement) et du refus de faire droit au recours hiérarchique présenté à l'encontre de cette même décision, les moyens critiquant les vices propres dont la décision de rejet du recours hiérarchique serait entachée ne peuvent être utilement invoqués. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision du 14 février 2019 de la ministre du travail serait entachée d'un défaut de motivation, inopérant, doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur la procédure de consultation des délégués du personnel par voie électronique en mai 2018 :
5. Aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2017 au 1er janvier 2018 : " cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté ". L'article L. 1226-2 du code du travail n'impose aucune forme particulière pour recueillir l'avis des délégués du personnel quant au reclassement d'un salarié déclaré inapte. Il importe seulement que les délégués du personnel soient " mis à même, avant que soient adressées au salarié des propositions de postes de reclassement, d'émettre un avis en toute connaissance de cause sur les postes envisagés, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé cette consultation ", ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans la décision Société Eurovia Grands Travaux, susvisée. Enfin, cette consultation doit être faite après que l'inaptitude ait été constatée et avant que le poste de reclassement ne soit proposé au salarié.
6. M. C... soutient que les décisions attaquées ont été prises au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que l'avis des délégués du personnel, sur les possibilités de reclassement envisagées par l'association Emmaüs France, n'a pas été recueilli à la suite d'une délibération collective mais par retour de mails individuels. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de la recherche de reclassement mise en œuvre à la suite de la constatation médicale de l'inaptitude du requérant par des avis des 19 mars et 2 avril 2015, les délégués du personnel, consultés sur ces offres, ont émis un avis favorable, les 22 et 23 mai 2018, concernant la compatibilité du poste proposé avec les préconisations du médecin du travail, avant que ces postes ne lui soient effectivement proposés par courrier le 24 mai 2018. Aucune formalité particulière n'étant imposée pour recueillir l'avis des délégués, la consultation des délégués du personnel, ainsi effectuée par échange de mails, n'a pas été faite en violation de l'article L. 1226-2 du code du travail. Enfin, la circonstance que cette demande d'avis aurait comporté des erreurs concernant les postes proposés à l'intéressé entre 2015 et 2017, au titre de la première procédure de licenciement est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la seconde procédure de licenciement, qui est ici en litige. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de consultation des délégués du personnel précédant les possibilités de reclassement a été respectée par l'employeur.
Sur la procédure de consultation du comité social et économique en juillet 2018 :
7. Aux termes de l'article L. 2421-3 alinéa 1er du code du travail dans sa version applicable au 1er janvier 2018 : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III ".
8. M. C..., qui peut être regardé comme ayant invoqué l'article L. 2421-3 alinéa 1er du code du travail précité, et non son article 2423-1, qui n'existe pas, soutient, d'une part, que l'avis des représentants du personnel quant à son licenciement aurait dû être recueilli au cours d'une réunion extraordinaire du comité d'entreprise, dont l'unique sujet aurait été son licenciement et, d'autre part, que les représentants du personnel n'ont pas été mis en capacité d'émettre un avis dans des conditions normales, au regard de l'ordre du jour, qui comprenait également l'examen des comptes et de la situation financière dégradée de l'association, qu'il qualifie de " contexte de délibération non serein ". Le comité d'entreprise s'est réuni le 12 juillet 2018 afin de consulter les délégués du personnel sur le projet de licenciement de M. C.... L'ordre du jour comportait plusieurs questions en plus du projet relatif à son licenciement, notamment la situation financière et économique dégradée de l'association. A cet égard, contrairement à ce que soutient l'intéressé, aucun texte n'impose la tenue d'une réunion extraordinaire du comité d'entreprise pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement d'un représentant du personnel. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'examen de la situation économique de l'association aurait été de nature à influencer le vote des membres du comité d'entreprise sur le projet de licenciement pour inaptitude de M. C..., vote qui s'est déroulé à bulletin secret. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement de M. C... a été respectée par l'employeur. Le moyen susanalysé doit être écarté.
Sur le respect de l'obligation de reclassement :
9. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. ". Aux termes de l'article L. 1226-2-1 du même code : " (...) L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie (...) du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions (...) / L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. (...) ".
10. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Lorsqu'après son constat d'inaptitude, le médecin du travail apporte des précisions quant aux possibilités de reclassement du salarié, ses préconisations peuvent, s'il y a lieu, être prises en compte pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de reclassement de l'employeur.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a passé deux visites auprès du médecin du travail, les 19 mars et 2 avril 2015, à l'issue desquelles il a été déclaré " inapte à son poste de conseiller en gestion ", l'avis précisant qu'un reclassement était toutefois possible " à un poste dans un autre contexte relationnel et organisationnel ". Dans le cadre de la recherche de reclassement mise en œuvre à la suite de cette constatation médicale, deux offres ont été adressées à M. C... par courrier le 24 mai 2018 avec obligation de répondre avant le 8 juin 2018, à savoir un poste de responsable de mission-comptabilité en contrat à durée indéterminée et un poste de responsable de mission bilan économique et social, également en contrat à durée indéterminée. M. C... a refusé ces deux offres de reclassement par courrier du 4 juin 2018 en arguant qu'il n'avait pas les compétences requises en matière d'utilisation d'outils de gestion et d'analyse de données, nécessaires pour le poste de responsable de mission bilan économique et social, et qu'il avait déjà fait part à son employeur de son impossibilité d'exercer en qualité de comptable. Il est toutefois constant que ces deux postes étaient conformes aux exigences légales précitées, et avaient reçu l'avis favorable du médecin du travail, le docteur A..., le 14 mai 2018 ainsi que des délégués du personnel, les 22 et 23 mai 2018. De plus, au regard de sa formation d'expert-comptable, de son expérience dans le domaine de la gestion et la comptabilité, et en l'absence de demande de formation de sa part, ces deux offres de reclassement doivent être regardées comme étant en adéquation avec ses qualifications et ses compétences et aussi proches que possible du poste de conseiller en gestion, emploi qu'il occupait précédemment. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'association Emmaüs France n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement. Quant aux douze fiches de poste qu'il produit en arguant qu'ils auraient dû lui être proposés, en tout état de cause, ceux-ci soit ne correspondaient pas à ses capacités et son expérience, soit impliquaient des déplacements réguliers voire fréquents en province, ce qui est précisément ce dont il se plaignait au sujet de son précédent poste et notamment dans un courrier qu'il avait adressé au président de l'association Emmaüs le 8 août 2017 où il mentionnait avoir effectué de nombreux déplacements pour audits qui selon lui, avaient causé son effondrement psychologique et son épuisement professionnel. Le moyen doit, par suite, être écarté.
