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24/06/2021 | FRANCE | N°19VE01990

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 24 juin 2021, 19VE01990


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la décision implicite rejetant sa demande d'attribution d'un crédit d'heures de repos compensateurs, de condamner l'Etat à créditer le nombre d'heures dues, soit 197 heures et 44 minutes, au titre de repos compensateurs à l'indice 492, et à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dommages intérêts, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai fixé par le tribunal,

et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la décision implicite rejetant sa demande d'attribution d'un crédit d'heures de repos compensateurs, de condamner l'Etat à créditer le nombre d'heures dues, soit 197 heures et 44 minutes, au titre de repos compensateurs à l'indice 492, et à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dommages intérêts, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai fixé par le tribunal, et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros justifiée par la différence des taux de pension de retraite en fonction de la date de son départ effectif et la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi et des contraintes liées à la présente procédure, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement no 1708135 du 1er avril 2019, le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 31 mai 2019, 7 septembre et 8 octobre 2020 et 9 mai 2021, M. B..., représenté par Me Ansquer, avocat, doit être regardé comme demandant à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande d'attribution d'un crédit d'heures de repos compensateur ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 909,18 euros en compensation des heures de repos compensateur dont il a été privé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros TTC en réparation de son préjudice, somme majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa première demande indemnitaire préalable, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a prononcé un non-lieu à statuer alors qu'il n'a pas été fait droit à sa demande de bénéficier de vingt-deux jours de congés au titre des repos compensateurs en application du décret du 23 octobre 2002 modifié ;

- le jugement est également irrégulier dès lors qu'il a accueilli la fin de non-recevoir opposée en défense, tirée de l'absence de liaison du contentieux au moment où il a introduit sa demande de première instance ;

- il démontre un droit à bénéficier de 197 heures et 45 minutes, soit 25,0825 jours, de repos compensateur prévu par l'article 1er du décret du 23 octobre 2002, modifié par le décret du

30 janvier 2017 ;

- dès lors qu'il a été admis à la retraite à compter du 1er juin 2019, il a droit à une compensation indemnitaire pour ce repos compensateur non pris, au titre de l'illégalité fautive constituée par le refus de lui accorder ce droit au repos ;

- l'administration a commis une faute simple en raison des dysfonctionnements du service de gestion du personnel qui est avérée par le refus d'appliquer la réglementation en vigueur ;

- le préjudice indemnisable résultant de ces fautes correspond à la rémunération des heures dues sur la base de son indice réel, soit la somme de 2 909,18 euros ;

- il subit un préjudice moral à raison du refus de lui accorder des jours de repos compensateur et des procédures entreprises en conséquence, lequel est indemnisable par l'octroi de la somme de 5 000 euros.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée du travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale, modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de M. B....

Une note en délibéré présentée pour M. B..., par Me Ansquer, avocat, a été enregistrée le 9 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., fonctionnaire de police depuis le 1er mars 1984 et nommé au grade de brigadier de police, a été affecté, le 1er septembre 2005, à sa demande, à la section motocycliste d'escorte de la Compagnie Républicaine de Sécurité n° 1 de Vélizy-Villacoublay. Par la requête susvisée, M. B... fait appel du jugement du 1er avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite rejetant sa demande d'attribution de jours de repos compensateur, a rejeté ses conclusions tendant à la réparation de l'absence de reconnaissance de son crédit d'heures de repos compensateur, du manque à gagner en résultant sur sa pension de retraite et sur sa prime de fidélisation en secteur difficile et de son préjudice moral.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le tribunal administratif de Versailles a considéré que la demande présentée par M. B..., tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande d'attribution d'un crédit d'heures de repos compensateur, était devenue sans objet au motif que la totalité des repos compensateurs sollicités avait été accordée par décision du

