Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 14 décembre 2015 par laquelle la directrice du Centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, de condamner ce centre à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette décision et d'enjoindre à ce centre de rectifier les documents de fin de contrat et de lui remettre les documents rectifiés.
Par un jugement n° 1601483 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a annulé la décision de la directrice du CASH de Nanterre du 14 décembre 2015 (article 1er), condamné ce centre à verser à Mme D... une indemnité de 16 893 euros assortie d'intérêts capitalisés (article 2), mis à la charge de ce centre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3), et rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 4).
Procédure devant la Cour :
Par requête enregistrée sous le n° 18VE03099, le CASH de Nanterre a demandé à la Cour d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Mme D... a conclu au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la majoration des sommes qui lui ont été allouées et à ce qu'il soit enjoint au CASH de Nanterre de rectifier les documents de fin de contrat et de lui remettre les documents rectifiés.
Par un arrêt n°s 18VE03099 et 18VE03743 du 25 avril 2019, la Cour a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête n° 18VE03743 du CASH de Nanterre (article 1er), a rejeté la requête n° 18VE03099 du CASH de Nanterre (article 2), a porté la somme que ce centre avait été condamné à verser à Mme D... à 17 869,41 euros (article 3), assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 26 janvier 2017, les intérêts échus à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts (article 4), a réformé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 3 juillet 2018 en ce qu'il a de contraire au présent arrêt (article 5), a rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme D... (article 6) et a condamné le CASH de Nanterre à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 7).
Par la présente requête, enregistrée le 10 juillet 2020 sous le numéro 20VE02740, Mme D..., représentée par Me Darguel, avocat, demande à la Cour :
1°) d'ordonner au CASH de Nanterre de la réintégrer dans son ancien poste ou dans un poste équivalent ;
2°) d'ordonner au CASH de Nanterre de reconstituer sa carrière depuis la date de son licenciement annulé du 14 décembre 2015 ;
3°) d'ordonner au CASH de Nanterre de lui verser les rappels de traitements et de primes découlant de la reconstitution de sa carrière ;
4°) d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge du CASH de Nanterre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêt du 25 avril 2019 implique de la réintégrer dans son emploi, avec plein effet depuis la date du licenciement annulé en date du 14 décembre 2015 et rappels de traitements et primes ;
- le CASH de Nanterre refuse de la réintégrer malgré plusieurs demandes en ce sens ;
- il y a lieu de préciser les modalités de réintégration, de reconstitution de carrière et de rémunération sollicitées dans le cadre de la mise en oeuvre du pouvoir d'injonction compte tenu du comportement déloyal du CASH de Nanterre ;
- l'astreinte prononcée doit être suffisamment importante pour faire cesser le comportement obstructif du CASH de Nanterre.
Par une ordonnance du 16 octobre 2020, le président de la Cour administrative d'appel de Versailles a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'exécution de l'arrêt n°s 18VE03099 et 18VE03743 du 25 avril 2019 de la Cour.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour le CASH de Nanterre.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée par le Centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre en vertu d'un contrat à durée indéterminée conclu le 3 novembre 2014, en qualité d'assistante socio-éducative. Elle a été successivement affectée au service des lits désignés par l'appellation " halte soins de santé ", puis, à compter du 16 octobre 2015, au service dénommé " centre d'hébergement et de réinsertion sociale ". La directrice du CASH de Nanterre a, par une décision du 14 décembre 2015, prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 14 janvier 2016. Par un jugement n° 1601483 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de la directrice du CASH de Nanterre du 14 décembre 2015 et condamné ce centre à verser à Mme D... une indemnité de 16 893 euros. Par un arrêt n°s 18VE03099 et 18VE03743 du 25 avril 2019, la Cour a rejeté la requête n° 18VE03099 du CASH de Nanterre tendant à l'annulation de ce jugement, a porté la somme que ce centre avait été condamné à verser à Mme D... à la somme de 17 869,41 euros, assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 26 janvier 2017, les intérêts échus à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts. Mme D... demande à la Cour d'assurer l'exécution de cet arrêt.
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 921-2 du même code : " La demande d'exécution d'un arrêt rendu par une cour administrative d'appel est adressée à celle-ci. " S'il appartient au juge de l'exécution, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'ordonner l'exécution de la chose jugée, il n'a pas le pouvoir de remettre en cause les mesures décidées par le dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. Il résulte des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du CJA d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites, ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision. Il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.
