La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2021 | FRANCE | N°19VE02562

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 24 juin 2021, 19VE02562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du maire de la commune de Villetaneuse du 8 décembre 2017 rejetant sa demande préalable, d'enjoindre à la commune de Villetaneuse de lui accorder la protection fonctionnelle, de la placer dans une position statutaire régulière et de saisir sans délai le comité médical et la commission de réforme, de condamner la commune de Villetaneuse à lui verser la somme de 21 500 euros au titre de son préjudice moral, de santé et

de carrière, et la somme de 5 167,62 euros au titre des frais de procédure,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du maire de la commune de Villetaneuse du 8 décembre 2017 rejetant sa demande préalable, d'enjoindre à la commune de Villetaneuse de lui accorder la protection fonctionnelle, de la placer dans une position statutaire régulière et de saisir sans délai le comité médical et la commission de réforme, de condamner la commune de Villetaneuse à lui verser la somme de 21 500 euros au titre de son préjudice moral, de santé et de carrière, et la somme de 5 167,62 euros au titre des frais de procédure, et de mettre à la charge de cette commune la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802336 du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 8 décembre 2017 en tant qu'elle rejette la demande de Mme C... tendant à sa reprise de fonctions dans le cadre de l'examen d'un reclassement, enjoint au maire de la commune de Villetaneuse de saisir le comité médical en vue du réexamen de la demande de Mme C..., dans un délai de trois mois et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 15 juillet 2019, 5 septembre 2019 et 29 mai 2021, Mme C..., représentée par Me B..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Villetaneuse du 8 décembre 2017 rejetant sa demande de protection fonctionnelle ;

3°) de condamner la commune de Villetaneuse à lui verser la somme de 21 500 euros en réparation de son préjudice de carrière, ainsi que la somme de 7 543,62 euros TTC au titre des frais de procédure ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Villetaneuse la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur la totalité des faits qu'elle a rapportés et attestés par des éléments de preuve ; son mémoire complémentaire, enregistré le 6 mars 2019, n'a pas été pris en compte et versé aux débats ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ; ils ont renversé la charge de la preuve ;

- elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de certains de ses subordonnés et de sa hiérarchie, justifiant l'octroi de la protection fonctionnelle ; en raison de son engagement politique, sa hiérarchie a entendu l'écarter du service et la sanctionner en envisageant de ne pas procéder à sa titularisation ; si elle a été finalement titularisée, c'est au prix d'un grave préjudice moral et de carrière ; ces agissements portent atteinte à sa dignité et à sa carrière, et ont entraîné une dégradation de son état de santé nécessitant un placement en congé de maladie à plusieurs reprises ; par un arrêté du 10 août 2016, la commune de Villetaneuse a reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 29 octobre 2015 ; elle est, à ce jour, encore en arrêt de travail ;

- la commune de Villetaneuse a méconnu son obligation de protection et de prévention des risques psycho-sociaux, résultant des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, et des articles 2-1 et 3 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; elle aurait dû saisir le CHSCT et diligenter une enquête interne, en application des articles 38, 39 et 41 du même décret ;

- elle a subi un préjudice au titre de l'atteinte à sa santé qui peut être évalué à la somme de 10 000 euros, un préjudice lié à son placement à demi-traitement qui justifie le versement d'une somme de 6 000 euros, un préjudice lié aux frais de recherche d'emploi de 500 euros, un préjudice de carrière qui peut être évalué à la somme de 5 000 euros ; en outre les frais de procédure qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits doivent être pris en charge par la commune, à hauteur de 7 543,62 euros TTC.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- les observations de Me B..., pour Mme C..., et celles de Me A..., substitut de Me E..., pour la commune de Villetaneuse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été nommée attachée territoriale stagiaire à compter du 1er juin 2013 afin d'exercer les fonctions de responsable du service d'action sociale de la commune de Villetaneuse. Par un courrier daté du 20 octobre 2017, reçu par l'administration le 23 octobre suivant, le conseil de la requérante a demandé à ce que celle-ci bénéficie de la protection fonctionnelle en raison de faits de harcèlement moral, d'un reclassement sur un autre emploi, ainsi que le versement d'une somme de 21 500 euros en réparation de ses préjudices. Par un courrier du 8 décembre 2017, reçu le 10 janvier 2018, le maire de la commune de Villetaneuse a rejeté ces demandes. Par un jugement du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de Mme C... tendant à sa reprise de fonctions dans le cadre d'un reclassement, enjoint à la commune de Villetaneuse de saisir le comité médical en vue du réexamen de sa demande, et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et, d'autre part, au versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, Mme C... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le tribunal n'ayant pas répondu à tous les moyens dont il était saisi et s'étant abstenu de se prononcer sur la totalité des faits qu'elle a rapportés. Toutefois, Mme C... n'apporte aucune précision quant aux moyens auxquels le tribunal n'aurait pas répondu. En outre, si elle pointe dans ses écritures treize catégories d'éléments de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet, d'une part, aucune précision n'est apportée quant aux faits précis sur lesquels il ne se serait pas prononcé et, d'autre part, dès lors que le tribunal a jugé qu'aucun des faits allégués ne faisait présumer l'existence d'un harcèlement moral, il n'était pas tenu à peine d'irrégularité du jugement attaqué d'énumérer précisément chacun de ces faits. En outre, le mémoire en réplique de la requérante, enregistré le 6 mars 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 7 janvier 2019, a été visé et pris en compte par le jugement attaqué. S'il n'a pas été communiqué à la commune, il n'est pas établi qu'il comportait des éléments nouveaux que Mme C... n'était pas en mesure de faire valoir antérieurement. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