12. M. C... développe deux autres branches, tirées de l'absence d'entretien professionnel, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 6315-1 du code du travail et de l'article 19 du statut du personnel d'Emmaüs et de ce qu'il n'a pas bénéficié de formation professionnelle alors même qu'Emmaüs en proposait au bénéfice des salariés de plus de 50 ans. Ces deux moyens sont toutefois inopérants dans le cadre spécifique du présent litige, relatif à l'appréciation du respect par l'employeur de son obligation de reclassement à l'égard d'un salarié dont l'inaptitude médicale d'origine non professionnelle a été reconnue.
13. Enfin, M. C... soutient que l'association Emmaüs n'a pas élargi à tort sa recherche de possibilité de reclassement au niveau du groupe, méconnaissant ainsi l'obligation légale qui lui incombait au titre de l'article L. 1226-10 du code du travail, qui énonce : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / (...) / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. ".
14. Le statut du personnel d'Emmaüs France, versé au dossier, n'évoque aucune possibilité de " permutation de tout ou partie du personnel " au sens des dispositions précitées, mais se borne à évoquer la possibilité d'exercer un " mandat " dans une instance du mouvement, " en qualité de représentant d'EF et intervenant sur son temps de travail ". Ces éléments impliquent qu'il n'existe pas de possibilité de permutation entre les différentes structures qui composent le mouvement Emmaüs. En tout état de cause, l'avocate de l'intimée explique à la barre qu'en cas de changement de structure, un nouveau contrat de travail est établi à l'arrivée du salarié. Au demeurant la notion de groupe implique depuis 2017 l'existence de liens capitalistiques entre les entités qui le composent, ce qui n'est pas le cas chez Emmaüs. Dans ces conditions, la circonstance qu'Emmaüs France n'aurait pas proposé à M. C... de poste offert par d'autres structures du mouvement Emmaüs, est sans incidence sur le respect de l'obligation de reclassement par l'association intimée.
Sur le lien avec le mandat syndical et l'existence d'un motif d'intérêt général lié à la mise en place d'un CSE :
15. Même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives, est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.
16. En premier lieu, M. C... soutient que son licenciement serait en lien avec son mandat syndical en raison notamment d'importantes pressions subies l'ayant conduit à un syndrome dépressif, de violations à son droit au respect de sa vie privée et de sa mise à l'écart de l'association Emmaüs France. Il ressort également des pièces du dossier que l'appelant a fait l'objet d'avertissements disciplinaires. Toutefois, les enquêtes diligentées au sein de l'association, en particulier par le cabinet Mozart Consulting, n'ont pas retenu que ces sanctions disciplinaires auraient constitué une forme de harcèlement moral et, il ne ressort pas du dossier que ces sanctions ou les causes de mal-être de M. C... seraient en lien avec son mandat. Si l'intéressé, qui était absent des locaux de l'association depuis 2014, ne figure pas sur la liste du personnel des candidats aux élections des membres du futur comité social et économique, il se trouve sur l'organigramme mis à jour en septembre 2018 et a été convoqué aux réunions des délégués du personnel en 2016, 2017 et 2018. Dans ces conditions, il ne peut pas prétendre avoir été licencié à raison de son mandat syndical. En outre, la circonstance que son employeur aurait accédé à sa messagerie professionnelle dans la stricte mesure où, pendant ses absences prolongées, il se trouvait dans l'obligation d'assurer la continuité du service, ou que le refus d'Emmaüs France de soutenir le renvoi de l'affaire portée par M. C... devant le tribunal d'instance car l'intéressé ne s'est pas présenté à l'audience, auraient été à l'origine de son inaptitude. Enfin, s'il est vrai que le certificat d'hospitalisation de M. C... n'aurait pas dû être envoyé aux membres du CHSCT sans son consentement, cette circonstance, d'ailleurs isolée, ne permet pas à elle seule de révéler un lien avec l'activité syndicale de l'intéressé.
17. En second lieu, s'agissant du motif d'intérêt général invoqué par M. C..., relatif à la mise en place du comité social et économique en l'absence de toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans l'entreprise, sa réalité n'est pas établie par les pièces du dossier. En effet, les élections professionnelles de septembre 2019 sont postérieures aux décisions de l'inspecteur du travail et de la ministre. Par suite, le moyen doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 7 septembre 2018 de l'inspecteur du travail et la décision du 14 février 2019 de la ministre du travail.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du requérant, qui succombe, la somme demandée par l'association Emmaüs France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de l'association Emmaüs France est rejeté.
N° 20VE02344 8