Sur la demande tendant à la réintégration de Mme D... :
3. En vertu du principe du caractère rétroactif des annulations pour excès de pouvoir, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'une mesure d'éviction d'un agent recruté par contrat à durée indéterminée est annulée, de procéder à la réintégration effective de celui-ci au sein de ses services. Lorsque les stipulations du contrat d'engagement déterminent de manière précise l'emploi sur lequel l'agent est recruté et si cet emploi ne dispose d'aucun équivalent au sein de ses services, il appartient en principe à l'administration de procéder à sa réintégration sur cet emploi. L'arrêt dont il est demandé l'exécution a annulé la décision licenciant Mme D... à compter du 14 janvier 2016 sans prononcer aucune injonction à l'encontre du CASH de Nanterre.
4. D'une part, Mme D... ne peut prétendre à la réintégration dans son ancien emploi, dès lors que celui-ci était rattaché à un service fermé en cours d'instance.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction que le CASH de Nanterre a proposé de réintégrer Mme D... au sein de ses effectifs sous contrat à durée indéterminée à compter du mois de mars 2019 sur un emploi d'éducatrice spécialisée, qui était distinct de son ancien poste d'animateur socio-culturel. Mme D... a rejeté cette proposition en raison des sujétions inhérentes au poste proposé, qui sont incompatibles selon elle avec ses contraintes personnelles, et au motif qu'elle avait droit à ce que ce poste soit adapté aux horaires et jours de travail correspondant à son ancien poste. Ce motif de refus était toutefois injustifié, dès lors que si la requérante avait le droit d'être réintégrée dans un emploi équivalent à son précédent emploi, elle n'avait pas pour autant droit au maintien de ses anciennes conditions de travail. Or, il ne résulte pas de l'instruction que l'emploi proposé à Mme D... ne présenterait pas un caractère d'équivalence avec son ancien emploi. Le CASH de Nanterre ayant déjà proposé à Mme D... sa réintégration dans un emploi équivalent, il n'y a plus lieu de prononcer une injonction en ce sens.
6. Il en résulte qu'il y a seulement lieu d'ordonner au CASH de Nanterre de reconstituer juridiquement la carrière de Mme D... du 14 janvier 2016 au 11 mars 2019 inclus.
Sur la reconstitution juridique de la carrière de Mme D... :
En ce qui concerne le rappel des traitements et primes :
7. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
8. L'arrêt dont il est demandé l'exécution a annulé la mesure de licenciement litigieuse en raison de l'erreur d'appréciation de la qualité professionnelle de Mme D.... Le manque à gagner subi par Mme D... du fait de son éviction présente donc un lien direct avec l'illégalité commise par le CASH de Nanterre.
9. Il résulte de l'instruction que Mme D... a travaillé depuis son licenciement et que ses périodes d'emploi ont été prises en compte pour déterminer la somme qui lui a été allouée en première instance et en appel en réparation du préjudice ayant résulté de la diminution de ses revenus. Il est constant que le CASH de Nanterre a versé à la requérante la somme retenue par la Cour, soit 17 869,41 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2016, capitalisés à compter du 26 février 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Par suite, le CASH de Nanterre ayant effectivement versé à Mme D... l'indemnité réparant la diminution de ses revenus, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que l'exécution de l'arrêt du 25 avril 2019 impliquerait qu'il soit ordonné au CASH de Nanterre de lui verser les rappels de traitements et primes afférents à sa reconstitution de carrière. Cette somme ayant été fixée par l'arrêt dont il est demandé l'exécution, il n'y a pas lieu d'enjoindre à Mme D... de communiquer le montant des rémunérations perçues par elle sur la période considérée.
Sur la régularisation de l'affiliation de Mme D... à la caisse de retraite :
10. La reconstitution de carrière d'un agent irrégulièrement évincé implique nécessairement la régularisation de son affiliation à la caisse de retraite de laquelle il aurait relevé en l'absence d'intervention de la décision illégale et, par suite, le versement par l'employeur des cotisations correspondantes. Par suite, il y a lieu d'ordonner au CASH de Nanterre de procéder à cette régularisation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 250 euros par jour de retard.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions du CASH de Nanterre tendant à ce que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge du CASH de Nanterre le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il est enjoint au CASH de Nanterre de reconstituer juridiquement la carrière de Mme D... en régularisant son affiliation à la caisse de retraite du 14 janvier 2016 au 11 mars 2019 inclus, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 250 euros par jour de retard.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CASH de Nanterre sont rejetées.
Article 3 : Le CASH de Nanterre versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.
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N° 20VE02740