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08/07/2021 | FRANCE | N°20VE01913

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 08 juillet 2021, 20VE01913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.

Par une décision du 8 novembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retiré et remplacé l'arrêté du 5 juin 2019.

Par un jugem

ent n° 1912367 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a décidé qu'il n'y avait...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.

Par une décision du 8 novembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retiré et remplacé l'arrêté du 5 juin 2019.

Par un jugement n° 1912367 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 juin 2019 (article 1er), a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 8 novembre 2019 (article 2), et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... épouse D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé son arrêté du 8 novembre 2019 et de rejeter la demande de première instance de Mme B... épouse D....

Il soutient que :

- l'arrêté du 8 novembre 2019 ne méconnaît pas le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens présentées par Mme B... épouse D... ne sont pas fondés.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 conclu entre le gouvernement de la République français et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public ;

- et les observations de Me F... substituant Me C... pour Mme B... épouse D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... B... épouse D..., ressortissante marocaine, née le 31 mars 1991, qui déclare être entrée en France en octobre 2010, a sollicité son admission au séjour en invoquant le bénéfice des dispositions énoncées par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de Seine-Saint-Denis a, par arrêté du 10 mars 2017, refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé et l'a obligée à quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Montreuil a, par jugement n° 1707452 du 2 novembre 2017, annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de l'intéressée. Le 5 juin 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a de nouveau pris à l'encontre de Mme B... épouse D... un arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours. Par une décision du 8 novembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retiré et remplacé l'arrêté du 5 juin 2019, qui était fondé par erreur sur la convention franco-algérienne. Le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement n° 1912367 du 29 juin 2020, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... épouse D... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 juin 2019 (article 1er), a annulé celui du 8 novembre 2019 (article 2) et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... épouse D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement (article 3). Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé son arrêté du 8 novembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'Office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté par le préfet, que Mme B... épouse D... a été séquestrée dans une cage en fer pendant quinze jours au Maroc en 2007 par son père, qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour ces faits de séquestration. Depuis 2014, la requérante est suivie par un psychiatre pour un syndrome dépressif récurrent en rapport avec un stress-post traumatique et a été placée sous traitement médicamenteux à base d'antidépresseurs. Un certificat médical de son médecin psychiatre, daté du 27 octobre 2019, confirmant plusieurs autres certificats antérieurs, indique que l'intéressée a subi également des incestes et un mariage forcé dans son pays d'origine et qu'elle " présente un trouble de la personnalité sous-jacent, des angoisses importantes, (...) est en conflit important avec sa famille (...) une thymie triste, des idées noires et des cauchemars en rapport avec des scènes de séquestration dans son pays d'origine " et que " l'arrêt de la prise en charge ou son retour dans son pays d'origine entrainerait un risque de décompensation et des passages à l'acte suicidaire avec des conséquences graves ". Si le collège de médecins l'Office français de l'immigration et de l'intégration nationale a, par un avis du 5 avril 2019, indiqué qu'un défaut de prise en charge de l'état de santé de Mme B... épouse D... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette circonstance, contrairement à ce que soutient le préfet, n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence de ces certificats médicaux, qui sont rédigés par un praticien en poste à l'hôpital Beaujon à Clichy assurant le suivi psychiatrique de la requérante depuis 2014. Il en résulte que l'état dépressif et de stress post-traumatique de l'intéressée est susceptible d'être réactivé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, et nonobstant la circonstance que le traitement médicamenteux de Mme B... épouse D... serait disponible dans son pays d'origine, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait, dans les circonstances particulières de l'espèce, obliger la requérante à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 8 novembre 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Le jugement attaqué a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... épouse D... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement. Cette injonction n'ayant toujours pas été suivie d'effets, il y a lieu d'assortir cette injonction au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... épouse D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme B... épouse D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocat de B... épouse D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 2 : L'injonction adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis par les premiers juges tendant à la délivrance à Mme B... épouse D... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera au conseil de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

N° 20VE01913 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01913
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05-03 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides. Effets de l`octroi de la qualité de réfugié (voir : Asile).


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-08;20ve01913 ?
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