Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Avav a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été réclamées au titre de l'exercice clos en 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011.
Par un jugement no 1805399 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de la SAS Avav.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2019, la SAS Avav, représentée par Me Guillot, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il ne lui donne pas satisfaction ;
2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été réclamées au titre de l'exercice clos en 2010 ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 413 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Avav soutient que :
- les dispositions de l'article L. 52 du Livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- la garantie liée au débat oral et contradictoire n'a pas été respectée ;
- les dispositions de l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- les dispositions de l'article L. 57 A du Livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- les dispositions de l'article L. 76 B du Livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- sa comptabilité a été rejetée à tort ;
- la Sarl AMS Studio lui a réellement fourni des prestations de sous-traitance et elle a elle-même réellement exercé une activité de production sous-traitée à la société de façonnage portugaise Inti, de sorte que le crédit d'impôt recherche dont elle a bénéficié à bon droit lui a été repris à tort ;
- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont elle a fait l'objet ne sont ni suffisamment motivées ni fondées, l'administration n'apportant pas la preuve dont la charge lui incombe de la réalité des manoeuvres alléguées.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Avav, créée le 26 juillet 2010, a pour objet la fabrication et la commercialisation d'équipements de la personne et accessoires de mode et en particulier de sous-vêtements féminins. Elle a conclu, le 29 juillet 2010, un contrat de collaboration avec la société AMS Studio en vue de la création d'une collection de 200 modèles de sous-vêtements féminins pour l'année 2011. Un contrat de licence de fabrication et de distribution a parallèlement été conclu, le 26 juillet 2010, avec la société Brands et Co pour fabriquer et commercialiser ses modèles en exclusivité sous la marque " Vannina Versperini ". Une quatrième société, la société tunisienne SMTC, était présentée comme intervenant dans la fabrication des collections. La requérante a obtenu, par une décision du 22 février 2011, la restitution d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 500 000 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010. Sa comptabilité a ensuite fait l'objet d'une vérification à l'issue de laquelle l'administration, par une proposition de rectification du 19 décembre 2012, a remis en cause le crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié et procédé à la rectification correspondante en matière d'impôt sur les sociétés. Cette rectification a été a assortie d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois (...) / II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la vérification de la comptabilité de la société requérante s'est déroulée sur place du 15 décembre 2011 au 9 mars 2012, soit dans le délai de trois mois prévu par les dispositions susvisées. Dans le seul cadre de ces opérations, l'administration a constaté que les relations unissant celle-ci avec les sociétés mentionnées au point 1 étaient mal définies par des stipulations contractuelles imprécises, dont il n'est pas démontré qu'elles aient été effectivement exécutées, alors que rien n'établissait que ceux des deux cent cinquante prototypes prétendument réalisés par la SAS Avav présentés lors des interventions sur place du 27 février 2012 et du 9 mars suivant avaient effectivement été confectionnés par ses partenaires. L'administration a également constaté que la Sarl AMS Studio ne disposait pas des moyens humains pour réaliser l'ensemble des modèles commandés par ses différents clients, lesquels étaient des sociétés créées en 2010 dont le chiffre d'affaires était nul ou faible au cours de cette année et de la suivante, la SAS Avav ayant elle-même déclaré un chiffre d'affaires nul au titre de l'exercice 2010. L'administration a pu à bon droit déduire de l'ensemble des éléments recueillis que la réalité de la sous-traitance de la Sarl AMS Studio à l'égard de la requérante n'était pas justifiée par quatre factures d'un montant total de 1 196 000 euros, peu détaillées et jamais acquittées par la SAS Avav, qui étaient donc dépourvues de toute contrepartie pour la requérante. Elle apporte ainsi la preuve que ces factures présentaient un caractère fictif et servaient un schéma frauduleux destiné à justifier la déductibilité de charges fictives et, par voie de conséquence, du remboursement d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche injustifié. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a relevé dans sa proposition de rectification que la comptabilité de la société requérante était dépourvue de toute valeur probante.
4. Il suite de là, d'une part, que c'est à bon droit que l'administration a relevé dans sa proposition de rectification que la comptabilité de la société requérante était dépourvue de toute valeur probante. Par suite, l'administration disposait du délai de six mois prévu par les dispositions précitées pour contrôler sur place les éléments comptables de la requérante, sans que, en tout état de cause, l'administration n'ait à l'avertir de ce que la durée de cette vérification ne se limiterait pas à trois mois, ni à justifier avoir pu déterminer à l'intérieur des trois premiers mois que la comptabilité n'était pas probante.