3. En second lieu, si Mme C... soutient que le tribunal a commis une erreur de droit, une erreur d'appréciation et inversé la charge de la preuve, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

Au fond :

4. Mme C... soutient que le refus de protection fonctionnelle dont elle a fait l'objet est entaché d'illégalité et que la commune de Villetaneuse a commis une faute d'une part en refusant cette protection et d'autre part en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité de ses agents.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". Aux termes de l'article 11 de cette même loi : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

6. D'une part, les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

7. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, par le courrier du 20 octobre 2017, Mme C... a demandé à la commune de Villetaneuse le bénéfice de la protection fonctionnelle au motif qu'elle était victime de faits de harcèlement moral de la part de certains de ses subordonnés et de sa hiérarchie. A l'appui de cette demande, la requérante dénonçait des atteintes graves et répétées à sa santé, sa dignité et sa carrière en faisant état d'une remise en cause de son action, de pratiques réitérées tendant à la discréditer et à l'humilier, et de l'inertie de sa hiérarchie. Il résulte de l'instruction et, notamment, des termes du courrier du maire de la commune de Villetaneuse du 8 décembre 2017, que la commune a refusé de faire droit à cette demande au motif que les faits invoqués par la requérante, en particulier les tentatives d'éviction dont elle aurait fait l'objet en raison de son engagement politique, ne reposaient " sur aucun élément sérieux ".

