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28/06/2021 | FRANCE | N°19VE03416

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 juin 2021, 19VE03416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois du 15 février 2018 prononçant sa révocation, ensemble la décision du 3 mai 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1805144 du 21 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 22 août 2019, 4 octobre 2020, et 8 février 2021, M.

D..., représenté par Me Ambroselli, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois du 15 février 2018 prononçant sa révocation, ensemble la décision du 3 mai 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1805144 du 21 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 22 août 2019, 4 octobre 2020, et 8 février 2021, M. D..., représenté par Me Ambroselli, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aulnay-sous-Bois la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de révocation repose sur une appréciation erronée des faits et de son engagement en faveur des habitants en difficulté, le tribunal ayant fait une application restrictive de la liberté d'expression et d'opinion garantie aux fonctionnaires par la Constitution et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a seulement cherché à revitaliser le débat démocratique ; il n'a fait l'objet d'aucune plainte ; il a participé à des réunions fructueuses et oeuvré notamment en faveur d'un rapprochement entre la police et la population ; ses actions visent à transmettre le mécontentement des habitants ; elles sont conformes à sa fiche de poste ; les poursuites judiciaires dont il a fait l'objet ont échoué ;

- cette décision de révocation constitue une manoeuvre pour réduire au silence un fonctionnaire dévoué ;

- la sanction prononcée est disproportionnée ; il n'a jamais troublé l'ordre public et n'a jamais fait l'objet de poursuites disciplinaires antérieurement ; seule une exclusion de trois mois était demandée par la commune ; il fait l'objet d'accusations calomnieuses ; il n'a jamais insulté le maire et le député.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me E..., pour la commune d'Aulnay-sous-Bois.

Considérant ce qui suit :

1. Recruté par la commune d'Aulnay-sous-Bois en qualité d'adjoint d'animation contractuel en 2008, M. D... a été titularisé à compter du 1er mars 2011 et a exercé les fonctions de responsable d'antenne jeunesse au sein de la direction de la jeunesse, dans le quartier de Chanteloup. Par un courrier du 29 mai 2017, le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois a informé M. D... qu'il envisageait de prononcer à son encontre une sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de trois mois et qu'il saisissait la formation disciplinaire de la commission administrative paritaire afin qu'elle émette un avis. Lors de sa séance du 17 novembre 2017, le conseil de discipline a émis un avis favorable à la révocation de M. D.... Par un arrêté du 15 février 2018, le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois a prononcé la révocation de M. D... à compter du 1er mars 2018. Le recours gracieux formé par l'intéressé à l'encontre de cet arrêté a été rejeté par une décision du 3 mai 2018. M. D... relève appel du jugement du 21 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

2. D'une part, aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 89 de la loi portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ".

4. Si les fonctionnaires ont, comme tout citoyen, le droit à la liberté d'opinion, ils sont tenus, lorsqu'ils s'expriment, de le faire dans des conditions qui ne constituent pas une méconnaissance de leur part de l'obligation de réserve à laquelle ils restent tenus envers leur administration. Par ailleurs, le comportement d'un fonctionnaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction s'il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration. Enfin, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport circonstancié de saisine du conseil de discipline qui détaille précisément les fautes reprochées à M. D..., que ce dernier, en congé de maladie depuis le 31 mai 2016, a perturbé par ses déclarations publiques et son comportement le bon déroulement du service et jeté le discrédit sur l'administration qui l'emploie entre les mois de février 2017 et juin 2017, en dépit de plusieurs rappels à l'ordre. A cet égard, si l'intéressé soutient que la décision de révocation repose sur une appréciation erronée des faits, il ressort des pièces du dossier qu'il a notamment, en sa qualité de président et de porte-parole de l'association " Force citoyenne ", mis en cause publiquement et de manière virulente l'action de la commune d'Aulnay-sous-Bois au sujet du déplacement du marché de la Rose des Vents. Il a également eu, à cette occasion, le 7 mars 2017, une attitude à tout le moins intimidante à l'égard de la directrice du développement économique et commercial, en lui reprochant en termes vifs l'absence d'agents de sa direction lors d'une réunion d'une " amicale des locataires ". En outre, il ressort d'un rapport circonstancié établi le 5 mai 2017 par le directeur général adjoint des services de la commune que l'intéressé, accompagné le 27 avril 2017 de plusieurs habitants du quartier de la Rose des Vents, a investi le hall de l'hôtel de ville en déclarant qu'ils ne quitteraient pas les lieux sans avoir été reçus par le directeur de cabinet, la première adjointe ou le maire, a eu des " échanges vifs " avec le directeur général adjoint des services, et que, dans un souci d'apaisement, le directeur de cabinet et le directeur général des services ont consenti à les recevoir pour un entretien. Par ailleurs, le requérant a fait état, sur le réseau social Facebook, de son mouvement politique " Démocratie représentative - La révolution est en marche ", et publié à cette occasion plusieurs déclarations, sous le titre " La guerre est déclarée entre les habitants et la mairie ", mettant gravement en cause le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois, son directeur de cabinet et l'adjoint en charge du commerce. Il ressort également des pièces du dossier qu'au cours des mois d'avril et de mai 2017, l'intéressé a mis en cause sur le même réseau social l'action, d'une part, du directeur de la police municipale en réclamant sa démission en raison de sa supposée incompétence et, d'autre part, de la municipalité à l'occasion de " l'affaire Théo " dont les faits sont survenus en février 2017. Enfin, il ressort d'un courriel d'un conseiller municipal adressé le 19 juin 2017 au maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois que le requérant a, la veille, publiquement tenu des propos orduriers à l'égard du maire de la commune et d'un candidat aux élections législatives. Si l'intéressé conteste ces faits en produisant une attestation établie le 3 janvier 2021 par un tiers se présentant comme un témoin, ce document, peu développé, ne permet pas à lui seul de remettre en cause les mentions circonstanciées du courriel du 19 juin 2017. Enfin, si le requérant fait valoir qu'il a été contraint de déposer plainte à plusieurs reprises pour des faits de diffamation et de dénonciations calomnieuses, et que des plaintes déposées contre lui ont été finalement retirées, ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits susmentionnés, laquelle est suffisamment établie par les pièces du dossier. Il n'est pas établi que la révocation en litige constitue une manoeuvre visant à réduire au silence M. D.... Dans ces conditions, les faits reprochés à M. D... caractérisent des manquements graves à son obligation de réserve, nonobstant la circonstance qu'il était en congé de maladie au cours de la période en cause, et sont incompatibles avec ses fonctions auprès des habitants de la commune. Dans les circonstances de l'espèce et alors même qu'il n'avait jamais fait l'objet de sanctions disciplinaires auparavant, la sanction de révocation prononcée à son encontre n'est pas disproportionnée et n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Aulnay-sous-Bois au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aulnay-sous-Bois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 19VE03416 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03416
Date de la décision : 28/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : AMBROSELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-28;19ve03416 ?
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