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21/07/2021 | FRANCE | N°19VE04255

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 21 juillet 2021, 19VE04255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Val-d'Oise a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération en date du 16 novembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Villiers le Bel a mis en place le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) des agents de la commune.

Par un jugement n° 1903214 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Val-d'Oise a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération en date du 16 novembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Villiers le Bel a mis en place le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) des agents de la commune.

Par un jugement n° 1903214 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 14 janvier 2021, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la délibération du conseil municipal de Villiers le Bel en date du 16 novembre 2018.

Le préfet du Val-d'Oise soutient que :

- en application de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 issu de la loi du 20 avril 2016 et de la jurisprudence du Conseil constitutionnelle, l'instauration du RISEEP ne peut se faire qu'en établissant deux parts dont le complément indemnitaire annuel (CIA) lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir ;

- en limitant le plafond du CIA à un euro sans modulation, la commune de Villiers le Bel neutralise la mise en œuvre d'un dispositif qui doit prendre en compte la manière de servir des agents et n'est donc pas conforme aux objectifs de la loi qui l'instaure.

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 91-875 de 6 septembre 1991 pris pour l'application de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me C..., pour la la commune de Villiers le Bel.

Considérant ce qui suit :

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Villiers le Bel :

1. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...). Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. "

2. Si la requête du préfet comporte des écritures pour partie similaires à celles de son mémoire de première instance, elle ne constitue pas la simple reproduction littérale de celui-ci et comporte de nouveaux arguments et de nouvelles références de jurisprudence à l'appui des moyens développés. Par suite, la commune de Villiers le Bel n'est pas fondée à soutenir que la requête, qui répond aux exigences des dispositions précitées du code de justice administrative, serait irrecevable faute de comporter une critique explicite du jugement attaqué.

Sur le fond du litige :

3. Aux termes de l'article 88 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. Après avis du comité technique, l'organe délibérant peut décider d'instituer une prime d'intéressement tenant compte des résultats collectifs des services, selon les modalités et dans les limites définies par décret en Conseil d'Etat. Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics peuvent décider de maintenir, à titre individuel, au fonctionnaire concerné, le montant indemnitaire dont il bénéficiait en application des dispositions réglementaires antérieures, lorsque ce montant se trouve diminué soit par l'application ou la modification des dispositions réglementaires applicables aux services de l'Etat servant de référence, soit par l'effet d'une modification des bornes indiciaires du grade dont il est titulaire. (...) ".

4. Aux termes de l'article 1er du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. (...)". L'article 2 du décret précité dispose : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. L'organe compétent fixe, notamment, la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées dans les conditions prévues pour leur corps de référence figurant en annexe au présent décret. (...) ".

5. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. D'autre part, les dispositions de l'article 88 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée par la loi du 20 avril 2016 prévoient que les collectivités territoriales, qui souhaitent mettre en œuvre un régime indemnitaire lié aux fonctions lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, le fassent en décomposant l'indemnité en deux parts, l'une tenant compte des conditions d'exercice des fonctions et l'autre de l'engagement professionnel des agents. Les collectivités territoriales qui décident de mettre en place un tel régime demeurent libres de fixer les plafonds applicables à chacune des parts, sous la réserve que leur somme ne dépasse pas le plafond global des primes accordées aux agents de l'Etat servant de référence, et de déterminer les critères d'attribution des primes correspondant à chacune de ces parts.

6. Il ressort des termes de la délibération du 16 novembre 2018 que le conseil municipal de Villiers le Bel a instauré un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) des agents de la commune comportant, d'une part, une indemnité de fonction, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, un complément indemnitaire annuel tenant compte de l'engagement professionnel, de la valeur de l'agent et de sa manière de servir. La délibération litigieuse a décidé que pour chacun des groupes de fonctions existant dans la commune, le plafond de ce complément serait fixé à un euro.

7. En limitant à un euro le plafond du complément indemnitaire annuel, la délibération litigieuse a méconnu les dispositions précitées aux termes desquelles ce complément doit être versé en fonction de l'appréciation de l'engagement professionnel des agents suivant des critères définis par la commune. Par suite, le préfet du Val-d'Oise est fondé à demander l'annulation de la délibération du 16 novembre 2018, laquelle revêt un caractère indivisible.

Sur les conclusions de la commune de Villiers le Bel tendant à ce que soit différés dans le temps les effets de l'annulation de la délibération du 16 novembre 2018 :

8. L'annulation d'un acte administratif implique, en principe, que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à l'annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

9. Eu égards aux effets excessifs qu'emporterait une annulation rétroactive de la délibération du 16 novembre 2018, notamment sur les rémunérations versées aux agents de la commune pendant la période de mise en œuvre du régime indemnitaire instauré par cette délibération, il y a lieu de prévoir que l'annulation prononcée par le présent arrêt ne prendra effet qu'à la date de notification de celui-ci à la commune de Villiers le Bel.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Villiers le Bel demande à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1903214 du 10 octobre 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La délibération en date du 16 novembre 2018 du conseil municipal de Villiers le Bel est annulée. Cette annulation prend effet à la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Villiers le Bel présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 19VE04255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE04255
Date de la décision : 21/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SELARL LE SOURD DESFORGES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-21;19ve04255 ?
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