9. Mme C... soutient qu'elle n'a pu exercer ses fonctions dans des conditions normales en raison d'importants dysfonctionnements du service, qu'elle a subi une remise en cause de ses compétences, notamment managériales, que son investissement et son sérieux ont été contestés, que son autorité, son autonomie et ses responsabilités ont été progressivement supprimées, qu'elle n'a pas été soutenue par sa hiérarchie, notamment à l'occasion du conflit qui l'a opposée à certains agents défaillants du service, que son intégrité psychique a été mise en danger, que la commune a tenté de faire échec à sa titularisation sans aucun motif, qu'elle a été victime de nombreuses intimidations et d'une discrimination liée à son engagement politique, que des effets personnels lui ont été dérobés sur son lieu de travail et qu'elle a été irrégulièrement maintenue hors du service depuis le 13 décembre 2017. Toutefois, si, comme le fait valoir la requérante, le maire de la commune de Villetaneuse a envisagé de ne pas procéder à sa titularisation, il est constant que celle-ci est intervenue à compter du 1er juin 2014 à l'issue de son stage. En tout état de cause, il résulte de l'instruction, en particulier de deux de ses rapports d'évaluation de stage établis respectivement les 25 novembre 2013 et 28 février 2014, que l'incertitude liée à sa titularisation résultait des difficultés rencontrées par l'intéressée dans ses missions d'encadrement et d'organisation du service, en particulier s'agissant de sa capacité à évaluer l'activité des agents placés sous son autorité et à déléguer certaines tâches aux membres de son équipe, et de sa " maturité professionnelle pour gérer des situations tendues, notamment en présence du public ". Par ailleurs, si l'intéressée a rencontré des difficultés relationnelles persistantes avec trois de ses subordonnés, dont la responsable du pôle séniors, ces tensions ne sont pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement de la part de ces agents. Il résulte d'ailleurs de l'instruction, et notamment d'un courriel de sa supérieure hiérarchique du 31 octobre 2013, que, contrairement à ses affirmations, l'intéressée a reçu à cette occasion le soutien et un appui concret de sa hiérarchie. Si Mme C... conteste les témoignages de deux agents du service, établis les 8 décembre 2017 et 23 mars 2018, mentionnant ses difficultés managériales et relationnelles, ces documents sont suffisamment circonstanciés et sont en outre corroborés par les rapports d'évaluation susmentionnés. De même, à la suite d'un incident survenu le 4 septembre 2015 entre Mme C... et des agents de son service, ayant donné lieu à un entretien le 11 septembre suivant avec le directeur général adjoint des services, l'intéressée a reconnu " qu'il aurait convenu de se réadapter " et a admis " une incapacité à manager sur d'autres bases ". Si la requérante verse au dossier plusieurs attestations établies par des proches ou d'anciens collègues faisant état de ses qualités humaines et professionnelles, ces documents ne sont pas de nature à corroborer ses allégations et faire présumer le harcèlement qu'elle invoque à l'appui de sa demande de protection fonctionnelle. En outre, si la requérante soutient que le harcèlement dont elle a été victime s'est aggravé lorsque le maire de la commune de Villetaneuse a découvert son engagement politique en faveur d'une formation politique qui n'était pas la sienne et sa qualité d'élue au sein de la commune de Clichy-la-Garenne, aucune des pièces versées au dossier ne permet de le présumer, non plus qu'une discrimination ou un lien quelconque entre les activités politiques de l'intéressée et le contenu de ses rapports d'évaluation, ou les interrogations de la commune s'agissant de sa titularisation à l'issue de son stage. En particulier, il n'est pas établi que Mme C... aurait été illégalement placée en congé sans solde pour absence de service fait. De plus, il n'est pas établi que Mme C... aurait été incitée à quitter la collectivité par sa hiérarchie, les pièces du dossier de première instance faisant seulement apparaître qu'elle a elle-même effectué des recherches en ce sens. Si dans son courrier du 8 décembre 2017, le maire de Villetaneuse a indiqué à Mme C... que son changement d'affectation serait décidé à son retour de congé maladie le 13 décembre 2017 après visite médicale, les termes de ce courrier ne font nullement présumer l'existence d'un harcèlement moral. Le vol du téléphone portable de la requérante le 6 juin 2014 et la perte de son agenda le 28 octobre 2015, retrouvé dans les toilettes de la collectivité le même jour, ne sont pas de nature à établir d'actes d'hostilité à son égard et à faire présumer le harcèlement qu'elle allègue. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme C... a continué à être placée en congé pour maladie professionnelle au-delà du 13 décembre 2017 de sorte qu'elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait illégalement maintenue en dehors du service et que la commune chercherait à l'isoler en lui fournissant aucune information, en particulier en ce qui concerne les réunions de la commission de réforme. Dans ces conditions, et alors même que Mme C... a présenté, à partir de septembre 2014, un syndrome anxio-dépressif nécessitant son placement en congé de maladie et que la maladie contractée le 29 octobre 2015 a été reconnue imputable au service par un arrêté du maire de la commune de Villetaneuse du 8 août 2016, les éléments produits par l'intéressée ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 qui auraient justifié l'octroi de la protection fonctionnelle.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " En application de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Aux termes de son article 41 : " Le comité procède, dans le cadre de sa mission d'enquête en matière d'accidents du travail, d'accidents de service ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel, à une enquête à l'occasion de chaque accident du travail, chaque accident de service ou de chaque maladie professionnelle ou à caractère professionnel au sens des 3° et 4° de l'article 6 (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents.

11. D'une part, il résulte de ce qui précède qu'aucun harcèlement n'étant présumé à l'encontre de Mme C..., il ne peut être reproché à la commune de Villetaneuse de n'avoir pas pris les mesures nécessaires permettant de prévenir sa survenance.

12. D'autre part, si Mme C... peut être regardée comme soutenant, de manière plus générale, que l'administration a manqué à ses obligations résultant des dispositions précitées en s'abstenant de toute intervention concrète et efficace pour mettre fin à la dégradation de ses conditions de travail, aucun des éléments qu'elle avance, notamment celui tiré de ce que sa maladie contractée le 29 octobre 2015 a été reconnue imputable au service, ne suffisent à établir que la commune aurait commis une faute en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires à la protection de sa santé et de sa sécurité, et notamment, dans les circonstances de l'espèce, de saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de diligenter une enquête interne.

13. Enfin et en tout état de cause, Mme C... se borne, en particulier dans son mémoire complémentaire enregistré le 5 septembre 2019, à demander réparation intégrale de son préjudice résultant de la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle qu'elle a vainement sollicitée. Elle ne saurait ainsi obtenir réparation, y compris le cas échéant, sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'administration, des préjudices résultant de sa maladie professionnelle.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et, d'autre part, à ce que la commune de Villetaneuse soit condamnée à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villetaneuse qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme réclamée par Mme C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme réclamée par la commune de Villetaneuse au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Villetaneuse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 19VE02562 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02562
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-24;19ve02562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award