La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2021 | FRANCE | N°21VE00152

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 06 juillet 2021, 21VE00152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPD France SNC a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des sommes de 4 039 521 euros et de 6 336 250 euros correspondant à une fraction de l'impôt sur les sociétés et des contributions sociales dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2012 et en 2013, majorées des intérêts au taux légal capitalisés.

Par un jugement n° 1509686 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge partielle de ces imp

ositions pour un montant de 601 771 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 6...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPD France SNC a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des sommes de 4 039 521 euros et de 6 336 250 euros correspondant à une fraction de l'impôt sur les sociétés et des contributions sociales dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2012 et en 2013, majorées des intérêts au taux légal capitalisés.

Par un jugement n° 1509686 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge partielle de ces impositions pour un montant de 601 771 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 6 336 250 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 17VE00206 du 27 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de l'économie et des finances, exclu les sociétés Mab Paribat et Atlante du périmètre du groupe fiscalement intégré constitué par la société BPD France SNC, décidé que la société BPD France SNC rembourserait à l'administration fiscale la partie des sommes dont le tribunal administratif avait accordé la restitution découlant de cette exclusion, réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions d'appel du ministre, ainsi que l'appel incident formé par la société BPD France SNC.

Par un arrêt n° 427259 du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 1, 3 et 4 de l'arrêt du 27 novembre 2018 et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Par une requête et des mémoires enregistrés, avant cassation, les 18 janvier et 6 juin 2017 les 8 mars et 4 juillet 2018 et, après cassation, le 12 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de dire que la société BPD France SNC a droit à une restitution complémentaire à celle déjà accordée par le tribunal administratif de Montreuil de 9 241 euros, au titre de l'exercice 2012 et de rejeter sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le ministre fait valoir que :

- il ne conteste pas l'application du régime d'intégration fiscale dite " horizontale " de façon rétroactive au titre des exercices non prescrits, dès lors que la requérante apporte la preuve que les conditions d'appartenance à ce régime sont remplies ; toutefois la demande de restitution de la société BPD France SNC est subordonnée à la production d'un accord de toutes les sous-filiales résidentes de France qu'elle aurait intégrées si la législation française avait été conforme au droit de l'Union européenne, notamment de la société Atlante pour 2012 et 2013 et de la société Mab Paribat pour 2013 dont les accords n'ont pas été produits ;

- la société BPD France SNC ayant présenté tardivement des conclusions subsidiaires définissant un nouveau périmètre d'intégration, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de frais.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique,

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Amedro, avocat de la SNC BPD.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit néerlandais Rabobank Nederland détient à 95% trois filiales néerlandaises, les sociétés BPD Frankrijk BV, MAB Development Group BV et KP Investments BV, qui détiennent à plus de 90 % des sociétés françaises, dont la société BPD France SNC, tête du groupe Bouwfonds Marignan Immobilier, la société MAB Development France, tête du groupe MAB, la société BFPHF 1, tête du groupe éponyme, et la SARL Domus. La société BPD France SNC a demandé la restitution d'une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales assises sur cet impôt dont elle s'était acquittée au titre des exercices clos en 2012 et en 2013 au motif que le régime prévu à l'article 223 A précité, en tant qu'il ne lui permettait pas de constituer un groupe d'intégration fiscale horizontale avec des sociétés soeurs et cousines dont certaines étaient également à la tête de groupes fiscaux intégrés et, par suite, d'imputer sur ses bénéfices imposables les déficits fiscaux de ces sociétés, était incompatible avec la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par un jugement du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a accordé une décharge partielle des impositions en litige et rejeté le surplus de la demande de la société BPD France SNC. Sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics, la cour administrative d'appel de Versailles a, par un arrêt du 27 novembre 2018, exclu les sociétés Mab Paribat et Atlante du périmètre de l'intégration fiscale horizontale constituée par la société BPD France SNC, ordonné le remboursement à l'administration fiscale de la partie des sommes dont le tribunal administratif de Montreuil avait accordé la restitution compte tenu de l'exclusion de ces deux sociétés, réformé en ce sens le jugement, et rejeté le surplus des conclusions d'appel du ministre, ainsi que les conclusions d'appel incident de la société BPD France SNC. Par un arrêt du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 1, 3 et 4 de l'arrêt du 27 novembre 2018, renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour et rejeté le pourvoi incident de la société BPD France SNC.

2. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés (...) membres du groupe (...). Seules peuvent être membres du groupe les sociétés (...) qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés (...) ". En vertu de l'article 46 quater-0 ZD de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction applicable aux années en litige, la société mère ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale prévu par l'article 223 A doit notifier cette option au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration du résultat d'ensemble et lui adresser notamment la liste des sociétés filiales qui seront membres du groupe ainsi que les attestations par lesquelles ces sociétés font connaître leur accord pour que la société mère retienne leurs résultats pour la détermination du résultat d'ensemble.

