Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Uvair European Fuelling Services Ltd a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 107 817,22 euros au titre de la période du 1er juin 2014 au 30 avril 2016.
Par un jugement n° 1705500 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet 2019, 7 février 2020, 23 mars 2020, 26 juin 2020, 14 août 2020, ainsi qu'un mémoire récapitulatif et un mémoire enregistrés les 8 octobre 2020 et 21 janvier 2021, la société Uvair European Fuelling Services Ltd, représentée par Me B... et Me C..., avocats, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer le remboursement de cotisations de taxe sur la valeur ajoutée demandé ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons de biens destinés aux forces armées de tout Etat partie au Traité de l'Atlantique Nord prévue par les dispositions du c du point 1 de l'article 151 de la directive 2006/112/CE, sur le fondement de la doctrine douanière référencée DA n° 09-051 du 15 juillet 2009 qui complète les dispositions du 6° du II de l'article 262 du code général des impôts ;
- elle est, en tout état de cause, fondée à se prévaloir directement des dispositions du c du point 1 de l'article 151 de la directive 2006/112/CE dès lors que la cour de justice de l'Union européenne a reconnu l'effet direct de cette directive, et que la France n'a pas correctement transposé ces dispositions qui sont suffisamment claires et précises ;
- l'armée américaine n'a pas déduit la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle lui a facturée à tort, comme en atteste le certificat d'exonération produit.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la société Uvair European Fuelling Services Ltd.
Considérant ce qui suit :
1. La société Uvair European Fuelling Services Ltd, dont le siège est situé en Irlande, exerce une activité d'achat-revente de carburant d'aviation notamment en France. Le 27 juillet 2016, elle a introduit une demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime avoir facturée à tort à la société américaine Multiservice corporation, agissant en tant qu'intermédiaire pour les forces armées américaines, au titre de la période du 1er juin 2014 au 30 avril 2016, que l'administration a rejetée. La société Uvair European Fuelling Services Ltd relève régulièrement appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée afférente au carburant qu'elle a venu au cours de la période du 1er juin 2014 au 30 avril 2016.
2. Aux termes de l'article 151 de la directive 2006/112/CE du Conseil : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (...) / c) les livraisons de biens et les prestations de services effectuées dans les États membres parties au traité de l'Atlantique Nord et destinées aux forces armées des autres États parties à ce traité pour l'usage de ces forces ou de l'élément civil qui les accompagne, ou pour l'approvisionnement de leurs mess ou cantines lorsque ces forces sont affectées à l'effort commun de défense ; / (...) / Les exonérations prévues au premier alinéa s'appliquent dans les limites fixées par l'État membre d'accueil jusqu'à ce qu'une réglementation fiscale uniforme soit arrêtée. (...) ".
3. Aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " (...) II. - Sont également exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 2° Les opérations de livraison, de réparation, de transformation, d'entretien, d'affrètement et de location portant sur : / - les navires de commerce maritime affectés à la navigation en haute mer ; / - les bateaux utilisés pour l'exercice d'une activité industrielle en haute mer ; / - les bateaux affectés à la pêche professionnelle maritime, les bateaux de sauvetage et d'assistance en mer ; / (...) /4° Les opérations de livraison, de transformation, de réparation, d'entretien, d'affrètement et de location portant sur les aéronefs utilisés par des compagnies de navigation aérienne dont les services à destination ou en provenance de l'étranger ou des collectivités et départements d'outre-mer, à l'exclusion de la France métropolitaine, représentent au moins 80 % des services qu'elles exploitent ; / (...) / 6° Les livraisons de biens destinés à l'avitaillement des bateaux et des aéronefs désignés aux 2° et 4°, ainsi que des bateaux de guerre, tels qu'ils sont définis à la sous-position 89-01 du tarif douanier commun, à l'exclusion des provisions de bord destinées aux bateaux affectés à la petite pêche côtière ; / (...) ".