5. D'autre part, la requérante soutient que les éléments recueillis par l'administration dans le cadre des opérations qu'elle a diligentées sur la comptabilité de la Sarl AMS Studio ont permis le recoupement d'informations contenues dans sa propre comptabilité, et ont ainsi contribué à fonder les rectifications dont elle a fait l'objet. Toutefois, il résulte de l'instruction que le service bénéficiait, à l'issue des opérations de contrôle sur place de la comptabilité de la requérante, de l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'exploitation de l'activité dont il a déduit le caractère fictif des trois factures émises par la Sarl AMS Studio. Par suite, le service s'est borné, dans le cadre des opérations de vérification diligentées sur la comptabilité de la Sarl AMS Studio, à examiner ces dernières factures sans procéder à une investigation destinée à l'examen des documents comptables de la requérante. La vérification de la comptabilité de la requérante n'a ainsi pas été prolongée par la vérification de la comptabilité de la Sarl AMS Studio. La circonstance que les opérations de vérification de la comptabilité de la Sarl AMS Studio se sont déroulées plus de six mois après le début de celles diligentées sur la comptabilité de la requérante n'entraîne pas, par suite, de méconnaissance du délai prescrit par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, pas plus au demeurant que ne constitue une méconnaissance de l'obligation de débat oral et contradictoire la circonstance que n'ont pas été communiqués à la requérante les éléments recueillis dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la Sarl AMS Studio, qui, d'une part, ne sont donc pas des éléments de sa propre comptabilité et, d'autre part, n'ont pas servi à fonder les rectifications.
6. Enfin, la SAS Avav soutient que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet aurait eu une durée supérieure à trois mois, et même à six mois, en raison de la visite domiciliaire opérée dans ses locaux le 19 avril 2012. Toutefois, elle ne le fait pas valablement dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait utilisé des informations recueillies au cours de cette visite domiciliaire pour fonder la reprise du crédit d'impôt qui lui avait été accordé.
7. Il résulte de ce qui précède que le délai de six mois dont disposait l'administration pour effectuer ses opérations de contrôle sur place n'a pas été méconnu et que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit être écarté en toutes ses branches.
8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. ". Aux termes de l'article L. 11 du même livre : " À moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
9. La société requérante soutient que l'administration n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 57 précité, en ce qu'elle lui a, à tort, refusé la prorogation de son délai de réponse. Il résulte certes de l'instruction que l'administration a refusé d'accorder à la requérante la prorogation, sollicitée par courrier du 11 janvier 2013, du délai de trente jours qui lui était imparti pour présenter ses observations sur la proposition de rectification du 19 décembre 2012 notifiée le 22 décembre 2012. Toutefois, il résulte également de l'instruction que par courrier du 21 janvier 2013, la requérante a exprimé son refus des rectifications qui lui ont été notifiées, refus qu'elle a d'ailleurs motivé par courrier du 15 février suivant. L'administration a répondu à ces observations par courrier du 3 juin 2013. La requérante, qui ayant ainsi refusé les rectifications dans le délai de trente jours prévu par les dispositions mentionnées, n'a été privée d'aucune garantie que la prorogation du délai de réponse de trente jours a vocation à préserver. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues.
10. Aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales ; " En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 €, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. /Le délai de réponse mentionné au premier alinéa ne s'applique pas en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. ".
11. Il résulte des termes mêmes de cet article que, dès lors que la comptabilité de la requérante a été rejetée en raison des graves irrégularités qu'elle comportait, la garantie qu'il prévoit ne pouvait pas bénéficier à celle-ci. Par suite, ses dispositions n'ont pas été méconnues.
12. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "
13. Il résulte de l'instruction que les termes de la proposition de rectification adressée à la requérante l'ont clairement informée de l'origine et de la teneur des informations obtenues de tiers en lui indiquant celles des informations susceptibles de lui être opposées. Par suite, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.
14. La requérante ne peut, enfin, se prévaloir utilement de la doctrine administrative qu'elle invoque pour contester la régularité de la procédure d'établissement de l'imposition litigieuse.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
15. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies , 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quaterdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. / Le taux de 30 % mentionné au premier alinéa est porté à 50 % et 40 % au titre respectivement de la première et de la deuxième année qui suivent l'expiration d'une période de cinq années consécutives au titre desquelles l'entreprise n'a pas bénéficié du crédit d'impôt et à condition qu'il n'existe aucun lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 entre cette entreprise et une autre entreprise ayant bénéficié du crédit d'impôt au cours de la même période de cinq années. (...) ".
16. La SAS Avav a déposé le 16 février 2011 une déclaration tendant à obtenir au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010 le remboursement d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 500 000 euros pour des dépenses de collection exposées par les entreprises industrielles du secteur textile habillement cuir, correspondant à 50 % de la somme d'un million d'euros. Il résulte de l'instruction que cette demande est exclusivement fondée sur les quatre factures qu'a établies la SARL AMS Studio, lesquelles présentent un caractère fictif, comme exposé au point 3. Dès lors, cette seule circonstance fait obstacle à ce que la société requérante puisse prétendre au crédit d'impôt pour dépenses de recherche sollicité. Par suite, l'administration est fondée à réclamer la restitution de la somme initialement remboursée à la SAS Avav.
Sur les pénalités :
17. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. ".
18. Il résulte des termes de la proposition de rectification que l'application de cette pénalité est suffisamment motivée par l'existence d'un schéma frauduleux dont a fait usage la société requérante pour justifier du remboursement d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche injustifié. Au demeurant, il résulte des éléments rappelés ci-dessus que l'administration a suffisamment démontré l'existence de ce schéma frauduleux. Dès lors, la société requérante, qui ne soutient valablement ni que les pénalités querellées ne sont pas suffisamment motivées ni qu'elles ne sont pas justifiées, n'est pas fondée à en demander la décharge.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Avav est rejetée.
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N° 19VE03988