3. L'impossibilité de constituer un groupe fiscalement intégré entre des sociétés françaises détenues indirectement par une même société mère située dans un autre Etat membre constitue une entrave à la liberté d'établissement. La société qui sollicite rétrospectivement le bénéfice de la formation d'un groupe d'intégration fiscale " horizontale " entre de telles sociétés françaises doit produire, à la demande de l'administration et au plus tard devant le juge de l'impôt, dans le respect des conditions de fond auxquelles est subordonné le bénéfice de l'intégration fiscale, rappelées par les articles 46 quater-0 ZD et 46 quater-0 ZE de l'annexe III au code général des impôts, l'accord des sociétés membres du groupe d'intégration fiscale ainsi formé, sans que les conditions de délai prévues par ces articles ne trouvent à s'appliquer et sans qu'il ne soit exigé de faire usage à cette fin de documents conformes aux modèles établis par l'administration fiscale. Compte tenu des effets attachés à l'adhésion à un groupe fiscal intégré, lesquels ne se limitent pas à la renonciation par les sociétés membres du groupe au report des déficits non imputés, mais impliquent également, en particulier, une répartition entre ces sociétés de la charge fiscale découlant du résultat d'ensemble déterminé à partir des résultats de chacune d'elle, la demande de restitution, qui a la nature d'un litige d'assiette de l'impôt et non d'une action en responsabilité pour faute de l'administration fiscale, doit être intégralement rejetée lorsqu'il n'est pas justifié de l'accord de l'ensemble des sociétés incluses dans le périmètre du groupe fiscal intégré.

4. Le ministre ne conteste plus, dans le dernier état de ses écritures, qu'il ne saurait opposer l'absence d'exercice formel d'une option de la société BPD France SNC en faveur de la constitution d'un groupe d'intégration fiscale selon les modalités prévues par l'article 46 quater 0 ZD de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, ni exiger un accord de la société Rabobank, société tête de groupe, et des sociétés non résidentes intermédiaires. Le ministre oppose, en revanche, à la demande de restitution des impositions en litige, l'absence de production par la société BPD France SNC des accords des sous-filiales MAB Paribat et Atlante. Il résulte en effet de l'instruction que les filiales résidentes de France ont donné leur accord pour faire partie du groupe fiscalement intégré qu'aurait constitué la société BDP France SNC si la loi française avait été conforme au droit de l'Union, à l'exception des sociétés MAB Paribat et Atlante. La société BDP France SNC ne justifie pas que la production de l'accord de ces deux filiales était impossible ou excessivement difficile, dès lors que la cession alléguée de la société MAB Paribat au cours de l'exercice clos en 2013 n'est, en tout état de cause, pas établie et que, si la société Atlante avait été radiée du registre du commerce et des sociétés le 26 décembre 2014 à la suite de sa liquidation le 8 décembre 2014, cette radiation est intervenue postérieurement à la réclamation contentieuse du 2 décembre 2014. Il en résulte qu'à défaut d'accord de toutes les sociétés incluses dans le périmètre du groupe fiscal intégré initialement revendiqué par la société BPD France SNC, le ministre est fondé à soutenir que sa demande de restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés correspondant au résultat consolidé de ces sociétés devait être intégralement rejetée.

5. Toutefois, la société BDP France SNC présente en cause d'appel des conclusions subsidiaires tendant au bénéfice du régime d'intégration fiscale sur un périmètre d'intégration excluant les sociétés MAB Paribat et Atlante. Le ministre ne s'oppose pas, dans le dernier état de ses écritures, aux demandes de la société BPD France SNC limitées à ce périmètre d'intégration.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a intégralement fait droit à la demande et à demander à ce que la restitution à laquelle la société BDP France SNC a droit soit réduite aux impositions correspondant à un périmètre d'intégration excluant les sociétés MAB France et Atlante.

7. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que la société BPD France SNC demande au titre de l'article L. 761-1 du code général des impôts.

DECIDE :

Article 1er : La restitution des sommes de 601 771 euros et 6 336.250 euros accordée à la société BPD France SNC au titre des exercices clos en 2012 et 2013 par le tribunal est réduite à concurrence de l'exclusion des sociétés MAB France et Atlante du périmètre d'intégration.

Article 2 : Le jugement n° 1509686 du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'économie, des finances et de la relance et des conclusions de la société BPD France SNC est rejeté.

2

N° 21VE00152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00152
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-06;21ve00152 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award