Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental du Val d'Oise a procédé au retrait de son agrément en qualité d'assistante familiale et de condamner le département du Val d'Oise à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de cette décision.
Par un jugement n° 1806878 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2020 et un mémoire en réplique, enregistré le 25 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me Saadat, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental du Val d'Oise lui a retiré son agrément d'assistante familiale ;
3° de condamner le département du Val d'Oise à lui verser une somme totale de 40 000 euros en raison des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subis ;
4° de mettre à la charge du département du Val d'Oise la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 22 janvier 2018 est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée de vices de procédure résultant, d'une part, de la méconnaissance des délais de convocation devant la commission consultative paritaire départementale et, d'autre part, du non-respect du principe du contradictoire en raison de l'absence de communication des motifs de la décision et de l'impossibilité de présenter ses observations ;
- elle est entachée d'une erreur dans l'exactitude matérielle des faits, dès lors que ceux-ci ne sont pas établis ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- par conséquent, elle est fondée à obtenir réparation du dommage résultant de l'illégalité de la décision du 22 janvier 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2020, le département du Val d'Oise, représenté par Me Cazin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est dépourvue de moyens d'appel ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... E... a été agréée en qualité d'assistante familiale par le département du Val d'Oise, pour une durée de cinq ans, à compter du 2 février 2013. A la suite de la communication au département d'informations préoccupantes concernant son concubin, M. A... C..., relatives à des faits de harcèlement sexuel à l'encontre d'une adolescente de quinze ans précédemment hébergée au domicile de Mme E..., le département a suspendu pour une durée maximale de quatre mois l'agrément d'assistante familiale accordé à la requérante, par décision du 25 septembre 2017. Puis, par décision du 22 janvier 2018, prise après un avis favorable rendu par la commission consultative paritaire départementale, la présidente du conseil départemental du Val d'Oise a procédé, sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, au retrait de l'agrément de Mme E.... Par un courrier du 20 mars 2018, Mme E... a formé contre cette décision un recours gracieux et a sollicité le versement d'une somme totale de 40 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral résultant de l'illégalité de cette décision. Ces demandes ont été implicitement rejetées puis, par décision du 24 septembre 2018, la présidente du conseil départemental du Val d'Oise a expressément rejeté le recours gracieux dirigé contre la décision du 22 janvier 2018. Mme E... relève appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision portant retrait de son agrément d'assistante familiale et à la condamnation du département du Val d'Oise à réparer les préjudices résultant de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 22 janvier 2018 :
2. En premier lieu, Mme E... reprend en appel, sans apporter d'argumentation ou d'élément nouveau, les moyens soulevés en première instance tirés de ce que la décision attaquée serait entachée de vices de procédure résultant, d'une part, de la méconnaissance des délais de convocation devant la commission consultative paritaire départementale et, d'autre part, du non-respect du principe du contradictoire en raison de l'absence de communication des motifs de la décision et de l'impossibilité de présenter ses observations. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 3 à 6 du jugement attaqué.
3. En second lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles : " Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés ".
4. La décision de retrait d'agrément en litige rappelle la procédure préalable à son édiction, et notamment l'information reçue du service départemental de protection maternelle et infantile (PMI) de " faits graves survenus [au domicile de la requérante] avec une jeune fille qui [lui] avait été confiée " et d'un " dépôt d'une plainte du parent de cette jeune adolescente ", mentionne les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles et indique qu'elle est prise compte tenu de l'enquête en cours et de ce que les " conditions d'accueil et [...] l'environnement familial [...] ne permettent pas de garantir [la] santé, [la] sécurité et [l']épanouissement des enfants confiés ". Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme E..., la décision du 22 janvier 2018 comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 22 janvier 2018 :
5. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié (...) ". La décision par laquelle l'autorité administrative prononce le retrait de l'agrément d'un assistant familial constitue une mesure de police administrative prise dans l'intérêt des enfants ou jeunes adultes accueillis.
6. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis, et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.
7. En l'espèce, la présidente du conseil départemental du Val d'Oise a procédé au retrait de l'agrément de Mme E... à la suite de la transmission aux services de la PMI du département du Val d'Oise d'informations préoccupantes concernant des faits de harcèlement sexuels reprochés à M. A... C..., dont il est constant qu'il était, au moins jusqu'en octobre 2017, le concubin de Mme E..., qui auraient eu lieu durant le mois d'août 2017 à l'encontre d'une mineure de quinze ans, hébergée par la requérante au cours de l'année 2016.