28 septembre 2017 et que M. B... avait pu les utiliser en novembre et décembre 2017 comme l'atteste le tableau des congés de l'intéressé du second semestre 2017. Cependant, il ressort des termes même de l'avis hiérarchique émis le 28 septembre 2017, ainsi que des échanges ultérieurs avec sa hiérarchie produits par le demandeur, que les jours de congés au titre des repos compensateurs ont fait l'objet d'une réserve de la part de la hiérarchie, dans l'attente d'instruction sur le nouveau dispositif issu du décret n° 2017-109 du 30 janvier 2017, l'accord hiérarchique portant sur les congés d'une autre nature sollicités par l'intéressé. En outre, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... a été rappelé pour reprendre son service à compter du 5 février et jusqu'au 7 mars 2019, afin de pallier les jours de congés manquants du fait de l'absence de jours octroyés au titre du repos compensateur, comme en atteste l'avis hiérarchique figurant sur le compte-rendu du 27 janvier 2019. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande dont ils étaient saisis était devenue sans objet et ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable au litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".

4. Le tribunal administratif a rejeté comme irrecevable la demande indemnitaire présentée par M. B... au motif que sa réclamation indemnitaire préalable avait été présentée le

16 avril 2018, soit postérieurement à la date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif de Versailles, le 21 novembre 2017. Toutefois, la condition de recevabilité d'une requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration liant le contentieux doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'à cette date, en l'absence de réponse apportée à la réclamation de M. B..., une décision implicite était née, nonobstant la fin de non-recevoir opposée en défense par l'administration le 12 octobre 2018. Dès lors qu'une décision implicite de rejet est intervenue en cours d'instance, de nature à régulariser sur ce point la requête, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement no 1708135 du tribunal administratif de Versailles en date du 1er avril 2019 est entaché d'irrégularités et doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. B....

Sur le fond :

6. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002, dans sa version modifiée par le décret du 30 janvier 2017, applicable au litige : " Pour l'organisation du travail des fonctionnaires actifs des services de la police nationale, il est dérogé aux garanties minimales mentionnées au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, lorsque les tâches de sécurité et de paix publiques, de police judiciaire et de renseignement et d'information, qui leur sont confiées, l'exigent. / Cette dérogation doit toutefois respecter les conditions suivantes : / 1° La durée hebdomadaire de travail mesurée, pour chaque période de sept jours, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder quarante-huit heures en moyenne sur une période d'un semestre (...) ; / 2° Les agents bénéficient d'un repos journalier de onze heures consécutives, au minimum, au cours de chaque période de vingt-quatre heures ; / 3° Les agents bénéficient, aux cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier. Si des conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures peut être retenue ; / 4° Lorsque les repos mentionnés aux 2° et 3° sont réduits ou non pris en raison des nécessités d'assurer la protection des personnes et des biens, ils sont compensés par l'octroi de périodes équivalentes de repos compensateur. Les agents bénéficient de ces repos compensateurs avant la période de travail immédiatement postérieure ou, si les nécessités de service l'imposent, dans un délai rapproché garantissant la protection de leur santé. Dans le cas d'événements d'une particulière gravité qui imposent un engagement important des forces de sécurité ne permettant pas le bénéfice de ces repos, l'autorité hiérarchique assure une protection appropriée de la santé et de la sécurité des agents leur permettant de récupérer de la fatigue engendrée par le travail. Dans le cas d'évènements d'une gravité exceptionnelle qui imposent un engagement durable et important des forces de sécurité, l'autorité hiérarchique assure leur santé et leur sécurité dans toute la mesure du possible. ".

7. Il résulte de l'instruction, en particulier du relevé détaillé des horaires de prise et de fin de fonctions, établi par M. B... et validé par son supérieur hiérarchique, qu'à compter du 1er février 2017, M. B... a enchainé à plusieurs reprises des vacations, sans que la durée minimale de repos journalier de onze heures consécutives ne soit respectée, pour une durée totale cumulée de 195 heures et 14 minutes. Le 30 août 2017, le requérant a sollicité l'attribution d'un crédit horaire de repos compensateur au titre des heures ainsi cumulées. Cette demande, transmise pour étude, n'ayant reçu aucune réponse, l'intéressé a, le 28 septembre, demandé à être placé en congés du 23 octobre 2017 au 30 mai 2019, avant sa mise à la retraite le 1er juin 2019. Il a réitéré sa demande le 31 octobre 2017, en joignant un calendrier de congés comportant notamment vingt-quatre jours de repos compensateur au titre du crédit d'heures de repos journalier cumulées. Ainsi qu'il a été dit au point 2., cette demande n'a pas été acceptée, l'administration ne soutenant d'ailleurs plus en appel que M. B... aurait effectivement bénéficié de jours de congés à ce titre au cours de la période de congés qui a précédé son départ à la retraite.

