Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Saint-Jean a demandé au tribunal administratif de Versailles, premièrement, d'annuler les décisions des 16 septembre 2014, 1er avril 2016 et 9 mai 2016 par lesquelles le maire de la commune de Saint-Jean-de-Beauregard a contesté la conformité des travaux, ensemble la décision du 16 décembre 2014 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au maire de lui délivrer le certificat de conformité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, deuxièmement, d'annuler les décisions des 16 décembre 2014, 1er avril 2016 et 9 mai 2016 par lesquelles le maire de la commune de Saint-Jean-de-Beauregard a contesté la conformité des travaux, d'enjoindre au maire de lui délivrer le certificat de conformité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1501133-1503078 du 11 mai 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2018, la SARL Saint-Jean, représentée par Me Dervieux, avocate, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il porte sur les décisions des 16 septembre et 16 décembre 2014 et la décision portant rejet implicite de son recours gracieux et ces mêmes décisions ;
2°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Jean-de-Beauregard de lui délivrer le certificat de conformité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Beauregard la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé, en violation de l'article 9 du code de justice administrative.
S'agissant des conclusions en annulation :
Sur la décision du 16 septembre 2014 portant contestation de la conformité des travaux :
- Le recours contre cette décision n'était pas tardif car elle mentionne de façon erronée qu'en cas de recours gracieux " l'absence de réponse au terme d'un délai de quatre mois vaut rejet implicite " et de ce fait, les voies et délais de recours mentionnés ne lui sont pas opposables ; de plus, le tribunal administratif a considéré à tort que la décision du 16 décembre 2014 devait être regardée comme rejetant expressément son recours gracieux formé le 3 novembre 2014 contre la décision du 16 septembre 2014 ;
- la décision du 16 septembre 2014 est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en violation des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et de l'article R. 462-8 du code de l'urbanisme, faute de procédure contradictoire préalable ;
- elle a été prise en violation des articles L. 421-6, L. 462-2 et R. 462-9 du code de l'urbanisme ;
- elle est entachée de plusieurs erreurs manifestes d'appréciation ;
- elle est entachée de détournement de procédure ;
Sur la décision du 16 décembre 2014 portant mise en demeure de remettre en état des voiries et des clôtures après travaux :
- le recours en annulation de cette décision n'était pas tardif car elle ne mentionne pas les voies et délais de recours ;
- elle a été prise en violation des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et de l'article R. 462-8 du code de l'urbanisme, faute de procédure contradictoire préalable ;
- elle a été prise en violation des articles L. 421-6, L. 462-2 et R. 462-9 du code de l'urbanisme ;
- elle est entachée de détournement de procédure ;
........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,
- et les observations de la SARL Saint-Jean, représentée par Me Dervieux, ainsi que les observations de la commune de Saint-Jean-de-Beauregard, représentée par Me Le Baut.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 17 février 2011, le maire de la commune de Saint-Jean-de-Beauregard (Essonne) a délivré à M. A... un permis de construire pour la réalisation de dix-huit maisons en trois tranches sur un terrain d'assiette sis rue de Montjay. Ce permis a été transféré le 25 août 2011 à la SARL Saint-Jean et les travaux ont débuté en octobre 2011. La SARL Saint-Jean a déposé en mairie, le 2 juillet 2014, le formulaire de déclaration d'achèvement et de conformité des travaux. Toutefois, par des décisions des 16 septembre 2014, 1er avril 2016 et 9 mai 2016, le maire de la commune de Saint-Jean-de-Beauregard a contesté la conformité des travaux réalisés, puis par une décision du 16 décembre 2014, a mis la SARL Saint-Jean en demeure de remettre en état, notamment, des voiries et clôtures. La SARL Saint-Jean a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions des 16 septembre 2014, 16 décembre 2014, 1er avril 2016 et 9 mai 2016 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Toutefois, par un jugement n° 1501133-1503078 rendu le 11 mai 2018, le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté l'irrecevabilité des conclusions en annulation des décisions des 1er avril et 9 mai 2016, en tant que demandes nouvelles tardivement présentées, a rejeté ses demandes. La SARL Saint-Jean en relève appel en tant que les premiers juges ont rejeté ses conclusions en annulation des décisions des 16 septembre et 16 décembre 2014 ainsi que du rejet implicite de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement
2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés ". Il ressort de l'examen du jugement attaqué, que celui-ci est suffisamment motivé en droit comme en fait, le juge n'étant pas tenu d'expliquer en quoi consiste un recours gracieux. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit ainsi être écarté.
