Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Monde Com 91 a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la lettre du 14 décembre 2015, la décision du 26 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que la somme de 2 124 euros au titre de la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision du 30 mai 2016 rejetant son recours gracieux contre cette décision et de prononcer la décharge de ces deux contributions.
Par un jugement n° 1605268 en date du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2018, la SARL Monde Com 91, représentée par Me Gracia, avocat, demande à la cour :
1° à titre principal, d'annuler le jugement n° 1605268 en date du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Versailles ;
2° d'annuler la décision du directeur général de l'OFII en date du 14 décembre 2015 ;
3° d'annuler la décision du directeur général de l'OFII en date du 26 février 2016 ;
4° d'annuler la décision du directeur général de l'OFII en date du 30 mai 2016 ;
5° de la décharger du paiement des contributions spéciale et forfaitaire.
Elle soutient que :
- ces trois décisions émanent d'une autorité incompétente ;
- ces trois décisions sont insuffisamment motivées ;
- les décisions sont intervenues en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le procès-verbal d'infraction ne comporte aucune indication concernant l'identité de l'autorité ayant constaté le lieu de l'infraction et l'activité salariée exercée par le travailleur au moment du contrôle ;
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- elle n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale pour ces faits ;
- elle aurait dû bénéficier d'un taux de contribution spéciale réduit, à hauteur de 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti, en application des dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Schegin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une lettre en date du 3 mai 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation dirigées contre la lettre en date du 14 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique
- le rapport de Mme I...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 25 août 2015, les services de police ont procédé au contrôle d'un cyber café situé 7 rue Henri Rochefort à Evry (91) exploité par la SARL Monde Com 91. A cette occasion, ils ont constaté la présence, en situation de travail d'un ressortissant marocain, M. B... F... non autorisé à travailler en France, non déclaré et non autorisé à séjourner sur le territoire national. Par un courrier en date du 14 décembre 2015, l'OFII a informé la société de ce qu'il envisageait de lui appliquer la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours, ce qu'elle a fait par courrier du 22 décembre 2015. Par une décision du 26 février 2016, le directeur de l'OFII a mis à la charge de la SARL Monde Com 91 la contribution spéciale prévue par les dispositions du code du travail pour montant de 17 600 euros ainsi que la contribution forfaitaire prévue par les dispositions des articles L. 626-1 et R. 626-2 du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros. Par courrier du 18 avril 2016, la SARL Monde Com 91 a présenté un recours gracieux contre cette décision qui a fait l'objet d'un rejet par courrier du 30 mai 2016. La société a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de la lettre du 14 décembre 2015 et des décisions des 26 février et 30 mai 2016 ainsi que la décharge desdites contributions. Par un jugement n° 1605268 en date du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. La SARL Monde Com 91 relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions dirigées contre la lettre en date du 14 décembre 2015 :
2. La lettre en date du 14 décembre 2015 par laquelle le directeur général de l'OFII a informé la société de son intention de lui appliquer les contributions spéciale et forfaitaire et l'a invitée à présenter des observations dans un délai de quinze jours a le caractère d'un courrier d'information et ne constitue pas une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir. Les conclusions à fin d'annulation dirigées à son encontre doivent donc être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions en date des 26 février et 30 mai 2016 et à fin de décharge :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 5223-21 du code du travail : " Le directeur général [de l'Office français de l'immigration et de l'intégration] peut déléguer sa signature à tout agent de l'établissement exerçant des fonctions d'encadrement. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que la décision en date du 26 février 2016 décidant d'appliquer à la société requérante les contributions en litige est signée par Mme A... H... E..., adjointe au directeur de l'immigration, du retour et de la réinsertion des étrangers et la décision du 30 mai 2016 par Mme G... C..., adjointe au directeur de l'immigration, du retour et de la réinsertion des étrangers. Contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi que l'ont jugé les premiers juges, Mmes E... et C... bénéficiaient d'une délégation de signature régulièrement consentie par le directeur général de l'OFII par une décision du 17 juillet 2015 publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur le 15 août suivant, reconduite par une décision du 1er janvier 2016 publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur le 15 février 2015. La circonstance que les décisions attaquées n'aient pas visé ces délégations de signature est sans incidence sur leur légalité. Si la requérante soutient que cette délégation était conditionnée par l'absence ou l'empêchement de M. D..., directeur de l'immigration, du retour et de la réinsertion des étrangers qui ne serait pas établie, il lui appartient d'établir que ce dernier n'était ni absent, ni empêché pour signer les décisions attaquées. Le moyen doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la décision de l'OFII du 26 février 2016 se fonde explicitement, notamment, sur les dispositions des articles L. 8251-1, L. 8253-1, R. 853-2 du code du travail qui sont citées in extenso dans son verso. Elle mentionne qu'un procès-verbal d'infraction a été établi par les services de police de l'Essonne à la suite du constat du 25 août 2015 et l'identité du ressortissant marocain démuni de titre de séjour et de travail qui était employé dans le local de la société requérante. Cette décision est donc suffisamment motivée. Elle n'avait pas à mentionner l'identité de l'agent ayant dressé le procès-verbal du 25 aout 2015, le lieu où était exercée l'activité salariée mise en cause, non plus qu'elle n'avait à rappeler les éléments caractérisant la matérialité de l'activité salariée alléguée pour satisfaire aux exigences légales de motivation des décisions administratives. Par ailleurs, les décisions qui se bornent à rejeter un recours administratif contre une décision devant, en vertu de la loi du 11 juillet 1979, être motivée, n'ont pas à être motivées dès lors que la décision initiale l'était suffisamment. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions attaquées doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux ". Aux termes de l'article R. 8253-1 du même code : " La contribution spéciale prévue par l'article L 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ".
