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24/06/2021 | FRANCE | N°19VE01689

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 24 juin 2021, 19VE01689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du maire de la commune du Blanc-Mesnil du 25 avril 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 15 février 2016, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la commune du Blanc-Mesnil de procéder à la reconstitution de sa carrière, de condamner la commune du Blanc-Mesnil à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des violences morales subies,

et de mettre à la charge de la commune du Blanc-Mesnil le versement d'une s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du maire de la commune du Blanc-Mesnil du 25 avril 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 15 février 2016, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la commune du Blanc-Mesnil de procéder à la reconstitution de sa carrière, de condamner la commune du Blanc-Mesnil à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des violences morales subies, et de mettre à la charge de la commune du Blanc-Mesnil le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801358 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 9 mai 2019, 1er juillet 2019, 5 août 2019, 23 septembre 2019, 7 février 2021 et 3 juin 2021, Mme D..., représentée par Me C..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de condamner la commune du Blanc-Mesnil à lui verser une somme de 35 000 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Blanc-Mesnil la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il ne comporte pas les signatures mentionnées à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que sa demande était tardive ;

- les décisions attaquées ont été prises par une autorité incompétente ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation ainsi que d'une erreur de droit, l'accident dont elle a été victime présentant un lien avec le service ; en raison des violences et des mauvais traitements qu'elle a subis à l'occasion d'une altercation avec le maire de la commune le 15 février 2016, elle a été atteinte d'un syndrome dépressif qui est à l'origine d'une fausse couche ; il n'existe aucun état antérieur ;

- l'administration a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- elle a subi un préjudice moral, financier et physique justifiant le versement d'une indemnité d'un montant de 35 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- les observations de Me C..., pour Mme D....

Une note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2021, a été présentée pour Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., adjoint administratif employée par la commune du Blanc-Mesnil, est en charge des relations avec les associations. L'intéressée a demandé le 23 mars 2016 la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu le 15 février 2016. Lors de sa séance du 30 janvier 2017, la commission de réforme n'a pas émis d'avis sur la demande d'imputabilité au service présentée par Mme D.... Par un arrêté du 25 avril 2017, le maire de la commune du Blanc-Mesnil a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Le recours gracieux présenté par Mme D... à l'encontre de ce refus a été rejeté par une décision du 30 novembre 2017, notifiée à l'intéressée le 5 décembre suivant. Par un courrier du 7 février 2018, reçu par l'administration le 12 février suivant, l'intéressée a demandé au maire de la commune du Blanc-Mesnil une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de cet accident. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Mme D... relève appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation et indemnitaires, motif pris de leur tardiveté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement méconnaîtrait les dispositions précitées de cet article manque en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ".

5. D'une part, il résulte de l'instruction que, par courrier du 9 octobre 2017, Mme D... a présenté un recours gracieux contre l'arrêté susmentionné du 25 avril 2017 qui lui avait été notifié le 3 octobre 2017. Ce recours gracieux a été rejeté par un courrier du 30 novembre 2017, notifié à l'intéressée le 5 décembre suivant, et qui comportait, de manière suffisamment précise, les mentions des voies et délais de recours. Le délai de recours contentieux contre cette décision a donc expiré le 6 février 2018, en application des dispositions citées au point 2. Dans ces conditions, les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2017, enregistrées le 12 février 2018, étaient tardives et, dès lors, irrecevables. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté ces conclusions pour ce motif.

6. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit, Mme D..., par un courrier du 7 février 2018, reçu par l'administration le 12 février suivant, a demandé au maire de la commune du Blanc-Mesnil une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral. Un tel courrier constitue une demande indemnitaire préalable qui a eu pour effet de lier le contentieux conformément aux dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, une décision implicite de rejet de cette demande étant par ailleurs née en cours d'instance. En outre, la circonstance que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D... étaient irrecevables en raison de leur tardiveté n'a pas eu pour effet de rendre irrecevables ses conclusions indemnitaires. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé irrecevables ses conclusions tendant au versement d'une indemnité de 5 000 euros. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure.

7. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la demande de Mme D... tendant à la réparation de ses préjudices.