Sur les conclusions en annulation de la décision du 16 septembre 2014, portant contestation de la conformité des travaux réalisés en application du permis de construire délivré le 17 février 2011 et transféré le 25 août 2011 à la SARL Saint-Jean
S'agissant de la tardiveté du recours en annulation de la décision du 16 septembre 2014
3. Selon l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) "
4. La décision du 16 septembre 2014 comportait la mention correcte des voies et délais de recours contentieux, en particulier elle spécifiait le délai de deux mois en cas de recours devant le tribunal administratif compétent. Par un courrier daté du 3 novembre 2014, la SARL Saint-Jean a demandé au maire de la commune " de bien vouloir prendre en compte ses observations ... sur les différents points soulevés " dans la décision du 16 septembre 2014, où elle se bornait à faire état de son incompréhension des arguments de la commune s'agissant de plusieurs éléments et à proposer un recollement des travaux en application de l'article L. 462-2 du code de l'urbanisme " pour lever toute ambigüité ". Ce courrier du 3 novembre 2014, rédigé par un avocat, qui ne présente aucune demande d'annulation de la décision du 16 septembre 2014 ni ne comprend la mention " recours gracieux ", peut toutefois être regardé comme tel dans la stricte mesure où il tente de justifier certaines non-conformités relevées par la commune. Ce courrier de la SARL Saint-Jean est mentionné dans la décision de la commune du 16 décembre 2014 qui, d'une part, fait suite à la proposition de recollement, d'autre part rejette les arguments et justifications avancés par l'entreprise dans le courrier du 3 novembre 2014, et poursuit l'action de mise en demeure et de préparation des travaux de remise en état et de réparations par une entreprise tierce, aux frais de la SARL Saint-Jean. Le pli notifiant cette décision du 16 décembre 2014, adressé en recommandé avec accusé de réception, a été présenté à la SARL Saint-Jean le 19 décembre 2014 et renvoyé à l'expéditeur le 8 janvier 2015 à défaut d'avoir été réclamé. Ainsi, le point de départ de computation du délai de recours contentieux étant le 19 décembre 2014, jour de présentation, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 23 février 2015 était tardive, ainsi que l'ont apprécié à bon droit les premiers juges. La circonstance que le courrier du 16 septembre 2014 mentionnait à tort un délai de quatre mois pour faire naître une décision implicite de rejet à la suite d'un recours gracieux est sans incidence sur la computation de ce délai.
5. Il suit de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre la décision du 16 septembre 2014, que la SARL Saint-Jean n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de première instance à l'encontre de la décision du 16 septembre 2014. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 septembre 2014 ne peuvent qu'être rejetées ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 décembre 2014, en tant qu'elle porte rejet de son recours gracieux.
Sur les conclusions en annulation de la décision du 16 décembre 2014, portant mise en demeure de remise en état des voiries et clôtures après travaux
S'agissant de la tardiveté du recours en annulation de la décision du 16 décembre 2014
6. Selon l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". (ANA)Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
7. La décision du 16 décembre 2014 en tant qu'elle porte mise en demeure ne comporte aucune mention des voies et délais de recours. Dans ces conditions, et en application de la décision d'assemblée du Conseil d'Etat Czabaj, rendue en 2016 sous le numéro 387763, le délai pour introduire un recours contentieux pouvait aller jusqu'à un an. Ainsi, le recours contentieux introduit le 7 mai 2015 n'était pas tardif, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif.
8. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé sur ce point et il convient de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur l'ensemble des moyens soulevés au soutien des conclusions en annulation de cette décision du 16 décembre 2014.
S'agissant des moyens tirés de ce que la commune ne pouvait plus procéder à une mise en demeure et de ce que la procédure contradictoire n'aurait pas été respectée :
9. Aux termes de l'article L. 462-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " L'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas où le récolement est obligatoire. / Passé ce délai, l'autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux. ". Aux termes de l'article R. 462-6 du même code : " A compter de la date de réception en mairie de la déclaration d'achèvement, l'autorité compétente dispose d'un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration. (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration de conformité a eu lieu le 2 juillet 2014. La commune était ainsi dans le délai de trois mois fixé par les textes pour prendre sa décision de refus de conformité le 16 septembre 2014. Si la société soutient que la commune, d'une part, n'a pas respecté la procédure contradictoire préalable, d'autre part, n'était plus dans le délai fixé par les textes pour la mettre en demeure, il ressort toutefois des pièces du dossier, que la décision du 16 septembre 2014 mentionnait les voies et délais de recours, que la décision du 16 décembre 2014 n'est intervenue que sur le recours gracieux de l'intéressée, à la suite de ses observations, et que la mise en demeure du 16 décembre 2014 constitue une poursuite de la procédure, après contradictoire, débutée par le refus de conformité du 16 septembre 2014.
S'agissant du moyen tiré de la violation de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme
9. Selon l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. / Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites. "
10. Il ressort de la chronologie des faits, rappelée au point 1. du présent arrêt, que cet article L. 421-6 du code de l'urbanisme ne peut pas être utilement invoqué à fin d'annulation de la décision du 16 décembre 2014 portant mise en demeure de remise en état des voiries et clôtures après des travaux réalisés, sur plusieurs années, après que le permis de construire a été délivré le 17 février 2011 à M. A..., puis transféré le 25 août 2011 à la SARL Saint-Jean. Le moyen est inopérant et doit, dans les termes dans lesquels il est invoqué, être écarté.
S'agissant du détournement de procédure
11. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, ni d'aucune écriture, que cette décision du 16 décembre 2014 serait entachée d'un détournement de procédure, ni d'ailleurs de détournement de pouvoir. Ce moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 décembre 2014, en tant qu'elle porte mise en demeure, après contradictoire, doivent être rejetées. Il en va de même, par suite, des conclusions à fin d'injonction qui doivent être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Saint-Jean une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saint-Jean-de-Beauregard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de rejeter le surplus des conclusions présentées par la commune.
DÉCIDE :
Article 1er : le jugement n° 1508171-1503078 du 11 mai 2018 est annulé en tant qu'il concerne la décision du 16 décembre 2014 portant mise en demeure.
Article 2 : La demande de première instance de la SARL Saint-Jean est rejetée en tant qu'elle portait sur la décision du 16 décembre 2014 portant mise en demeure.
Article 3 : La SARL Saint-Jean versera une somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Jean-de-Beauregard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des deux parties est rejeté.
N° 18VE02462 2