7. Si la société soutient que le procès-verbal d'infraction ne permettrait pas d'identifier " l'autorité constatante ", non plus que le lieu des faits allégués, en tout état de cause, il résulte de la lecture même de ce procès-verbal dressé le jour du contrôle, que ces allégations manquent en fait. Si la société soutient que la matérialité des faits ne serait pas établie, il résulte de l'instruction et notamment de ce même procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve du contraire que, à leur entrée dans les lieux, les policiers ont constaté la présence, derrière le comptoir, d'un homme auquel un client demandait d'effectuer des photocopies, demande à laquelle l'homme a déféré contre rémunération. Auditionné le même jour par les services de police, cet homme, qui était donc en situation de travail au moment du contrôle, a déclaré travailler dans ce cyber café depuis dix jours pour effectuer des tâches de photocopies, tenue de la caisse, gestion du taxiphone. Il a déclaré ne pas avoir d'horaires fixes de travail et ne pas encore avoir touché son salaire au jour du contrôle. Si la gérante de la société, auditionnée à son tour, a nié les faits, elle n'a été en mesure de fournir aucun élément permettant d'expliquer la présence de M. F... en situation de travail, et tenant la caisse, le jour du contrôle. Si la société soutient, par la production d'un extrait du grand livre général et du journal de l'activité messagerie de de la société qu'il n'y aurait eu aucune activité du 21 juillet 2015 au 1er septembre 2015, ces éléments ne suffisent pas à contredire les affirmations du salarié qui a indiqué, précisément, avoir été recruté un samedi 15 août. Enfin, la circonstance que la société n'ait fait l'objet d'aucune condamnation pénale pour les faits de travail dissimulé et emploi d'un travailleur en situation irrégulière de séjour en France est sans incidence sur l'appréciation de la matérialité desdits faits. Le moyen doit donc être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. -Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. -Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ".
9. Contrairement à ce que soutient la société Monde Com 91, il résulte du procès-verbal d'infraction qu'elle ne s'est pas rendue coupable d'une seule infraction mais d'un cumul d'infractions, et notamment des infractions d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié et d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France. Par suite, la sanction ne relevait d'aucun des deux taux réduits prévus par le II et le III de l'article R. 8252-2 du code du travail, qui prévoient que le montant de la contribution spéciale peut être réduit à 2 000 ou 1 000 fois le taux du minimum garanti lorsque le procès-verbal de constatation d'infraction ne mentionne que l'emploi d'un étranger sans autorisation de travail ou lorsque l'employeur s'est acquitté envers son employé, dans le délai de 30 jours prévu par l'article L. 8252-4 du code du travail, de l'intégralité des salaires et indemnités prévus par l'article L. 8252-2 du même code, ce qui n'est pas établi, ni même allégué en l'espèce.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Monde Com 91 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions attaquées ou à la décharge, totale ou partielle des sommes mises à sa charge.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Monde Com 91 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Monde Com 91 est rejetée.
Article 2 : La société Monde Com 91 versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Monde Com 91 et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2021 à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
M. Coudert, premier conseiller,
Mme I..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 29 juin 2021.
La rapporteure,
H. I...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N°18VE00439 2