Au fond :

8. L'illégalité d'une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration (...) ". Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 25 avril 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... ainsi que la décision du 30 novembre 2017 rejetant son recours gracieux ont été signés par le maire de la commune du Blanc-Mesnil. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que ces décisions sont entachées d'incompétence.

10. En deuxième lieu, ces deux décisions comportent l'énoncé suffisant des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Elles sont, par suite, suffisamment motivées.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". Aux termes de l'article 3 de cet arrêté, la commission de réforme comprend " (...) 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les cas où il est manifeste, au vu des éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste doit être regardée comme privant l'intéressé d'une garantie et comme entachant d'irrégularité la procédure devant la commission.

12. Mme D... soutient que le refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission de réforme ne comprenait aucun médecin spécialiste de sa pathologie lorsqu'elle a émis son avis. Toutefois, la requérante, qui fait valoir un syndrome anxio-dépressif réactionnel, a produit à l'appui de sa demande un certificat médical établi le 26 février 2016 faisant état de cette pathologie, une déclaration d'accident établie le 23 mars 2016 mentionnant l'origine, selon elle, de ses troubles, ainsi qu'une fausse couche, un certificat médical établi le 8 mars 2016 par un gynécologue, ainsi qu'un certificat établi le 9 mai 2016 par un psychiatre du centre de santé mentale de Ville-Evrard. Dans ces conditions, à la date à laquelle s'est tenue la séance de la commission de réforme, le 30 janvier 2017, aucun élément du dossier transmis au secrétariat de la commission, qui comprenait par ailleurs un rapport d'expertise établi le 10 mai 2016 par un médecin agréé, ne permettait d'estimer que l'examen de la situation de Mme D... aurait nécessité, sous peine de la priver d'une garantie, la présence d'un médecin spécialiste.

13. En quatrième lieu, l'arrêté du 25 avril 2017 se bornant à refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par Mme D... n'est pas entaché de rétroactivité illégale.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

15. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

16. Mme D... fait valoir qu'en raison des violences et des mauvais traitements qu'elle aurait subis à l'occasion d'une altercation avec le maire de la commune le 15 février 2016, elle a été atteinte d'un syndrome dépressif réactionnel à l'origine d'une fausse couche. Si elle a produit à l'appui de ces allégations un certificat établi le 26 février 2016 par un médecin du centre municipal de santé Pierre Rouquès du Blanc-Mesnil faisant notamment état d'un contexte de deuil familial, un certificat établi le 8 mars 2016 par un gynécologue, un certificat établi le 21 mars 2016 par un médecin du même centre municipal de santé, et un certificat établi le 9 mai 2016 par un psychiatre du centre de santé mentale de Ville-Evrard qui confirment ses problèmes de santé, ces documents ne permettent pas d'établir un lien entre sa pathologie et son entretien avec le maire de la commune du Blanc-Mesnil. Ce lien n'est pas davantage établi par la circonstance que dans son rapport du 13 avril 2017, le médecin agréé a estimé que la reprise du travail est possible dans un autre service, sans contact avec le public. D'ailleurs, le médecin agréé chargé d'établir le rapport destiné à la commission de réforme a considéré le 10 mai 2016 que la pathologie de Mme D... n'est pas imputable au service. Dans ces conditions, et nonobstant l'absence d'état antérieur, la pathologie de l'intéressée ne peut être regardée comme directement imputable au service. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le refus qui lui a été opposé serait entaché d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation.

17. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le refus opposé à la requérante serait constitutif d'un détournement de pouvoir ou d'une sanction déguisée. Aucun fait ne permet de présumer l'existence d'une discrimination.

18. La décision par laquelle la commune du Blanc-Mesnil a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... n'étant entachée d'aucune illégalité fautive, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non-recevoir invoquées par la commune en défense. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune du Blanc-Mesnil au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801358 du tribunal administratif de Montreuil du 8 mars 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires de Mme D....

Article 2 : Les conclusions indemnitaires de Mme D... et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune du Blanc-Mesnil tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 19VE01689 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01689
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : CRUSOE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-24;19ve01689 ?
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