8. En premier lieu, si M. B... soutient qu'il n'a pu bénéficier avant le 23 octobre 2017 de périodes de repos compensateurs au moins équivalentes aux heures de repos journalier manquantes qu'il a cumulées, le requérant n'allègue pas avoir déposé de demande en ce sens auprès de sa hiérarchie avant le 30 août 2017 alors que ces repos compensateurs, destinés à protéger la santé de l'agent et ne constituant pas un droit à congés, doivent être pris au cours de la période de travail immédiatement postérieure ou, si les nécessités de service l'imposent, dans un délai rapproché suivant celui au cours duquel la durée de repos journalier n'a pu être respectée. A cet égard, l'intéressé n'invoque aucune circonstance d'une particulière gravité ou d'une gravité exceptionnelle qui l'aurait empêché de bénéficier de ses droits à repos compensateur.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'organisation du service au sein de la section motocycliste d'escorte de la Compagnie Républicaine de Sécurité n° 1 de

Vélizy-Villacoublay repose sur un cycle de travail défini du mercredi au mardi de la semaine suivante dont le service ordinaire fixe la prise de fonctions à 9 heures et la fin de fonctions à

17 heures 53. Entre le 1er février et le 23 octobre 2017, M. B... a été placé à intervalles réguliers dans des positions, notamment celle de service ordinaire ou celle de repos compensateur. Ces positions lui ont permis de bénéficier de plus de onze heures consécutives de repos, ainsi que cela ressort des fiches individuelles produites au dossier, notamment pour la période du 1er au 15 février discutée entre les parties, la circonstance que l'administration n'a pas tenu de décompte des heures de repos inter-vacations manquantes, alors que l'indicateur de suivi afférent n'a été rendu obligatoire que par l'arrêté du 5 septembre 2019 portant sur l'organisation relative au temps de travail dans les services de la police nationale, étant sans incidence sur ce point. Dans ces conditions, dès lors que les récupérations d'heures supplémentaires induisent un tel repos, M. B..., dont la durée maximale hebdomadaire de travail doit s'apprécier en moyenne sur une période d'un semestre glissant, ne démontre pas ne pas avoir bénéficié au cours de ses derniers mois d'activité de repos compensateurs, lesquels doivent être pris de manière prioritaire. Ainsi, en se bornant à joindre à sa demande de congés un relevé des heures qu'il a cumulées au titre de ces repos, M. B... ne justifie pas du bien-fondé de la demande présentée le 28 septembre 2017, laquelle n'était pas susceptible d'être accueillie. Par suite, le refus implicite de lui accorder vingt-quatre journées de congés au titre des repos compensateurs n'a pas méconnu les dispositions précitées du 4° de l'article 1er du décret du 23 octobre 2002.

10. Par voie de conséquence de ce qui précède, et alors que M. B... se borne à faire état en termes généraux de dysfonctionnements administratifs, le requérant n'établit pas l'existence d'une faute qui serait à l'origine d'un préjudice moral.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation soulevée par le ministre en première instance, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur des ressources humaines et des compétences de la police nationale a refusé de faire droit à sa demande d'octroi d'heures de repos compensateur à compter du 23 octobre 2017. Par suite, en l'absence de faute de l'administration, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant ne peuvent qu'être également rejetées, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement no 1708135 du 1er avril 2019 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

2

N° 19VE01990


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01990
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-02-002 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statuts spéciaux. Personnels de police (voir : Police administrative).


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELAS CITYLEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-24;19ve01990 ?
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