4. En premier lieu, la société Uvair European Fuelling Services Ltd, qui soutient effectuer des ventes de carburant au profit d'aéronefs des forces armées américaines, se prévaut des dispositions du 6 ° du II de l'article 262 du code général des impôts telles qu'interprétées par la doctrine douanière référencée DA n° 09-051 du 15 juillet 2009. Toutefois, il résulte des termes mêmes des dispositions du 6° du II de l'article 262 du code général des impôts que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux livraisons de biens destinés à l'avitaillement d'aéronefs utilisés par des compagnes aériennes. En outre, le rejet par l'administration d'une demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas un " rehaussement " d'impositions au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, la société Uvair European Fuelling Services Ltd ne peut se prévaloir de l'instruction administrative référencée DA n° 09-051 du 15 juillet 2009.
5. En second lieu, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transpositions nécessaires.
6. Les dispositions du c) du 1 de l'article 151 précité de la directive n° 2006/112/CE n'ont fait l'objet d'aucune transposition en droit interne même après l'expiration du délai imparti. Il résulte, en outre, clairement de ces dispositions, que les livraisons de biens effectuées par un assujetti d'un Etat membre, partie au traité de l'Atlantique Nord, au profit des forces armées d'un autre Etat partie à ce traité pour leur usage sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée. Si le dernier alinéa du point 1 de cet article précise que les exonérations prévues s'appliquent " dans les limites fixées par l'Etat membre d'accueil ", laissant aux Etats membres une certaine marge d'appréciation lorsqu'ils adoptent les mesures nécessaires afin de mettre en oeuvre cette directive, cette circonstance n'affecte pas le caractère précis et inconditionnel de l'obligation d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, les dispositions du c) du 1 de l'article 151 de la directive n° 2006/112/CE énoncent une obligation en des termes non équivoques, qui n'est assortie d'aucune condition et n'est subordonnée dans son exécution ou dans ses effets à l'intervention d'aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres. Par voie de conséquence, la société Uvair European Fuelling Services Ltd est fondée à s'en prévaloir.
7. La requérante soutient fournir en France du carburant aux aéronefs des forces armées américaines, dans le cadre d'un contrat global passé entre sa société mère et le département de la défense américain. Toutefois, il résulte de l'instruction que le contrat global de fourniture de carburant signé par le département de la défense américain, qui prévoit au demeurant le paiement de toutes les taxes au fournisseur de carburant, la société Air Total, l'a été avec la société Universal Fuels Inc, basé à Houston au Texas. Le certificat d'exemption sur le fondement de l'article 151 de la directive 2006/112/CE signé par le département de la défense américain du 26 février 2019 se borne à solliciter une exemption pour la société Universal Weather et Aviation Inc, basée à Shannonn en Irlande, sans mentionner, au demeurant, les biens et services au titre desquels cette exemption est demandée. En outre, ni le courrier rédigé par la société Multiservice Technology Solutions Inc, intermédiaire de paiement par carte du département de la défense, attestant qu'elle n'a pas acheté de carburant à la société Uvair et qu'elle ne réclamera pas le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée relative à ce carburant, ni la liste de factures produites mentionnant seulement une date, un numéro de facture et un montant de taxe sur la valeur ajoutée, pas plus que les factures rectificatives produites par la société Uvair European Fuelling Services Ltd, libellées à l'ordre de la société Multiservice corporation au titre de la vente de carburant ne permettent d'établir que la requérante aurait vendu du carburant aux forces américaines au cours de la période du 1er juin 2014 au 30 avril 2016, dans le cadre d'un contrat global signé par sa société mère. Il ne résulte, par suite, pas de l'instruction que la société requérante pouvait bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du c) du 1 de l'article 151 de la directive 2006/112/CE.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Uvair European Fuelling Services Ltd n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Uvair European Fuelling Services Ltd est rejetée.
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N° 19VE02644