8. D'une part, Mme E... soutient que les faits sur lesquels se fonde la décision du 22 janvier 2018 ne sont pas matériellement établis dès lors que la plainte pénale déposée par la mère de l'adolescente semble avoir été classée sans suite et qu'il n'est pas certain que M. C... soit l'auteur des faits reprochés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'une assistante de service social du centre hospitalier Théophile Roussel a adressé le 8 septembre 2017 à l'inspecteur de l'aide sociale à l'enfance du secteur de Rueil-Malmaison un courrier détaillant le contenu d'un entretien ayant eu lieu le 4 septembre 2017 entre une psychologue et la mineure concernée, au cours duquel cette dernière a fait part de l'envoi par M. C..., au cours du mois d'août 2017, de plusieurs SMS au contenu sexuel. Une copie d'un de ces SMS, particulièrement explicite, était jointe à ce courrier. Si cette copie ne comporte pas le numéro de portable de l'expéditeur, la simple mention du contact " Michel " permet, en l'espèce, d'établir l'identité dudit expéditeur, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la plainte pénale ait été déposée contre X. En outre, la circonstance alléguée que cette plainte aurait été classée sans suite est également sans incidence sur la matérialité des faits en cause, suffisamment établie par les éléments versés aux débats par le département du Val d'Oise. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les faits retenus pour fonder la décision litigieuse ne seraient pas établis doit être écarté.
9. D'autre part, Mme E... soutient que la décision du 22 janvier 2018 est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle ignorait que M. C... avait continué à communiquer avec l'adolescente après que celle-ci avait cessé d'être hébergée à son domicile, qu'elle n'avait par conséquent pas connaissance des faits reprochés à son ex-concubin, et qu'elle s'est par ailleurs séparée de celui-ci en octobre 2017. Elle soutient par conséquent que les conditions d'accueil proposées permettaient de nouveau, à la date de la décision en litige, de garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants et jeunes adultes hébergés.
10. Néanmoins, Mme E... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle ignorait les faits reprochés à M. C... dès lors que la présidente du conseil départemental doit évaluer l'opportunité d'un retrait de l'agrément d'assistante familiale à l'aune des conditions d'accueil effectives et des garanties apportées aux enfants et jeunes adultes hébergés par le titulaire de l'agrément et qu'au surplus l'ignorance alléguée traduit un manque de vigilance de la part de l'intéressée. Par ailleurs, si Mme E... produit des attestations rédigées par ses enfants et des proches qui, bien que peu circonstanciées, lui permettent d'établir que M. C... ne réside plus habituellement à son domicile, ce seul fait ne permet cependant pas de considérer que les conditions d'accueil proposées par Mme E... permettraient de garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants et jeunes adultes hébergés. Le département du Val d'Oise relève en effet que lorsque l'intéressée a été informée des faits reprochés à son concubin, sa première réaction a été de minimiser la gravité des faits et de déclarer que " les contacts viennent de la jeune et que le texto doit être contextualisé et qu'il s'agit peut-être d'une plaisanterie de second degré ". Il ressort également des pièces du dossier que Mme E... avait déjà été entendue en mars et avril 2017 par les services du département à la suite d'une situation présumée d'agression sexuelle, durant laquelle un adolescent hébergé aurait tenté d'embrasser de force, au domicile de Mme E..., une autre adolescente hébergée. La requérante avait alors affirmé aux équipes départementales que l'adolescente pouvait se montrer " assez affabulatrice ", puis avait indiqué ne pas voir " ce qu'elle pourrait changer dans son organisation pour prévenir ce genre d'incident ". Ainsi, le département du Val d'Oise est fondé à faire valoir que Mme E... n'a pas géré les situations évoquées avec la vigilance, l'écoute, l'adaptation et la réactivité nécessaires. Par suite, la présidente du conseil départemental était fondée à estimer que les conditions d'accueil et l'environnement familial ne permettaient pas d'assurer les garanties nécessaires à la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis au domicile de la requérante. Il suit de là que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 22 janvier 2018 serait entachée d'une erreur d'appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 22 janvier 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental du Val d'Oise a retiré son agrément d'assistante familiale est entachée d'illégalité et qu'elle doit, par suite, être annulée.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
12. Mme E... n'étant pas fondée, ainsi qu'il vient d'être dit, à soutenir que la décision du 22 janvier 2018 est entachée d'illégalité, ses conclusions indemnitaires doivent par voie de conséquence être rejetées, aucune faute de nature à engager la responsabilité du département du Val d'Oise ne résultant de l'instruction.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Val d'Oise, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Le département du Val d'Oise n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme E... le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le département du Val d'Oise et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Mme E... versera au département du Val d'Oise une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le département du Val d'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au département du Val d'Oise.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
M. B..., premier conseiller,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.
Le rapporteur,
B. B...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 20VE01023 2